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Moustass Leaks : Sherry Singh et quatre autres personnes interdits de communiquer avec autrui

Les cinq prévenus : Sherry Singh, Leevy Frivet (à dr. en haut), Jamirouddin Mohammad Yeadally (à g.), Nadeem Reshade Varsally (au c.) et Kaviraj Ramjhuria (à dr.).

Sherry Singh et quatre autres individus ont été libérés par la Week-End Court, après leur arrestation liée aux enregistrements des « Moustass Leaks ». Accusés de manipulation de faux profil et de suspicion de terrorisme, ils devront respecter des conditions strictes.

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Samedi 2 novembre 2024. Il est 20 heures quand la Week-End Court ordonne la libération sous conditions de Sherry Singh, ancien CEO de Mauritius Telecom, et de quatre autres prévenus, tous soupçonnés d’être impliqués dans l’affaire des enregistrements controversés de « Missie Moustass ». Ils sont été arrêtés en fin de semaine par la police.

Outre Sherry Singh, 48 ans, figurent parmi les accusés Nardeem Reshade Varsally, un directeur de 43 ans résidant à Albion, Kaviraj Ramjhuria, un graphiste de 52 ans de Goodlands, Jamirouddin Mohammad Yeadally, 38 ans, habitant Terre-Rouge, et Leevy Jimmitry Frivet, un consultant de 43 ans, également de Terre-Rouge. Tous font face à deux accusations : misuse of fake profile et prohibition of acts of terrorism (voir encadré), pour des faits qui se seraient déroulés en juillet 2024 à Port-Louis.

Cette libération résulte des conclusions de Me Nataraj Muneesamy, assistant du Directeur des poursuites publiques (DPP), après examen des objections de la police sur la mise en liberté sous caution des cinq prévenus (voir encadré). Selon Me Muneesamy, les arrestations reposent sur une allégation initiale sans preuve corroborante pour soutenir l’accusation de misuse of fake profile.

En ce qui concerne l’accusation de prohibition of acts of terrorism, Me Muneesamy a jugé qu’il ne s’agissait que d’une « simple suspicion (mere suspicion) ». Il a ainsi cité des précédents juridiques pour appuyer sa position et a expliqué que le DPP, après examen du rapport de la police et des éléments fournis, a conclu qu’aucune raison valable ne justifiait le maintien en détention des prévenus.

Après la prise de position du représentant du DPP, la magistrate Dr Bibi Zeenat Cassamally a dû faire face à l’objection de l’inspecteur Jeetoo, Police Prosecutor, sur la remise en liberté. La Senior Counsel Urmila Boolell, qui défend les intérêts de Sherry Singh, a fait valoir que la police, représentée par le bureau du DPP, ne pouvait intervenir, citant l’article 72 de la Constitution sur les prérogatives du DPP. Le Senior Counsel Satyajit Boolell, représentant Kaviraj Ramjhuria, a, quant à lui, plaidé pour la protection des libertés individuelles.

Dans sa décision finale, Dr Bibi Zeenat Cassamally a autorisé la libération sous conditions des cinq prévenus. Ils devront se présenter au tribunal de Port-Louis, le 4 novembre 2024, pour le versement de deux cautions de Rs 80 000 chacune et pour signer une reconnaissance de dette de Rs 800 000. Chaque prévenu devra également fournir un numéro de téléphone réservé exclusivement aux autorités compétentes, ne pas communiquer avec d’autres personnes non autorisées, et ne pas abuser des équipements électroniques. De plus, un couvre-feu a été instauré de 21 heures à 6 heures, et les prévenus devront se présenter tous les jours au poste de police entre 6 heures et 20 heures.

Les quatre autres prévenus sont représentés par Lovena Sowkhee, Shameer Hussenbocus, Jean-Claude Bibi, Joseph Désiré Dian et Sanjeev Teeluckdharry.

Accusations principales

  • Misuse of fake profile : Sherry Singh et ses coaccusés auraient utilisé un faux profil, « Missie Moustass », sur les réseaux sociaux pour diffuser des vidéos modifiées et nuisibles à l’encontre de diverses personnes.
  • Prohibition of acts of terrorism : Les prévenus sont accusés d’avoir conspiré pour accéder illégalement à un réseau dans le but de porter atteinte aux fondements politiques, constitutionnels et économiques de Maurice, en violant la vie privée des citoyens, comme le garantit la Constitution.

Objections policières

Pour Sherry Singh et Leevy Frivet, l’inspecteur Jeetoo a invoqué le risque de récidive, de manipulation de preuves, et d’interférence avec les témoins. Pour les trois autres, le policier a parlé de manipulation de preuves et d’interférence avec les témoins. Par ailleurs, une interdiction de quitter le territoire pèse sur les cinq suspects.

Nadeem Reshade Varsally : « Vivement que la vérité éclate »

Il est le seul des cinq prévenus à s’être exprimé après sa libération sous caution. Pour Nadeem Reshade Varsally, « qu’un innocent se retrouve en prison, c’est déjà trop (…) Mon fils n’a pas dormi. La perquisition s’est déroulée devant lui. (…) Je suis un simple citoyen qui gagne sa vie en faisant du cadrage et des réglages de lumière. Aujourd’hui, on vient porter de fausses accusations contre moi. L’équipe de la Special Striking Team a été correcte, tout comme celle de la cybercriminalité, mais tout cela est traumatisant. Attendre, passer 24 heures en cellule... Vous savez ce que c’est ? Ne pas dormir, fixer le plafond, sans savoir ce qui va arriver. C’est un traumatisme intense... »

S’il se réjouit que justice ait prévalu, il lance : « Que la vérité éclate au grand jour ! » Cependant, il se demande comment il pourra travailler et subvenir aux besoins de sa famille, car ses équipements ont été saisis. « Je travaille honnêtement, à la sueur de mon front. »

De son côté, son avocate, Lovena Sowkhee, souligne que le bureau du DPP demeure le dernier rempart contre la dictature. Elle rappelle que le DPP a déclaré que « the nature of the evidence does not match the charge » (« la nature des preuves ne correspond pas à l’accusation »), rappelle-t-elle. Ce qui signifie, selon elle, que ce que le témoin a raconté à la police ne corrobore pas l’accusation de cyberterrorisme portée contre son client. Elle cite également un autre point soulevé par le DPP : « It’s a mere allegation and there is no corroborative evidence. » (« C’est une simple allégation et il n’y a aucune preuve corroborative. ») En d’autres termes, explique-t-elle, ce que le témoin a dit à la police n’est même pas partiellement confirmé par d’autres éléments de preuve.

Rouben Mooroongapillay : « La police a pris contact avec le DPP à 15h15 samedi »

Me Rouben Mooroongapillay, également avocat de Sherry Singh, souligne que « la police a mentionné une enquête de ‘haute importance’ dans le cadre de la Prevention of Terrorism Act (PoTA), mais ce n’est qu’à 15h15 aujourd’hui qu’elle a pris contact avec le bureau du DPP pour la première fois, puis une deuxième fois à 15h45, et enfin à 18h30. Ce n’est pas normal, nous ne pouvons pas continuer à vivre dans un tel pays ».

Me Urmila Boolell, Senior Counsel : « L’accusation de ‘terrorisme’ est infondée » 

L’accusation de terrorisme est infondée, affirme Me Urmila Boolell, Senior Counsel : « Ce qui s’est passé aujourd’hui est profondément regrettable. On ne peut pas brandir le terme ‘terrorisme’ à tout-va sans preuves pour étayer de telles accusations. Il n’y a pas que lui [Sherry Singh] ; cinq personnes ont enduré 48 heures de calvaire. »

 

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