Live News

Olivier Bancoult : «Mieux vaut avoir l’ensemble des Chagos sans Diego que rien du tout»

Olivier Bancoult comprend les réserves de Navin Ramgoolam, mais préfère récupérer les Chagos sans Diego que tout perdre. Il invite les Chagossiens se disant Anglais à apprendre l’histoire avant de manifester.

En campagne, Navin Ramgoolam critiquait déjà cet accord. Il a exprimé ses doutes à l’envoyé britannique Jonathan Powell. Pourquoi cette méfiance envers les Anglais ?
Le nouveau Premier ministre, Navin Ramgoolam a tout à fait raison de demander des précisions sur cet accord. Sa méfiance est justifiée : il refuse de ratifier un texte qui pourrait devenir un traité sans en comprendre tous les détails. Son contenu est important afin d’éviter tout malentendu, car ce dossier est extrêmement important pour l’État mauricien dans son ensemble et le Groupe Réfugiés Chagos. En tant que nouveau chef du pays, Navin Ramgoolam doit s’assurer que cet accord passé sous le gouvernement sortant soit dans les règles.

Publicité

Arvin Boolell critique l’ancien Premier ministre pour avoir « vendu » Diego aux Britanniques pour un siècle dans cet « accord qu’il qualifie de simple « bout de papier ». Partagez-vous son opinion ?
J’ai lu les propos d’Arvin Boolell dans Le Défi Plus. À mon avis, il faut considérer les trois parties impliquées dans la question de la souveraineté : le Royaume-Uni, Maurice et les États-Unis. Selon moi, aucune ne pourra obtenir une victoire totale. Par le passé, la Grande-Bretagne a manqué de volonté, contournant même le jugement de 1999 d’une cour anglaise dans une affaire portée par le Groupe Réfugiés Chagos. Ce n’est qu’en 2022 que des négociations ont commencé, puis plus rien. Je le répète, mieux vaut avoir l’ensemble des Chagos sans Diego que rien du tout.

Il semble que les natifs des Chagos, dont vous faites partie, souhaitent participer aux discussions entourant cet accord avant sa présentation à la House of Commons. Est-ce le cas ?
Sur certains dossiers sensibles comme la sécurité de la base de Diego, on comprend que les discussions doivent se faire d’État à État. Toutefois sur d’autres sujets, les Chagossiens doivent avoir leur droit au chapitre.

Êtes-vous satisfait de constater que nous sommes sur la bonne voie ?
Auparavant, il n’était pas question de céder un seul pouce de Peros Banhos et Salomon et les autres îles aux Chagossiens et à Maurice. Les Conservateurs disaient que « they will not waste tax payers money » pour une éventuelle compensation de réparation aux Chagossiens. Depuis peu, les Britanniques ont changé leur attitude depuis le départ des Conservateurs. C'est une coïncidence qu'un gouvernement travailliste ait expulsé les Chagossiens, et qu'aujourd'hui, un autre gouvernement travailliste accepte leur retour dans leurs îles natales ainsi que la souveraineté de Maurice sur l'archipel, à l'exception de Diego.

Cependant, le nouveau secrétaire d'État de Donald Trump, Marco Rubio, oppose son veto : il refuse la présence d'habitants aux Chagos. Il brandit le fait que cet accord met en péril la sécurité des Américains. Qu’en pensez-vous ?
Partout où les États-Unis ont des bases militaires, il y a de la cohabitation. À Diego, par exemple, il y a des réfugiés et des travailleurs étrangers, comme les Sri Lankais. De même à Guantanamo, des Cubains y travaillent, tout comme à Okinawa au Japon. La priorité aurait dû être donnée aux Chagossiens pour travailler à Diego, comme sur d'autres bases militaires américaines. C'est une forme de discrimination à notre égard. 

Les Britanniques et les Américains savent très bien qu'il y avait une population autochtone à Diego, avec sa chapelle, son cimetière et ses monuments qui témoignent de notre histoire et de notre culture. Nous avons le droit de rendre hommage à nos ancêtres en fleurissant leurs tombes.

Concernant la sécurité des Américains, c’est un faux débat. Ni Maurice ni les Chagossiens ne s’opposent à la base militaire de Diego au nom de la sécurité. 

L’accord doit être validé par la House of Commons, mais il rencontre une forte opposition des conservateurs au Premier ministre britannique, Sir Keir Starmer, avec Kemi Badenoch en tête. Ils estiment que le gouvernement n’a pas suffisamment défendu les intérêts nationaux du Royaume-Uni concernant les Chagos. Le traité pourrait-il être remis en cause ?
Je tiens à saluer le courage de Sir Keir Starmer, qui a compris l'importance de rendre la souveraineté des Chagos à Maurice. À ceux qui s'opposent à ce traité au Parlement britannique, je leur pose la question suivante : qu’ont-ils fait pendant tout ce temps, lorsqu'ils étaient au pouvoir ?

Maintenant, veulent-ils vraiment que les Chagos restent sous contrôle britannique ? Auraient-ils accepté d’être déportés, poussés à l’exil, loin de leur terre natale ? Savent-ils ce que c’est que de vivre un tel calvaire pendant des années ? Rien du tout.

Ils ont bien offert un « support package » de 40 millions de livres sur 10 ans, à partir de novembre 2016, pour les Chagossiens de Maurice, des Seychelles et de Grande-Bretagne. Ce fonds était censé aider la communauté, notamment en matière d’éducation et de formation, soit 4 millions de livres par an. Huit ans plus tard, seulement 1,8 million de livres ont été dépensées. Nous n’avons eu droit qu’à une « heritage visit » aux Chagos. Le reste de l’argent est toujours là, et dans deux ans, le délai de dix ans du « package » expirera. Ils diront alors que celui-ci n’est plus valable pour les Chagossiens.

Parlons maintenant de la location de Diego aux Britanniques. Lorsque les occupants recevront l’argent des Américains, les Britanniques devront financer la protection maritime et la lutte contre les pirates somaliens, entre autres. Il semble qu'il ne restera presque rien pour les Chagossiens et notre pays.

Les Britanniques vont entreprendre diverses actions concernant la location de Diego. Cependant, il est essentiel qu'ils élaborent un plan de réparation pour les Chagossiens, destiné aux natifs et, en cas de décès, à leurs héritiers directs. Il faut aussi un plan social pour les descendants, qu'ils soient de 2e, 3e ou 4e génération. Toutefois, un bémol demeure : il est crucial de connaître les détails de cet accord par écrit avant d'en discuter plus avant.

Les Britanniques ont-ils piégé Maurice sur Diego ?
Les occupants sont devenus les propriétaires de Diego, mais ils ignorent des réalités essentielles qui nous tiennent à cœur : notre peuple, les natifs des Chagos, qui rêvent de retourner dans leurs îles natales à la fin de leur vie. Arrachés de leur terre, poussés à l’exil à Maurice, ils ont tout perdu alors qu’ils vivaient heureux sur l’archipel. C’est cette dimension humaine qui a longtemps fait défaut aux Britanniques.

Y a-t-il encore des natifs vivants ?
Il n’en reste malheureusement pas beaucoup. Le plus jeune natif des Chagos a 56 ans, et le plus âgé fêtera ses 100 ans dans six mois. Cependant, je suis convaincu qu’une solution pourra être trouvée grâce à la diplomatie.

Êtes-vous favorable à l’indépendance des Chagos ?
Non, l'indépendance n'est pas une option. Comme Rodrigues, nous rêvons d'une autonomie au sein de l'État mauricien.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !