L’avocat Samad Golamaully, dont les services avaient récemment été retenus par le Commissaire de police (CP), considère la plainte constitutionnelle logée par ce dernier contre le Directeur des poursuites publiques (DPP), Rashid Ahmine, comme un bon « move ». Selon lui, cela devrait permettre d’établir une ligne de démarcation entre les pouvoirs respectifs de chacun.
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Quelle est votre avis sur la plainte constitutionnelle déposée par le CP contre le DPP ?
C’est évident qu’il y a, malheureusement, un clash entre ces deux institutions. Je dis malheureusement car j’étais parmi les premiers à dire qu’il est essentiel pour notre système de justice pénale que ces deux institutions créées et protégées par la Constitution puissent travailler de concert afin de combattre la criminalité.
Comment le DPP peut-il usurper les pouvoirs du CP ?
Il est clair que le CP a un point de vue sur ses pouvoirs sous la Constitution. Idem pour le DPP. Récemment, la rétention des services d’avocats du privé par le CP et non à ceux du DPP a suscité le débat.
Il y a aussi une grande interrogation sur la définition du terme « criminal proceedings ». Nous sommes conscients que la Constitution confère des pouvoirs au DPP qui ne peuvent être questionnés ; il est habilité à poursuivre qui il veut et il peut reprendre ou arrêter une poursuite judiciaire.
Toutefois, la Constitution ne fait pas mention de « prosecution » mais de « criminal proceedings ». Est-ce que ce terme inclut une accusation provisoire et le « bail hearing » ou est-ce seulement lorsqu’il y a une accusation formelle contre une personne traduite devant un tribunal ?
La police considère qu’en tant que client, le bureau du DPP, qui le représente, aurait dû s’aligner sur sa position.
Ce geste ne peut-il pas être considéré comme un affront au DPP ?
Je suis d’avis que nous ne pouvons laisser perpétuer ce clash. Je considère que c’est un bon « move » (de la part du CP ; NdlR) de demander à la Cour suprême de trancher dans cette affaire, de sorte à savoir où commencent et où s’arrêtent exactement les pouvoirs de chacun. Le plus tôt sera le mieux car ces deux institutions doivent travailler main dans la main.
De quelle manière les agissements du DPP peuvent-ils « impacter négativement » les enquêtes de police, tels qu’avancé par le CP dans sa plainte ?
En tant qu’avocat, nous savons qu’il y a une pratique établie que lorsqu’une personne est arrêtée avec une certaine quantité de drogue, la police objecte à sa libération sous caution. Le représentant du DPP, en cour, lui emboîtera le pas. Le sujet sera débattu entre ce dernier et l’avocat du suspect et c’est le tribunal qui sera appelé à trancher.
Mais récemment, sans que je ne dise qui a raison ou qui a tort, il y a eu un cas où le bureau du DPP n’a pas objecté à la remise en liberté d’un suspect. Cela n’a clairement pas plu à la police qui estime que l’enquête n’avait même pas démarré, d’une part et qu’il y avait des raisons d’objecter, d’autre part. La police considère qu’en tant que client, le bureau du DPP, qui le représente, aurait dû s’aligner sur sa position. Mais il est clair que le DPP a, lui, un autre point de vue sur la question.
C’est mieux que ce soient des institutions déjà financées par l’État qui représentent le CP.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
En ce qui me concerne, j’estime qu’il y avait une solution simple à tout ça. Lorsque la police demande au DPP d’objecter à la remise en liberté sous caution d’un suspect en invoquant certaines raisons, il est important que les deux parties communiquent si le DPP estime que ces motifs ne suffisent pas à priver la personne de sa liberté.
Mais cette prérogative ne relève-t-elle pas du DPP uniquement ?
Je comprends le DPP qui dispose d’un pouvoir absolu sous la Constitution, mais je comprends aussi la position du CP car il est responsable du combat contre la criminalité et le trafic de drogue. Si en tant que client il dit disposer de suffisamment d’éléments pour objecter à une remise en liberté sous caution, c’est qu’il a raison.
Le CP a choisi de retenir les services d’avocats du privé dans l’affaire, dont ceux d’un Britannique. Peut-il y avoir une perception que c’est le public qui devra payer pour un conflit qu’il n’a pas demandé ?
En temps normal, c’est le bureau du DPP ou celui de l’Attorney General qui représente la police. Mais lorsqu’il y a un conflit entre le DPP lui-même et la police, celle-ci estimant que ses instructions ne sont pas suivies et qu’il y a un manque de confiance, que faisons-nous ? Chacun campe sur ses positions. En attendant, il y a des procès qui attendent d’être écoutés en cour.
Je ne vois donc rien d’anormal pour le CP de retenir les services d’avocats du privé. J’estime toutefois que cela doit se faire de manière judicieuse et lorsque c’est vraiment nécessaire. Qui plus est, aucune loi n’oblige la police, qui dispose de son propre budget et qui gère ses propres affaires, à devoir obligatoirement retenir les services d’avocats du bureau du DPP.
C’est toutefois mieux que ce soient des institutions déjà financées par l’État qui représentent le CP. Il faut souligner que ce n’est pas une première. Cela a été fait dans le passé, mais c’est aujourd’hui qu’il y a une polémique autour de cela. Ce serait bien aussi que la Cour suprême puisse également statuer sur la question.
Je le redis : c’est mieux que le DPP représente la police et c’est mieux que le bureau de l’Attorney General représente les institutions. Mais lorsqu’il y a un clash, la police devrait pouvoir, à sa discrétion, retenir les services d’avocats du privé.
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