Des forts soupçons pèsent sur le neveu de l’ex-policier. Les enquêteurs pensent que Donovan Boodhun aurait facilité la tâche des malfaiteurs qui ont fait irruption chez Jacques Bathilde jeudi dernier. L’ancien policier a été tué et un coffre contenant une forte somme d’argent emportée. À ce jour, quatre suspects sont derrière les barreaux. Ils nient toute implication. Aux limiers de la police criminelle donc de démêler l’écheveau…
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Une échelle placée contre un mur qui donne accès à la seule fenêtre dépourvue d’antivols et qui mène directement à la chambre de l’ancien caporal Jacques Bathilde, ses chiens, dont un Rottweiler, retrouvés dans un état de somnolence… Autant d’éléments qui poussent les policiers à penser que quelqu’un qui connaît les lieux aurait pu aider les malfaiteurs dans leur sale besogne. Leurs soupçons se sont donc portés sur Donovan Boodhun, âgé de 26 ans. Il est le fils de la sœur de la victime.
Donovan Boodhun, employé de bookmaker, avait, avec sa compagne Brenda Manoovaloo, occupé le rez-de-chaussée du domicile de l’ancien caporal. Ils ont déménagé en février cette année pour élire domicile à Roches-Brunes. Les deux ont été arrêtés jeudi. Lors de son interrogatoire, le jeune homme niera toute implication dans cette affaire. Sa compagne rejettera également toute participation à ce crime. Des échantillons de leur ADN ont été prélevés pour analyses au Forensic Science Laboratory.
Le soir du crime, un coffre-fort, soupçonné de contenir dans les Rs 300 000, a été emporté. Pour les limiers de la Major Crime Investigation Team, seule une personne n’aurait pu la porter vu son poids. Des éléments de cette unité se sont donc rendus à Mont-Roches vendredi après-midi en quête d’indices additionnels. Le domicile de Jacques Bathilde n’est plus sous scellés et a été remis aux proches du disparu.
Appels intrigants
Dans un premier temps, la police avait procédé à l’arrestation de Stéphane Tossé et Danny Tamby, avant d’appréhender le neveu de la victime et sa compagne le lendemain. Les quatre suspects sont inculpés de meurtre (voir d’autres textes plus loin).
Les deux premiers suspects ont été pris à Débarcadère, mercredi après-midi. Stéphane Tossé sera arrêté au domicile de son ami. Des descentes policières effectuées chez les deux suspects ont permis de mettre la main sur des cordes identiques à celles retrouvés sur la scène de crime. Des échantillons d’ADN ont été envoyés au laboratoire de la police. Les cordes aussi seront analysées, tout comme leurs vêtements. La voiture de Stéphane Tossé, une Suzuki Swift, a été mise sous scellés. Un véhicule identique a été aperçu, dans les images des caméras de surveillance, à Mont-Roches le soir du meurtre. Danny Tamby a été interrogé sur la provenance des cordes retrouvées à son domicile. Il dira qu’il les a reçues de son père qui est marin.
Les téléphones portables des deux premiers suspects ont été saisis et examinés par l’IT Unit de la police. Les appels téléphoniques de Stéphane Tossé intriguent les enquêteurs, surtout ceux passés entre 3 et 4 heures le jour du drame. Les limiers de la MCIT attendent un ‘judge’s order’ pour des analyses poussées des échanges téléphoniques des suspects.
L’enquête est menée par les inspecteurs Tajoo, Jugoo et l’équipe de la MCIT sous la supervision de l’ASP Gérard et de l’ACP Reekoye. D’autres proches de Jacques Bathilde sont dans le collimateur de la police.
Cet ancien caporal, âgé de 61 ans, avait été retrouvé mort le 25 août dernier à son domicile à Mont-Roches. Il avait été ligoté et étouffé avec sa couette. Après sa retraite anticipée (il exerçait comme chauffeur pour l’ancien CP André Feillafé), il s’était reconverti en bookmaker clandestin, selon certaines sources. Mais les proches du défunt rejettent avec force ces allégations, arguant qu’il aimait les courses et le football comme bon nombre de Mauriciens. Divorcé, le sexagénaire a épousé Paulette, une Réunionnaise. Il faisait le va-et-vient entre Maurice et La Réunion.
