Nomination de Shirin Aumeeruddy-Cziffra comme Speaker : Un Parlement à réconcilier avec la démocratie

• Les attentes placées en elle sont immenses

La nomination de Shirin Aumeeruddy-Cziffra en tant que Speaker de l’Assemblée nationale, le vendredi 29 novembre, marque un tournant symbolique pour la démocratie du pays. En devenant la deuxième femme à occuper ce poste prestigieux, elle incarne non seulement une avancée significative pour la représentation féminine, mais aussi un espoir de renouveau après une période de turbulences politiques.

Lors de son discours inaugural, elle a souligné l’importance de « restaurer l’impartialité et de renforcer la confiance dans l’institution parlementaire ». Sa nomination intervient après la gestion controversée de Sooroojdev Phokeer, qui a laissé des traces profondes dans la perception publique du Parlement. Les attentes placées en elle sont donc immenses. 

« Shirin Aumeeruddy-Cziffra est une personne de qualité dans le domaine juridique. Dans les années 80, elle a mené des réformes extraordinaires pour le droit et le bien-être des femmes. Même en dehors du Parlement, elle est une personne de calibre, tant académiquement qu’intellectuellement. Elle est connue comme étant une personne progressiste », avance l’observateur Olivier Précieux. 

Jocelyn Chan Low abonde dans le même sens. « C’est un signal qui a tout son sens, car il n’y a que deux femmes ministres au sein du gouvernement du Changement. L’équilibre est enfin respecté à la suite de la nomination de Shirin Aumeeruddy-Cziffra », soutient l’observateur.  

L’une des premières missions de la nouvelle Speaker sera de rétablir l’impartialité au sein du Parlement. La gestion précédente de l’Assemblée nationale a été marquée par des accusations de partialité et de favoritisme, avec des expulsions intempestives qui ont érodé la confiance des citoyens dans cette institution clé de la démocratie. Elle devra ainsi naviguer avec prudence et fermeté pour garantir que les débats parlementaires se déroulent de manière équitable et transparente.

D’autant plus que dans un Parlement où l’opposition officielle est presque inexistante après la victoire écrasante de 60-0 de l’Alliance du Changement aux dernières législatives, le rôle de Shirin Aumeeruddy-Cziffra sera crucial pour garantir un espace de dialogue démocratique. Elle devra veiller à ce que toutes les voix, y compris celles des minorités et des groupes marginalisés, soient entendues et respectées. 

Équité au sein de l’hémicycle

L’ancien président de la République et ami de Shirin Aumeeruddy-Cziffra, Cassam Uteem, a exprimé sa confiance en la nouvelle Speaker. « Je pense que l’opposition viendra de l’intérieur. Mais on peut compter sur elle pour ce qui est de l’impartialité. D’ailleurs, au sein de l’Assemblée nationale, le ou la Speaker est celui ou celle qui défend les intérêts de l’opposition. Elle fera très bien comme Speaker. Elle a toujours été à la hauteur de la tâche qu’on lui a confiée. C’est un choix judicieux », affirme-t-il.

Ces dix dernières années, déplore Jocelyn Chan Low, ont été catastrophiques, avec la nomination de deux proches du MSM, à savoir Maya Hanoomanjee et Sooroojdev Phokeer. « Il faut qu’il y ait une équité au sein de l’hémicycle, surtout que l’opposition est peu nombreuse. C’est doublement important. Il est crucial de faire entendre la voix de l’opposition en ce moment particulier. Ce n’est pas l’opposition de l’Alliance Lepep, mais plutôt l’opposition du pays. C’est la raison pour laquelle la nouvelle Speaker doit être vraiment impartiale. Et je suis convaincu qu’elle le sera, car elle n’est issue d’aucun parti politique. Elle est au-dessus de la mêlée. Ce qui n’était pas le cas de Maya Hanoomanjee et Sooroojdev Phokeer », dit-il.

Au-delà de ses responsabilités institutionnelles, la nomination de Shirin Aumeeruddy-Cziffra est perçue comme un symbole de renouveau pour la démocratie mauricienne. Selon Jocelyn Chan Low, sa nomination « représente une rupture avec le passé et une promesse de changement ». « Son parcours, marqué par un engagement constant pour la justice sociale et l’égalité, inspire confiance et espoir en un avenir plus inclusif et équitable », poursuit-il.

« Dimension politique »

« Mais ne soyons pas naïfs », tempère Olivier Précieux. La nomination de Shirin Aumeeruddy-Cziffra en tant que Speaker de l’Assemblée nationale, fait comprendre l’observateur, ne repose pas uniquement sur ses qualités personnelles, bien que celles-ci soient indéniables. « Il ne faut surtout pas négliger la dimension politique de cette nomination. Le Premier ministre Navin Ramgoolam a confiance en elle, et c’est réciproque », souligne-t-il. 

Shirin Aumeeruddy-Cziffra, ajoute-t-il, a été choisie pour ses compétences et son intégrité. Cependant, cette décision revêt également une importance stratégique : « En parallèle, Veda Baloomoody, élu du Mouvement militant mauricien (MMM) dans la circonscription n° 18 (Belle-Rose/Quatre-Bornes), a été nommé Deputy Speaker. Les deux leaders de l’Alliance ont ainsi leurs représentants. »

Cette double nomination, insiste Olivier Précieux, est perçue comme un geste visant à équilibrer les forces au sein de l’hémicycle et permet ainsi de renforcer la collaboration entre les différentes factions politiques et de garantir une représentation équitable.