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Mauvaises conditions d’entreposage : interrogations sur la sécurité médicamenteuse 

Un entrepôt de médicaments devrait respecter des normes spécifiques, dont une bonne aération.

L’infestation de rats dans l’entrepôt de médicaments de Plaine-Lauzun a abîmé bon nombre de médicaments, comme le rapporte le National Audit Report 2022 – 2023. Ce constat remet en question l’intégrité des médicaments distribués dans les services de santé publics.

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La consommation de médicaments altérés peut avoir des effets néfastes sur la santé des patients, voire être dangereuse. D’où l’impératif qu’ils soient conservés dans des conditions optimales. Or, le rapport du bureau de l’Audit 2022-23, rendu public le mardi 2 avril, est venu jeter un pavé dans la mare. 

En plus des dépenses et diverses lacunes, l’infestation de rats au Central Supplies Division (CSD) de Plaine-Lauzun a été soulignée. Parmi les problèmes identifiés par le bureau de l’Audit, on retient la présence de rats ayant endommagé de nombreux médicaments, malgré les mesures prises par le ministère de la Santé pour résoudre le problème.

Il a également été observé, lors de visites dans trois entrepôts en août et septembre 2023, qu’une quantité significative de médicaments et de produits pharmaceutiques était entreposée dans des conditions inadéquates, périlleuses et insalubres. Les officiers du bureau de l’Audit ont également constaté des fuites d’eau à divers endroits et les plafonds de certains entrepôts dans un état lamentable, représentant ainsi un risque majeur pour la santé, comme le mentionne le rapport. 

Ces constats remettent en question l’intégrité des médicaments. Que comprend-on par ce terme ? Le concept d’intégrité des médicaments renvoie à l’assurance de leur qualité, de leur authenticité et de leur sécurité tout au long de leur cycle de vie, de leur fabrication à leur utilisation par les patients. Il englobe plusieurs aspects essentiels : la qualité des médicaments, qui doivent être fabriqués selon les normes requises pour garantir leur efficacité et leur sécurité ; l’authenticité, afin de certifier qu’ils sont conformes à ce qu’ils sont supposés être ; la sécurité, les médicaments devant être exempts de toute contamination pouvant présenter des risques pour les patients.

Face aux critiques du bureau de l’Audit, le ministère de la Santé affirme que l’intégrité des médicaments est respectée. On avance que tous les produits pharmaceutiques doivent être enregistrés auprès du Pharmacy Board (PB) par les pharmacies grossistes avant d’être commercialisés sur le territoire mauricien. Et de préciser que l’enregistrement des produits pharmaceutiques implique un processus complet d’évaluation des dossiers par un pharmacien qualifié, conformément aux directives internationales pour garantir la qualité, la sécurité et l’efficacité des produits. 

Toutefois, certains pharmaciens, dont Ashwin Dookun, président de la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM), sont sceptiques. « Tous les pharmaciens, qu’ils travaillent dans le secteur public ou privé, sont censés suivre un Code of Practice. Or, il semble que ce ne soit pas toujours le cas », fait-il remarquer. Selon plusieurs de ses collègues, en cas de faute commise par un pharmacien du secteur privé lors d’une inspection, il risque diverses tracasseries, voire des sanctions. Ils s’interrogent de fait sur le traitement réservé aux pharmaciens responsables des entrepôts de médicaments du ministère de la Santé, estimant qu’il existe clairement une politique à deux vitesses.

Ces pharmaciens du privé avancent également que l’on ne peut pas se fier entièrement aux documents soumis par les fournisseurs. Ils rappellent la période de la pandémie de COVID-19, quand n’importe qui pouvait importer des produits pharmaceutiques, même de sources non préalablement enregistrées auprès des autorités sanitaires et reconnues pour leur intégrité et leur éthique. 

Face à cette situation, Siddique Khodabocus, de l’Association des petits et moyens importateurs de produits pharmaceutiques, et Ashwin Dookun sont d’avis qu’il serait opportun de mettre en place un organisme chargé de l’analyse systématique des échantillons de produits médicaux arrivant à Maurice. L’objectif est de s’assurer qu’ils contiennent les principes actifs pharmaceutiques nécessaires et que le Certificat d’analyse (CA) est conforme.

