Le « money trail » joue un rôle fondamental dans des délits illicites. Cet exercice vise à retracer des transactions fictives. À l’ère de la technologie, comment se déroule ce procédé ? Est-ce facile de retracer l’« argent sale » ? Quels sont les outils que possède Maurice ? Quid des lacunes dans notre législation ? Le point avec deux légistes.
C’est quoi ?
Selon Me Bhooshanam Hansraj Sunasee, le « money trail » est défini comme un procédé visant à enquêter sur des opérations financières et extraire des informations ou des preuves d’un crime, d’une personne ou d’un réseau criminel.
En d’autres mots, renchérit Me Saud Peerun, c’est un exercice technique pour retracer et remonter à la source de l’argent sale dans le cadre d’une enquête sur un crime financier. Cet exercice, précise-t-il, est vital afin de déchiffrer les transactions fictives. Son efficacité, dit-il, est jaugée sur l’établissement d’un lien entre les différentes transactions suspicieuses, le produit d’un crime et la source de l’argent.
Quels sont les outils que possède Maurice ?
« Afin de faire un bon ‘money trail’, Maurice, en tant qu’État, a promulgué plusieurs lois. Celles-ci permettront aux autorités d’avoir accès aux documents financiers d’une personne, en montrant qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’elle peut avoir commis une infraction liée au blanchiment d’argent par exemple », soulignent Mes Bhooshanam Hansraj Sunasee et Saud Peerun.
Ils font remarquer que récemment, Maurice a également adopté plusieurs réglementations qui prévoient que des secteurs tels que l’immobilier, la bijouterie, les jeux de hasard, la comptabilité ont désormais un devoir de vigilance relatif à la clientèle et de conservation des documents (customer due diligence). Par conséquent, concluent les deux avocats, ces outils statutaires aident les autorités à faire un « money trail » beaucoup plus efficace.
Les faiblesses face à la technologie
Me Bhooshanam Hansraj Sunasee est catégorique. « La technologie n’est pas un ennemi de cette méthode d’enquête. C’est plutôt un allié solide. » D’ailleurs, fait-il remarquer, à l’échelle mondiale, il y a un virage vers la blockchain. « Cette technologie peut améliorer la traçabilité des transactions transfrontalières et même à l’échelle mondiale, facilitant potentiellement la vérification de l’identité. »
La blockchain, poursuit-il, est fondamentalement une base de données partagée. C’est pourquoi cette technologie est également connue sous le nom de grand livre (au sens de grand registre) distribué. Bien que, précise l’homme de loi, des grands livres distribués puissent reposer sur d’autres technologies.
« La blockchain se différencie de la technologie traditionnelle des bases de données. Au lieu d’une base unique gérée par un unique propriétaire qui partage les données, dans le réseau blockchain, les participants ont leur propre copie de la base », fait comprendre Me Bhooshanam Hansraj Sunasee.
Le mécanisme de la blockchain peut assurer un accord unanime sur le contenu correct des données. « Il assure aussi la conformité des copies des données convenues et l’absence ultérieure de tricherie par l’altération des données. Cela permet à nombre de personnes ou d’entités de convenir d’un consensus sur des informations et d’enregistrer de manière immuable ce consensus de la vérité. » C’est pour cette raison, affirme Me l’avocat Bhooshanam Hansraj Sunasee, que la blockchain a été décrite comme une « solution de confiance ».
La technologie est plutôt un allié solide.
Toujours est-il qu’avec l’évolution de la technologie, l’exercice de « money trail » nécessite plus de ressources, avance Me Saud Peerun. Les transactions étant plus complexes et sur une plus grande échelle.
En effet, de nombreuses transactions se font régulièrement avec l’aide de la technologie et permettent, de ce fait, que l’argent transite dans des comptes dans différentes juridictions, sans la moindre trace. La « sécurité » qu’offre la technologie quant à ces transactions est un atout pour ceux qui blanchissent de l’argent. Ce qui pose un vrai casse-tête aux enquêteurs.
« Plus de ressources et de collaboration entre les différentes organisations internationales qui luttent contre ce fléau est nécessaire pour mener à bon terme les exercices de ‘money trail’ », suggère Me Saud Peerun.
Les enjeux
« Pour répondre à cette question, il faut comprendre en quoi consiste le délit de blanchiment », répondent Mes Bhooshanam Hansraj Sunasee et Saud Peerun. Selon la Financial Intelligence And Anti-Money Laundering Act de 2002, l’infraction est commise lorsqu’une personne s’engage dans une transaction qui implique des biens qui, en tout ou en partie, représentent directement ou indirectement le produit de tout crime.
