Ils ont choisi de s’unir malgré leurs différentes confessions et cultures. Parfois difficiles à appréhender, ces différences peuvent être la cause de nombreuses incompréhensions. Toutefois, certains couples n’hésitent pas à braver les barrières au nom de l’amour.
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De nos jours, la différence de culture, voire même de religion, ne semble plus être une barrière à l’amour. De plus en plus de couples choisissent de s’unir en dépit de leurs différences et, dans certains cas, en dépit des objections familiales. Les couples mixtes existent depuis que le multiculturalisme existe, comme l’explique Isabelle Lévy, auteur du best seller Vivre en Couple Mixte, Quand les Religions s’emmêlent.
Si la différence attire, dans certains couples, elle peut être source de difficultés. Un fait confirmé par Fareeda, dont le conjoint est d’une autre foi religieuse. Si pour le couple, la différence ne posait aucun problème, au niveau de la famille, la réalité était tout autre. « Je n’arrive pas à comprendre pourquoi les gens se posent autant de questions sur les unions mixtes. On est tous humains et la culture ne doit pas influencer le choix d’un conjoint. Je suis issue d’une famille très stricte en ce qui concerne la religion. Ma relation avec un homme d’une autre culture a fait polémique dans mon village. De bouche à oreille, mon histoire s’est très vite répandue. C’était le sujet de conversation. Mes parents ont été alertés par les voisins et les conflits ont alors commencé. Le fait que mon fiancé était issu d’une bonne famille et qu’il avait fait de longues études n’était pas important aux yeux de mes parents. C’était la différence de conviction religieuse qui les dérangeait », nous explique la jeune fille.
Olivier Mariot, 28 ans, a lui aussi fait face à des difficultés au début de sa relation avec une fille d’une autre foi religieuse. « La différence de culture était un vrai obstacle. Nous avons dû faire face à l’objection des proches. On était même contraint à cacher notre relation pendant quelque temps pour ne pas créer des ennuis. Toutefois, notre amour nous a permis de surmonter tous les obstacles. Comme on dit, tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Les épreuves nous ont permis de nous rapprocher », dit-il
Les négociations et les compromis
Dans certains cas, l’amour finit par prendre le dessus sur les différends et les couples se forment face à l’adversité. Pour Sangeeta et son mari, les débuts ont été parfois houleux et les négociations longues. « À Maurice, la différence de religion engendre souvent des complications surtout en ce qui concerne les préparatifs du mariage. Ainsi, en guise de solution, nous faisons bien souvent des compromis, particulièrement quand il s’agit de la nourriture ou des boissons », explique-t-elle.
Et d’ajouter que les compromis font également partie du quotidien du couple. « La différence de culture était un vrai obstacle au début. J’ai dû faire des recherches sur la religion de mon conjoint. Cela m’a permis de comprendre et aussi de faire des compromis. Mon conjoint s’intéressait également à ma culture. C’était difficile au départ, car il était compliqué de communiquer. C’était surtout difficile pour les autres membres de ma famille », explique-t-elle. Et d’ajouter que le maître-mot demeure le respect mutuel. « Il s’agit d’un élément essentiel dans un couple mixte. La différence de culture a été notre force. Cela nous a appris à avoir un regard positif sur la vie. Aujourd’hui, nous avons deux enfants qui profitent au mieux de la richesse des deux cultures. On s’efforce de ne fixer aucune restriction ».
