Live News

Moody’s : la crainte d’une nouvelle rétrograde

Bernard Saminaden, observateur politique, Jocelyn Chan Low, politologue et Bhavish Jugurnath, observateur politique.
Publicité

Le statut de Baa3 attribué par Moody’s à Maurice l’année dernière avait suscité l’inquiétude de la communauté des affaires. Certes, comme le précise un analyste, une nouvelle rétrograde s’il y en a, pourrait surtout advenir en raison de l’incapacité des autorités à ramener le pourcentage de la dette au PIB à l’objectif espéré. Toutefois, Sudhir Seesungkur concède que le pays est sur une pente descendante et que la situation risque de se détériorer à n’importe quel moment. En sus de Moody’s, il l’ancien souligne que l’indice de Mo Ibrahim a également toute son importance. « Maurice était en tête de ce classement, mais le pays a baissé en termes de pourcentage. C’est un indice clé en Afrique. Les investisseurs effectuent des recherches avant de prendre la décision d’investir dans un pays. Maurice sera rétrogradé en cas de rapport négatif répétitif », fait-il ressortir.

La réputation du pays en jeu

D’autres observateurs estiment que cette affaire (Vimen Leaks) porte déjà préjudice à l’image de Maurice, tout en soulignant que cela n’est pas un phénomène nouveau dans d’autres pays. Bernard Saminaden, observateur politique est catégorique. Toute cette affaire met en question l’intégrité et le professionnalisme des autorités. Elle aura une conséquence sur l’image du pays sur le plan international. «  Les ambassades à Maurice envoient souvent des rapports sur la situation socioéconomique et politique à leurs États respectifs. Tous les sujets qui font polémiques sont également rapportés », fait-il comprendre. Afin de prévenir de futurs cas similaires, il est grand temps de mettre en place une « police des polices », suggère-t-il. Il propose qu’elle soit placée sous la responsabilité d’un ancien juge et de deux magistrats chargés d’enquêter sur les agissements de la force policière.

Pour sa part, le politologue, Jocelyn Chan Low est d’avis que la réputation de Maurice est déjà ternie avec la prolifération de la drogue. « Maurice ne produit pas de drogue. Alors, comment se fait-il que les substances illicites arrivent sur le territoire mauricien ?  Avec les Vimen Leaks, la question qui se pose maintenant est la suivante : quelle est l’étendue de la corruption dans le pays.  L’un des premiers facteurs considérés par les investisseurs étrangers est le niveau de corruption dans le pays. L’affaire autour des Vimen Leaks ne fera qu’aggraver la situation », estime-t-il. Selon lui, les institutions censées lutter contre la corruption sont elles-mêmes sujettes à de mauvaises pratiques et cette situation projette une très mauvaise image de notre pays à l’échelle mondiale, fait-il remarquer. 

L’observateur économique, Bhavish Jugurnath est également inquiet. « Par le passé, il y a eu des fuites d’informations dans les médias impliquant les autorités, ce qui a eu des répercussions négatives dans le monde des affaires. Dans de tels cas, la bonne gouvernance à Maurice est pointée du doigt. Jusqu’à présent, il semble que les Vimen Leaks restent au stade d’allégations. Cependant, si l’affaire est prouvée et sanctionnée par les autorités judiciaires, la réputation de Maurice risque d’être sérieusement entachée », avance-t-il.  

Par conséquent,  les indices tels que le  Corporate Governance Index  ou encore le Political Index pourront être revus à la baisse. «  Maurice peut même être mis sur des listes des pays qui ne sont pas propices pour investir », prévient-il.

Les conséquences d’un manque de sécurité sur l’industrie touristique

jenny
Jenny Chan, présidente de l’Outsourcing and Telecommunications Association of Mauritius.

Le politologue, Jocelyn Chan Low exprime des inquiétudes quant aux critiques auxquelles fait face la force policière, qui est responsable du maintien de l’ordre dans le pays. « Si les gens perdent confiance en la police et ne se sentent plus en sécurité, cela peut avoir des conséquences graves », déplore-t-il. À long terme, cela peut également avoir un impact sur le tourisme. « Les voyageurs potentiels d’aujourd’hui sont très informés. S’ils perçoivent un manque de sécurité dans le pays, ils seront certainement réticents à choisir notre destination pour leurs vacances », explique notre interlocuteur.

Impact négligeable sur le secteur des services financiers et les TIC 

 « Business As Usual ». C’est ainsi que décrivent les opérateurs les activités dans le secteur des services financiers et des TIC depuis l’éclatement de l’affaire Vimen Leaks.  Ils affirment que la diffusion de la bande sonore ne fait ni chaud ni froid aux clients à l’étranger. 

« Nous avons l’impression que les autres pays nous suivent de près à l’échelle internationale, mais ce n’est pas le cas. Il y a d’autres événements majeurs dans le monde qui préoccupent davantage les gens. Une affaire de drogue impliquant les autorités  à Maurice va créer des chamboulements uniquement dans le contexte local », explique, sous le couvert de l’anonymat, un opérateur du secteur financier.  Par ailleurs, il souligne que cette affaire ne concerne pas les finances. « D’ailleurs, par le passé, il y a eu des fuites d’informations directement liées au secteur financier. Malgré cela, les investisseurs étrangers n’ont même pas posé de questions », explique notre interlocuteur.