« Ainsi, afin de prouver l’infraction de blanchiment d’argent, les enquêteurs utilisent le ‘money trail’ pour établir que la source de l’argent est le produit d’un crime. Ils le font soit en reliant l’argent à un crime, soit à la personne qui aurait commis l’infraction », expliquent les deux hommes de loi.
Me Bhooshanam Hansraj Sunasee souligne également que le « money trail » permet d’identifier comment les bénéfices illicites d’une personne ont été blanchis, dépensés et aussi la localisation actuelle des biens. Ces éléments et informations pourraient être utilisés en Cour pour leur recouvrement.
Est-ce facile de retracer l’argent sale ?
Selon Me Bhooshanam Hansraj Sunasee, cela dépend si l’argent est entré ou non dans le circuit bancaire et associé, le cas échéant, à une personne. Et aussi si l’établissement bancaire ou financier a effectué une « customer due diligence ».
Si le client n’a pas respecté les paramètres fixés par la loi, il serait alors assez facile d’identifier et de retracer les produits d’un crime, fait comprendre Me Bhooshanam Hansraj Sunasee.
En revanche, si le produit d’un crime ne provient pas du circuit bancaire mais plutôt de transactions en espèces et de l’économie « clandestine », il peut être plus difficile de retracer la source et la personne qui y sont associées. Reste que, avec les récents amendements aux législations anti-blanchiment, il devient de plus en plus difficile d’effectuer des opérations en espèces sans fournir de justification quant à la provenance de cet argent, fait-il valoir.
Astuces
Me Saud Peerun rappelle, pour sa part, que des transactions astucieuses sont souvent mises en place par ceux qui blanchissent de l’argent. Retracer l’argent sale nécessite beaucoup de ressources humaines, légales et financières, laisse-t-il entendre. « La transition de l’argent sale dans diverses juridictions, l’utilisation de prête-noms et la création d’entités complexes rendent l’exercice de ‘money trail’ compliqué, surtout quand l’accessibilité à l’information devient restreinte. »
C’est la raison pour laquelle Me Saud Peerun est d’avis qu’il est impératif que tous les établissements financiers effectuent une « due diligence ». « Cela, pour s’assurer que le minimum d’infos requises par la loi est respecté. » Pour lui, il est important que les opérateurs économiques mettent en place un système de « due diligence » plus rigoureux sans pour autant décourager les investisseurs.
Les lacunes dans nos législations
« Bien que le législateur et les régulateurs aient fait d’énormes efforts pour réduire les faiblesses de nos législations depuis 2014, le blanchiment d’argent en lui-même est dynamique plutôt que statique », évoque Me Bhooshanam Hansraj Sunasee.
L’homme de loi déclare que les criminels ont constamment recours à de nouvelles technologies et méthodes pour blanchir les produits d’un crime. Ce qui rend le « money trail » beaucoup plus difficile. « Je suis d’avis que les régulateurs devraient travailler en permanence pour mettre à jour nos lois compte tenu de toutes les nouvelles technologies et les nouveaux produits financiers », propose ainsi Me Bhooshanam Hansraj Sunasee.
Quant à Me Saud Peerun, il suggère de mettre à la disposition de nos institutions plus de moyens au niveau de l’« enforcement ». Aussi, de s’assurer qu’il y ait plus de collaboration avec les organisations internationales.
Une personne reconnue coupable de blanchiment d’argent est passible d’une amende n’excédant pas Rs 10 millions et d’une peine de servitude pénale ne dépassant pas 20 ans.
Appel rejeté
Sommés de quitter un bâtiment commercial d’ici fin octobre
Ils ont été sommés de quitter le bâtiment commercial qu’ils occupent d’ici la fin du mois, soit le 31 octobre. Insatisfaits de cette décision du juge en référé, ces deux locataires ont fait appel. Mais ils ont été déboutés par la Cour suprême.
C’est le propriétaire du bâtiment commercial, sis à Bel-Air-Rivière-Sèche, qui avait déposé une action devant un juge en référé. Il avait réclamé un ordre d’éviction contre les deux locataires et obtenu gain de cause. Ces derniers ont soulevé trois points d’appel.
Toutefois, dans leur décision en date du 13 octobre 2021, les juges Karuna Devi Gunesh-Balaghee et Denis Mootoo ont souligné avoir pris en considération la chronologie des événements. De plus, ils ont noté que le contrat de location d’un des locataires a pris fin depuis juillet 2018. Pour eux, les points d’appel soulevés par les plaignants ne tiennent pas la route. D’où le fait qu’ils ont maintenu la décision du juge en référé.
Si les locataires ne quittent pas le bâtiment dans le temps imparti, un ordre d’éviction sera émis contre eux.
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