Monde

A Madrid, un restaurant gratuit pour les sans-abri

Au milieu du bal des serveurs, José Silva prend place pour déguster un plat de riz, légumes et viande. Pourtant, José n'a pas un sou pour payer ce restaurant au coeur de Madrid, et pour cause: il vit dans la rue.

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Âgé de 42 ans, il dort sous une station de téléphérique dans l'immense bois de la Casa de Campo et profite des repas gratuits du restaurant «Robin des Bois».

Cet établissement qui a ouvert début décembre est une initiative d'Angel Garcia, prêtre rebelle de 79 ans aux cheveux blancs soigneusement peignés, connu pour son église «alternative» et le travail auprès des plus pauvres de son association «Messagers de la Paix».

La journée, les clients du restaurant paient 11 euros pour leur repas, ce qui permet aux sans-abri de profiter, le soir, du même menu gratuitement.

Ce modèle économique doit encore faire ses preuves et l'association d'Angel Garcia devra sans doute aussi participer financièrement pour soutenir le restaurant. Mais «Padre Angel» a d'ores et déjà des plans plus ambitieux: il veut ouvrir trois autres restaurants en Espagne, où plus d'une personne sur cinq vit sous le seuil de pauvreté après des années de crise économique.

«C'est très bon», se régale José Silva, vêtu d'un sweat-shirt Gap qu'on lui a donné, en coupant ses boulettes de viande. Bien mieux, ajoute-t-il, que l'habituel sandwich froid distribué à la paroisse San Anton du père Angel, toute proche.

Une fois son repas fini, il quitte ce restaurant-cantine au mur de brique rouge décoré avec des chandeliers pour affronter le froid de décembre.

Dignité

D'autres sans-abri entrent et s'installent devant les tables bien dressées du «Robin des Bois», qui assure deux services de 50 couverts, avec nappes blanches et serviettes rouges.

Les charriots de supermarché où s'entassent les possessions de certains sont laissés à l'entrée.

Ce projet «rend leur dignité aux gens qui en ont besoin», expliquait à l'AFP le père Angel quelques jours avant l'ouverture du restaurant, vêtu d'un élégant costume dans son église à Chueca, le quartier gay de Madrid.

D'habitude, «les gens font la queue dans la rue pour dîner, bravant le froid et la pluie», disait-il. Près de lui ce jour-là, des hommes et des femmes prenaient un petit-déjeuner réconfortant composé de café chaud et des pâtisseries. Beaucoup d'entre eux reviennent en fin de journée, l'église servant des sandwichs, de la soupe et des fruits à quelque 200 personnes chaque soir.

Avec le restaurant «Robin des Bois», une centaine «d'habitués» peuvent désormais remplacer le sandwich par un repas chaud.

Église alternative

La paroisse de Padre Angel est devenue une institution depuis qu'il l'a reprise en 2015, s'employant à l'ouvrir à chacun, peu importe sa religion.

En plus de servir des repas aux sans-abri, elle diffuse en direct les discours du Pape et des matchs de foot.

L'année dernière, l'enfant Jésus de la crèche était représenté par une figurine d'Aylan Kurdi, le petit réfugié de trois ans dont la photo du corps sans vie sur une plage turque avait ému le monde.

Le père Angel baptise lui-même les enfants de couples homosexuels, ce qui lui vaut des visites du monde entier.

«Plus de mille personnes viennent chaque jour», se félicite-t-il.

«Messagers de la Paix» fait cependant plus que s'occuper de l'église et du restaurant «Robin des Bois».

Horrifié dans sa jeunesse par le traitement réservé aux enfants dans les orphelinats, Angel Garcia a fondé cette association en 1962, afin d'offrir des foyers accueillants aux enfants abandonnés.

Les larmes de Franco

L'association a ensuite grandi, étendant son action aux jeunes souffrant d'addictions, aux séropositifs, aux jeunes handicapés, aux femmes victimes de violences conjugales et aux personnes âgées.

Financée par des dons, des subventions et de l'argent tiré de certaines de ses activités, «Messagers de la Paix» envoie aussi des aides à l'étranger. L'association emploie près de 4.000 personnes épaulées par quelque 4.200 bénévoles.

De sa voix douce, Angel Garcia évoque mille anecdotes de vie comme lorsque, dans sa recherche de fonds il a rencontré le dictateur Francisco Franco... et lui a arraché des larmes.

«Il nous a demandé quelle était la vocation de 'Messagers de la Paix', j'ai répondu qu'elle aidait les enfants abandonnés par leurs parents, ou ceux dont les géniteurs n'étaient pas mariés ou en prison», se souvient-il.

«J'ai vu des larmes -il était déjà vieux, c'était deux ou trois ans avant sa mort- et il m'a dit +j'ai été un de ces enfants, parce que mes parents se sont séparés+».

 

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