En plus de ces vérifications, il est essentiel, face aux risques que représentent les médicaments altérés, de garantir que les médicaments sont correctement entreposés et que la chaîne du froid, là où elle est nécessaire, est respectée à toutes les étapes, notamment lors des transferts. 

Toujours est-il que malgré les craintes exprimées et les problèmes observés dans les entrepôts de produits pharmaceutiques du ministère de la Santé, un professionnel de la santé affirme que l’intégrité des médicaments est maintenue « tant bien que mal », grâce à diverses mesures telles que le stockage conforme aux températures requises. Cependant, il concède qu’il est grand temps de mettre en place un entrepôt moderne doté de toutes les installations nécessaires, un projet annoncé à maintes reprises, mais qui tarde à se concrétiser.

Avec ce nouvel entrepôt et la centralisation des produits en un seul lieu, il sera plus facile de gérer le stock et de garantir le bon conditionnement des produits, argumente-t-il. Il est également d’avis qu’il faudrait davantage de personnel pour assurer un meilleur contrôle et un meilleur entretien des lieux. En observant un meilleur contrôle des températures et de l’humidité, il estime qu’il y a plus de chances que le concept d’intégrité des médicaments soit respecté.

Toutefois, pour l’instant, rien de tout cela n’est acquis, alors que l’intégrité des médicaments vise à garantir qu’ils soient de haute qualité, authentiques et sûrs, dans le but de protéger la santé et le bien-être des patients.

Centre de récupération

Il est largement soutenu par divers pharmaciens et professionnels de santé, avec qui nous avons discuté, que ce n’est pas une bonne pratique de laisser des médicaments expirés ou non utilisés se retrouver dans la nature ou d’être conservés à domicile. À l’instar d’Ashwin Dookun, tous regrettent l’absence d’un système de récupération des médicaments périmés afin qu’ils puissent être éliminés correctement, car ces produits pharmaceutiques pourraient tomber entre de mauvaises mains et se révéler dangereux. 

Selon nos informations, chaque patient se débarrasse de ses médicaments selon sa convenance : dans les toilettes ou dans leur poubelle avec les autres déchets ménagers, ce qui peut être néfaste pour l’environnement. Nos intervenants sont donc d’avis que la récupération et l’élimination des médicaments devraient relever de la responsabilité du ministère de la Santé. Un système pourrait être mis en place dans les hôpitaux du service public pour récupérer ces produits pharmaceutiques destinés à être détruits. 

Un pharmacien explique qu’il existe diverses façons de se débarrasser des médicaments, notamment par incinération, en fonction de la nature du produit. Il souligne qu’il n’est pas recommandé de les éliminer n’importe où ou n’importe comment, car certains produits peuvent contenir des molécules nocives après expiration et ainsi contaminer l’environnement.

Code of Practice

Selon le Code of Practice for Pharmacists de 2021, il est stipulé à la section IV – Professional Responsibility que :

  • Tout pharmacien enregistré, lorsqu’il fournit un service ou une intervention préprofessionnelle, le fait sur la base de sa qualification et de son expertise.
  • Tout pharmacien grossiste doit gérer son stock de manière à assurer un approvisionnement adéquat en produits pharmaceutiques à chaque pharmacie agréée.

Nous relevons également, sous l’article 24 du Pharmacy Act, intitulé Qualité des produits pharmaceutiques, qu’il est interdit de vendre :

(a) un produit pharmaceutique qui :
(i) est falsifié ou impur ;
(ii) n’est pas conforme à une prescription ou à des normes spécifiées ;
(b) tout médicament :
(i) qui n’est pas de bonne qualité et en parfait état de conservation pour un usage médical ; ou
(ii) dont la durée de conservation est dépassée ;
(c) tout médicament contenant des ingrédients qui nuisent à sa qualité.

En ce qui concerne les normes applicables aux substances thérapeutiques, selon l’article 31 :

(1) Sous réserve des dispositions de l’article 32, nul ne peut fabriquer ou vendre une substance thérapeutique mentionnée dans la sixième annexe, si elle n’est pas conforme aux normes spécifiées.
(2) Le secrétaire permanent peut ordonner la confiscation de toute substance thérapeutique qui n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa (1). 

 

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