Incidents aux funérailles
Les funérailles de Jacques Bathilde ont eu lieu dimanche dernier. Ce jour-là, une bagarre a éclaté entre Pascal Bathilde et Donovan Boodhun à Mont-Roches. Après de vifs échanges, les deux cousins s’en sont venus aux mains. Des videurs et proches se sont mêlés à la bagarre sous le regard impuissant des policiers présents. Donovan Boodhun a été salement amoché. Toutefois, aucune déposition n’a été consignée.
Bookmakers et parieurs risquent gros
Au niveau de la Gambling Regulatory Authority (GRA), on prend le phénomène des paris illégaux très au sérieux. Selon Me Raouf Gulbul, le président : « Un bookmaker illégal opère sans qu’il ne soit reconnu par la GRA et sans avoir payé les frais de licence. Il est en infraction, car il prend des paris sans débourser le moindre sou pour la taxe. Pour ce type de contrevenants, la loi prévoit des peines très sévères, notamment une amende entre 3 et 6 fois supérieure aux frais de licence qui sont de Rs 3,5 millions. Le parieur aussi risque une amende. Au niveau de la GRA, nous adoptons des mesures modernes en vue de combattre les paris clandestins ».
Un bookmaker officiel: «Nous sommes lourdement pénalisés»
« Les bookmakers clandestins nous font beaucoup de tort, car ils volent nos clients à travers certains avantages qu’ils offrent. Par exemple, chez nous un parieur doit payer 10 % de taxe. Nous payons aussi cette taxe. Nos frais hebdomadaires sont de Rs 150 000. Nous déplorons le fait qu’aucune action n’est prise par les autorités pour combattre les bookmaker clandestins. Entre-temps, nous sommes lourdement pénalisés. »
Paris clandestins
L’ex-policier Jacques Bathilde officiait, selon certains, comme bookmaker clandestin. Dans le cadre de l’enquête policière, les limiers se sont intéressés à ses activités liées aux courses hippiques. Le phénomène des paris clandestins existe bel et bien… malgré les descentes policières.
Mardi 19 heures. Si certains s’empressent de rentrer chez eux après une journée de dur labeur, d’autres sont chez le bookie clandestin où ils misent sur des courses hippiques en Afrique du Sud ou en Australie. Ces épreuves sont diffusées sur les chaînes satellitaires. Nous sommes chez un de ces bookmakers clandestins à l’entrée d’une cité ouvrière de la capitale. Sur place, une vingtaine de parieurs… Jeunes et moins jeunes ont pris place dans un couloir spécialement aménagé. Certains grillent cigarette sur cigarette, d’autres prennent une bière. Imperturbables. On assiste à l’arrivée d’une course. Seul un gagnant se présente au guichet pour toucher ses gains, les autres placent leurs mises pour la prochaine course. « Rs 300 lor nimero 8 », lance un parieur. Un autre, lui, mise Rs 100.
C’est l’heure de la course… Les « zougaderr » sont tenus en haleine. Un partant se montre réticent à prendre place dans son couloir. Ce qui suscite pas mal de commentaires : « Pou al perdi kass la », tonnent des parieurs. C’est le départ. C’est silence radio, mais à l’entame de la ligne droite finale, la salle prend des allures du Champ-de-Mars. C’est un brouhaha, chaque parieur encourageant son coursier. Peine perdue… C’est le grand favori qui passe l’arrivée en vainqueur. Certains rentrent chez eux, bredouilles, alors que d’autres commandent des bières pour continuer la soirée. Et des maisons de jeu comme celle-ci, il en existe dans plusieurs régions… Et cela, au vu et au su des autorités !
Policier bookmaker
Jacques Bathilde, ancien policier, était, selon certaines courses, un bookmaker clandestin. La Police des jeux a, ces dernières années, procédé à l’arrestation de policiers toujours en fonction pour délit allégué de bookmaker illégal. En juin 2014, un policier avait été piégé par ses collègues. Il s’apprêtait à empocher une mise de Rs 90 000 par chèque dans l’enceinte de la municipalité de Curepipe. Il s’agissait de paris à crédit. Une fouille à son domicile dans le Sud a abouti à la découverte de Rs 492 000. Les agendas et l’ordinateur portable du policier avaient été saisis.
En juillet 2014, la Police des jeux a procédé à l’arrestation d’un policier pour paris illégaux. Il s’agit d’un élément de la National Coast Guard des Salines. Il est soupçonné d’organiser des paris illégaux. Trois téléphones cellulaires, des agendas et un ordinateur portable ont été saisis.
Les quatre suspects
À ce stade, quatre personnes ont été interpellées par la Major Crime Investigation Team, dont un neveu du policier assassiné. Zoom…
Donovan Boodhun, le neveu de Jacques Bathilde
Il avait, dans un premier temps, intéressé les enquêteurs. Il sera alors interrogé, mais la police n’avait rien trouvé de compromettant contre lui. Cependant, au fil des jours, Donovan Boodhun, 26 ans, est réapparu dans le viseur des policiers qui ont procédé à son arrestation jeudi. Le neveu de Jacques Bathilde, employé de bookmaker, occupait, avec sa compagne Brenda Manoovaloo, le rez-de-chaussée de la maison de la victime. En février, le couple a déménagé. Ils louaient une maison à Mont-Roches. Comme Donovan Boodhun connaît bien les lieux, la police soupçonne qu’il soit de mèche avec ceux qui ont commis ce crime. Si le neveu de Jacques Bathilde avoue qu’il n’était pas en bons termes avec Pascal, le fils de l’ancien caporal, il nie toute implication dans cette affaire de meurtre et de vol. Donovan Boodhun est en liberté conditionnelle pour une affaire de vol avec violence.
Brenda Manoovaloo, la compagne
Brenda Manoovaloo, âgée de 23 ans, est la compagne de Donovan Boodhun depuis 2011. La jeune femme a été arrêtée jeudi. Elle est aussi fichée à la police. Employée comme bonne à tout faire dans une maison à Ebène, elle est soupçonnée d’avoir été la complice de son amoureux dans un cas de vol. La police pense qu’elle a délibérément omis de pas verrouiller la porte de la maison de son employeur pour que son complice puisse y accéder et commettre son forfait.
Danny Tamby, le bon ami de Tossé
Ce marin de 33 ans est fiché à la police pour un cas de vol. Cet habitant de Débarcadère, Pointe-aux-Sables, est un ami de longue date de Stéphane Tossé. Lors d’une descente policière à son domicile, une corde jugée suspecte a été retrouvée. Tout dernièrement, les deux amis étaient souvent aperçus ensemble. La police pense qu’il est de mèche avec Tossé. « Li kouma enn zanfan lakaz. Stéphane (Tossé) et lui sont amis depuis très longtemps. Ils sont très proches », dit le père de Danny Tamby. Ce marin de 63 ans explique que son fils voulait devenir tatoueur et qu’il apprenait les rudiments du métier avec Stéphane Tossé.
Stéphane Tossé rattrapé par son passé
Ce récidiviste était recherché depuis quelque temps par la Major Crimes Investigation Team (MCIT). Stéphane Tossé, un videur et un tatoueur de 40 ans, avait déserté son domicile, à l’avenue Cerisier, Morcellement Rey, Pointe-aux-Sables. Il a été appréhendé par la police chez Michael Danny Désiré Tamby, à Débarcadère, mercredi après-midi. Leurs téléphones portables ont été saisis et envoyés au laboratoire de la police pour analyses. Stéphane Tossé n’est pas inconnu des services de police. Il avait fait parler de lui dans le sillage du braquage de la compagnie SOS Guard en novembre 2010. Les suspects avaient ligoté le vigile, âgé de 76 ans, avant de repartir avec 15 armes à feu et 250 balles. Le nom de Stéphane Tossé, qui était également le garde du corps de Sanjeev Lutchmun, sera cité dans l’affaire Whitedot. Il avait été poursuivi pour blanchiment d’argent et « possession of stolen property ». En 2013, l’Adsu de Port-Louis, menée par l’inspecteur Ashik Jagai, avait saisi une somme de Rs 4 millions et des bijoux chez sa petite-amie dans un appartement à La Tour-Koënig. Cependant, il n’y avait aucune matière à poursuites contre lui. Hormis les affaires Bathilde et Whitedot, le videur a plusieurs délits à son actif : agressions, coups et blessures, possession d’armes dangereuses… Il avait été reconnu coupable de trafic de drogue (possession de gandia pour la vente) par la Cour intermédiaire.
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