Témoignage
Olesya Pydannah : «C’est aux conjoints de trouver des solutions»
D’origine russe, née dans une famille catholique orthodoxe, Olesya Pydannah s’installe à Maurice après son mariage avec un Mauricien de foi hindoue. Après 12 ans de mariage, elle soutient que les différences ont consolidé les liens de son mariage. « Il a fallu un temps d’adaptation. Comme dans toutes les relations, le début est souvent difficile. J’avais plusieurs défis à relever, dont la différence de langue, de culture et de croyance religieuse. Mais avec du recul, je peux dire que ces défis m’ont rapprochée de mon conjoint et nos liens sont bien plus forts aujourd’hui. Je suis d’avis que c’est aux conjoints de trouver des solutions et non aux membres de la famille. Les deux époux doivent communiquer et, dans une discussion franche, trouver des compromis entre les deux cultures », explique cette mère de famille. Et d’ajouter que pour le bon fonctionnement d’un mariage mixte, il est important, voire indispensable, d’avoir le respect mutuel. « Sans le respect, nous ne pouvons pas avancer. Ce n’est pas à la famille de prendre des décisions. Si on accepte d’épouser une personne d’une autre culture, il faut aussi accepter les différences et être prêt à faire des compromis ».
Vivre en couple mixte : Quand les religions s’emmêlent
Isabelle Lévy recueille dans son livre une cinquantaine de témoignages de couples mixtes représentant les cinq grandes religions. Ces derniers ont soulevé un éventail de questions portant sur le mariage mixte, la différence confessionnelle et l’éducation des enfants, entre autres. Que disent les différentes confessions face aux couples mixtes ? Se convertir ou faire cohabiter les deux religions ? Quelle cérémonie pour le mariage ? Quel prénom et quelle éducation religieuse transmettre à ses enfants ? Comment vivre au quotidien les fêtes, les traditions, la décoration du foyer, la nourriture... et le qu’en-dira-t-on ? Telles sont les questions auxquelles répond Isabelle Lévy dans son best seller.
Le fruit de la mondialisation
Les mariages mixtes sont de plus en plus fréquents à Maurice. S’il n’existe pas de statistiques sur les cultes respectifs des époux, la donne a changé, semble-t-il. Qu’est-ce qui a contribué à ce changement ? Selon le psychothérapeute Samcoomar Heeramun, ce changement de mentalité serait avant tout le résultat de la mondialisation. « La mondialisation enlève les barrières culturelles, avec pour résultat que les communautés se rapprochent et les gens sont encouragés à développer une attitude tolérante. L’éducation joue un rôle important dans ce changement d’attitude. Les nouvelles générations par leur éducation sont plus ouvertes d’esprit et acceptent plus facilement les unions mixtes. Les initiatives interreligieuses permettent également de rapprocher les personnes de différentes convictions religieuses », souligne ce dernier.
Selon notre interlocuteur, le tabou autour des unions mixtes perd de son intensité, en particulier chez les jeunes. « À Maurice, la situation est telle qu’on doit avoir un proche, un ami ou une connaissance qui s’est uni à une personne d’une autre culture. Les habitants des régions urbaines acceptent plus facilement les unions mixtes, car dans ces régions les gens ne se préoccupent pas du qu’en-dira-t-on, tandis que dans les régions rurales, l’avis et le regard des autres ont une place déterminante. Dans ces régions, l’appartenance ethnique reste un critère dans le choix d’un conjoint », nous explique la psychothérapeute.
Sunil, gérant d’une agence matrimoniale a, quant à lui, une différente perception des mariages mixtes à Maurice. Selon lui, l’appartenance ethnique est toujours un critère de choix d’un conjoint. « Parmi les jeunes, il peut être de coutume de flirter avec un garçon ou une fille d’une autre culture, mais quand il s’agit de se marier, la religion entre en ligne de compte. La famille exerce une telle pression que les jeunes sont obligés de s’y soumettre. Par ailleurs, les parents mettent en exergue les avantages d’une union entre deux personnes de mêmes croyances religieuses », souligne-t-il. Notre interlocuteur attire également l’attention sur le fait que les Mauriciens sont beaucoup plus souples quand il s’agit de se marier avec des étrangers. « Il existe à Maurice la mentalité selon laquelle se marier avec un étranger serait un signe de réussite, peu importe ses croyances. On estime que cela peut ouvrir des portes vers d’autres horizons. Paradoxalement, on est moins rigide », conclut-il.
Virginie Bissesur Corsini, psychologue clinicienne : «Le plus important est d’arriver à un compromis qui satisfasse les deux»
Comment faire face aux différences de culture et de croyance dans le couple ?
Dès notre naissance, nous sommes imprégnés de la culture que nous transmettent nos parents avec leurs croyances religieuses. En grandissant, nous assimilons et nous nous approprions ces transmissions en fonction de notre personnalité et de nos envies. Certains sont très fidèles aux traditions, d’autres s’en détachent. Dans la rencontre amoureuse, nous arrivons avec notre bagage culturel et quand celui-ci est confronté à un bagage différent, nous sommes devant un choix. Il ne s’agit pas de renoncer à notre culture pour adopter celui de notre conjoint ou conjointe, mais plutôt de faire un compromis. Et les négociations commencent sans même que l’on s’en rende compte. Le couple par essence est fait de négociations, de compromis et les composantes culturelles de notre identité n’y échappent pas.
Quel est l’impact psychologique de la différence de culture et de croyances sur les enfants et le couple ?
Un des premiers impacts psychologiques est que la différence nous fait relativiser nos croyances, nous permet de nous rendre compte que certaines habitudes ou traditions sont moins importantes que d’autres. Le plus important est d’arriver à un compromis qui satisfasse les deux parties dans le couple, qu’aucun des deux ne se sente lésé ou rabaissé.
D’après mes observations, quand les beaux-parents rentrent dans les histoires du couple, la donne se complique, chaque famille essayant de faire plier l’autre à ses croyances. Il est très important que les beaux-parents se rendent compte que le couple doit prendre ses décisions par lui-même et qu’il ne faut pas tenter de l’influencer. Ces couples sont des adultes et sont tout à fait capables d’assumer les conséquences de leurs décisions.
Certains parents n’acceptent pas que leurs enfants se marient avec quelqu’un d’une autre culture ou communauté. Comment cela affecte les enfants sur le plan psychologique ?
Les impacts sur les enfants sont importants, car en refusant leur choix, les parents envoient le signal aux enfants qu’ils ne sont pas capables de choisir par eux-mêmes. Cela peut les amener à avoir du ressentiment envers leurs parents. Ils se retrouvent dans une position difficile, car ils sont en colère avec des personnes qu’ils aiment. Ils sont déchirés entre ces deux sentiments. Cela peut même aller jusqu’à déchirer une famille. Pour les petits-enfants, il est très compliqué de comprendre que les grands-parents, des personnes qui sont supposées les aimer, ne souhaitent pas les voir ou alors ne les aiment pas comme il se doit. Les enfants se comparent aux familles des camarades d’école et se rendent bien compte que dans leur famille il y a un souci, un tabou dont personne ne leur parle, mais qui est bien présent. Chaque enfant a besoin de connaître l’histoire de sa famille pour se construire de façon équilibrée. Il faut savoir d’où l’on vient pour savoir qui on est.
Quel pourrait être l’impact du regard des autres ?
Tout le monde a besoin de se sentir aimé et respecté dans ses croyances. Le contexte mauricien est spécifique dans la mesure où le regard des autres a beaucoup de poids. Les stéréotypes sont nombreux et engendrent des tensions, parfois entre communautés. Les familles ont du mal à résister à ces pressions, elles en exercent aussi sur les membres de leur propre famille par crainte du qu’en-dira-t-on. Cela complique énormément les choses pour les personnes de cultures différentes qui souhaitent se marier. Au lieu d’essayer de comprendre et de trouver un terrain d’entente, la crainte du qu’en-dira-t-on se rajoute à une situation déjà complexe.
Il est important d’avoir le soutien de sa famille, mais il est aussi important de se rendre compte que ce ne sont pas les autres qui font notre bonheur et qu’on est les seuls responsables de nos vies quand on est adulte.
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