De plus, il affirme que les alliances présumées entre les trafiquants de drogue et les autorités sont assez courantes dans les économies développées, sans avoir de conséquences directes sur le secteur financier. Un point de vue partagé par Jenny Chan, présidente de l’Outsourcing and Telecommunications Association of Mauritius (OTAM). Elle affirme que cette affaire n’est qu’une parmi tant d’autres qui ne reflètent pas favorablement notre pays. « Cependant, ce type d’information existe partout dans le monde et nos clients n’y prêtent pas beaucoup d’attention. Je ne vois donc aucun impact direct pour le moment », souligne-t-elle.

Réactions

Takesh Luckho, économiste : «(…) Certains investisseurs pourraient déjà avoir investi leur argent ailleurs» 

takeshL’économiste, Takesh Luckho, tient d’abord à préciser qu’on est encore au stade des allégations et que ce n’est qu’au terme des enquêtes en cours, qu’on arrivera à prouver ou non leurs véracités. Toutefois, il n’écarte pas le fait que ces allégations pourront entamer la confiance des investisseurs qui pensent investir à Maurice. « Quand l’idée se répand que des policiers négligent la loi du pays, cela ne peut qu’entacher l’image du pays aux yeux des investisseurs potentiels », explique-t-il. 

Il estime que des secteurs comme le tourisme, l’immobilier et le secteur financier seront les premiers touchés. « Bien qu’une enquête soit en cours pour faire la lumière sur ces allégations, il est possible qu’elle prenne du temps à aboutir. Pendant ce temps, certains investisseurs pourraient déjà avoir investi leur argent ailleurs », fait-il ressortir.

Takesh Luckho exprime également sa préoccupation quant à la diffusion de ces allégations auprès d’institutions internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, entre autres.

La confiance risque d’être entamée.

En abordant la question du tourisme, l’économiste a souhaité faire une digression en soulignant les cas de vols et d’agressions dont sont victimes certains visiteurs. Il déclare de manière percutante : « Certes, Maurice n’est pas le seul pays où les touristes sont agressés par des locaux, mais si l’on ajoute à cela des comportements suspects de certains policiers, un nombre considérable de touristes pourraient tout simplement décider de ne pas choisir Maurice comme destination ». 

Il exprime également une inquiétude quant à la possibilité que cette situation dissuade également les retraités étrangers fortunés de s’installer définitivement à Maurice, ce qui pourrait avoir un impact significatif sur le secteur immobilier, notamment sur le régime de l’Integrated Resort Scheme (IRS). 

Cela dit, Takesh Luckho estime que si l’enquête confirme la véracité de ces allégations, le gouvernement doit prendre des mesures strictes envers ceux qui sont impliqués dans cette sombre affaire. « Certes, dans d’autres pays du monde, il existe des brebis galeuses au sein des forces de l’ordre, mais les autorités mauriciennes doivent faire preuve de fermeté en montrant que de telles actions sont punies, que l’on soit proche du pouvoir ou non. C’est la seule façon de restaurer la confiance dans nos institutions », soutient-il avec conviction. 

Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress : «C’est la réputation du pays qui est entachée» 

haniff« C’est certain que les ambassades étrangères basées à Maurice suivent de près cette affaire sombre, et elles ont déjà informé leurs gouvernements respectifs à ce sujet », commente Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress (MLC). Il souligne également que des partis d’opposition extra-parlementaires ont déjà transmis des dossiers aux ambassades concernant des allégations de brutalité policière. « Malheureusement, c’est la réputation du pays qui est entachée, et il est primordial que les autorités compétentes prennent des mesures pour redresser la situation », indique-t-il. 

Selon le dirigeant syndical, l’un des secteurs qui risquent de pâtir de cette situation est le tourisme. « Toutes les campagnes publicitaires visant à augmenter le nombre d’arrivées pourraient être ternies par ces allégations de malversations policières, d’autant plus que les informations se propagent rapidement de nos jours avec les nouvelles technologies », souligne notre interlocuteur. Ce dernier exprime également sa crainte que, confrontés à cette situation, de plus en plus de jeunes Mauriciens soient tentés de quitter le pays pour s’établir à l’étranger.

Il est impératif de mettre un terme à cette perception.

Cependant, il insiste sur le fait qu’il incombe au Premier ministre, Pravind Jugnauth, de prendre des mesures percutantes pour restaurer la confiance de la population envers les institutions. « Il est impératif de mettre un terme à cette perception selon laquelle les policiers ciblent principalement les opposants politiques et que les proches du pouvoir restent impunis », soutient-il avec fermeté.

Clency Bibi, président de la General Workers Federation : «Prendre des mesures immédiates pour redorer le blason de la police» 

clencyLe président de la General Workers Federation (GWF), Clency Bibi,  avoue qu’il est très inquiet par la tournure des événements. «  En tant que patriote, j’ai peur pour mon pays », dit-il. Sa plus grande crainte, affirme-t-il, est que cela mine irrémédiablement la confiance des potentiels investisseurs envers les institutions du pays, ce qui aurait des conséquences néfastes sur l’économie nationale. Il souligne l’importance de la sécurité en tant que facteur d’attraction pour les investisseurs. « Pensez-vous qu’ils choisiront d’investir à Maurice si l’image de la force policière, garante même de la sécurité, est ternie ? C’est pourquoi j’appelle les autorités à prendre des mesures immédiates pour redorer le blason de la police », confie-t-il. 

Une commission d’enquête doit faire la lumière sur toute cette affaire.

Par ailleurs, il se dit en faveur d’une commission d’enquête présidée par un juge du Commonwealth pour faire la lumière sur toute cette affaire. «  La police ne peut enquêter sur la police », conclut-il.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !