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Lynchage public : les droits humains prennent des coups

Capture d’écran d’une vidéo montrant un présumé voleur contraint de sauter du premier étage avant de recevoir un coup de pied en plein visage. Ce présumé voleur a été forcé de manger les fruits à pain qu’il avait dérobés.
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Divers cas de vol ont donné lieu à des actes de lynchage et d’humiliation des auteurs présumés, qui ont été filmés et diffusés sur les réseaux sociaux. Cela met en évidence le mal qui ronge notre société, mais aussi les possibles dérapages, si rien n’est fait pour remédier au sentiment d’insécurité et « d’impunité » face à la criminalité, qui semble avoir atteint son paroxysme.

Un présumé voleur poussé du premier étage d’un bâtiment, avant de recevoir un coup de pied en plein visage... D’autres, ayant ciblé des plantations notamment, contraints de manger des fruits à pain crus, voire du piment… Un individu, pieds et mains liés, traité de « petit lapin » avant d’être embarqué par la police… Un homme forcé de « faire la marionnette » sous la menace des badauds qui l’entourent… 

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L’anthropologue Daniella Bastien insiste sur l’importance de la prévention.

Ces scènes d’humiliations, de dénigrement et de « corrections corporelles » sont légion depuis quelque temps sur les réseaux, à travers diverses vidéos filmées et partagées. Face aux nombreux cas de vols et l’insécurité grandissante dans le pays, couplés à la perception d’« inefficacité » des autorités concernées pour mettre fin au problème, certains Mauriciens ont, en effet, décidé de prendre la justice entre leurs mains. 

La loi autorise certes n’importe quel citoyen à procéder à l’arrestation d’un suspect de n’importe quel type de délit. Cependant, elle ne permet pas le lynchage (voir en pages 8-9). D’ailleurs, le phénomène de justice populaire, bien qu’il ne soit pas nouveau, n’est pas sans danger. Dans le passé, rappelle l’inspecteur Shiva Coothen, responsable de la cellule de communication de la police (voir en pages 8-9), des suspects ont été sérieusement blessés ou sont décédés, ce qui a conduit à l’incarcération des agresseurs.

Tout comme les victimes, les accusés et les suspects ont aussi des droits, fait remarquer Bhavish Budhoo, directeur de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Dis-Moi (Maurice). Des mesures solides et concrètes s’imposent, soulignent, pour leur part, l’anthropologue Daniella Bastien et la criminologue Ashitah Aujayeb Rogbeer. Cette dernière affirme qu’il faut mettre fin à ces dérives.

« Le lynchage public est un acte inhumain et contraire aux principes de justice et de respect des droits de l’homme. Il est essentiel que les sociétés condamnent fermement de tels actes et mettent en place des mesures pour prévenir leur occurrence, tout en garantissant que les responsables soient tenus responsables de leurs actes », soutient Ashitah Aujayeb Rogbeer. 

Toutefois, face à la perception de l’inaction des autorités, la partie n’est pas gagnée. « Ce que nous voyons en ce moment, c’est une conséquence inévitable de l’insatisfaction et du sentiment de frustration à l’égard des autorités et de la justice », analyse la criminologue. Cela découle, poursuit-elle, d’un système judiciaire perçu comme lent et d’une force de l’ordre qui n’agit pas promptement par rapport au nombre grandissant de vols perpétrés.

Un constat que fait également Daniella Bastien. L’anthropologue explique que le lynchage public est une forme de justice populaire, où des citoyens décident de faire justice eux-mêmes. Pour elle, l’augmentation des cas de vol ainsi que des actes de lynchage, d’humiliation et d’agression des auteurs, et surtout leur diffusion filmée, témoignent d’un dysfonctionnement tant au niveau social que sécuritaire. 

Daniella Bastien revient ainsi sur un constat dont elle ne cesse de parler : un sentiment d’insécurité plane dans le pays. « La confiance dans les institutions est érodée. Nous avons des ‘tapeurs’ au plus haut niveau de l’État. Nous avons vu des cas de violence policière. Tout cela nous mène à dire que cette insécurité est une autre source de ces lynchages publics », dit-elle.

Justice manquante

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Pour la criminologue Ashitah Aujayeb Rogbeer, le lynchage public est un acte inhumain.

Ashitah Aujayeb Rogbeer ajoute que ceux qui pratiquent ces actes de lynchage agissent de leur propre chef pour rétablir ce qu’ils voient comme une justice manquante, surtout dans les régions où le taux de criminalité est élevé et où les forces de l’ordre semblent être complètement dépassées. « Certains individus prennent la justice entre leurs mains pour se protéger, protéger la communauté. Ce qui devrait être fait par les forces de l’ordre et par le biais de patrouilles de quartier et d’autres initiatives similaires », souligne-t-elle.

Si le phénomène de lynchage n’est pas nouveau, il est de plus en plus visible grâce aux réseaux sociaux. « Le lynchage a toujours été un phénomène existant dans notre société. Mais aujourd’hui, avec toutes les possibilités que nous offrent les smartphones et les réseaux sociaux, le phénomène devient visible et s’amplifie par mimétisme à travers des directs ou des vidéos », déclare Daniella Bastien. Elle note également qu’il est de plus en plus visible que ce sont des jeunes sous l’influence de substances qui commettent ces vols, avec violence ou pas. « Ces actes de vol et de diffusion donnent ainsi la température de l’état de notre société. La spectacularisation de la sphère de la vie publique est une des sources des lynchages rendus publics », ajoute-t-elle.

Pour elle, après une société qui a développé la culture du « tout, tout de suite », c’est celle du « tout doit être donné à voir », des reportages en direct du lieu d’un accident à la bagarre entre automobilistes dans les embouteillages, qui prend de l’ampleur. « Le Mauricien est nourri quotidiennement de directs sur tout et n’importe quoi. Donc, il crée lui aussi ses propres contenus, ses propres directs. TikTok est le lieu par excellence de ces directs, où insultes et injures en direct se côtoient », soutient-elle. Ce qui s’apparente alors, dit-elle, à une dérive du journalisme citoyen.

« Expression violente »

L’anthropologue déplore ainsi le peu de mesures pour bloquer les informations publiées. « Les réseaux sociaux donnent une plateforme pour s’exprimer. Parfois, cette expression est aussi extrêmement violente et injuste. Dans le cas présent, nous avons un lynchage public qui est en train d’être perpétré à l’égard des voleurs qui se sont fait prendre. C’est motivé par des sentiments de haine et de vengeance », fait-elle ressortir. 

Ces actes peuvent être « compréhensibles », selon Bhavish Budhoo et Ashitah Aujayeb Rogbeer. Mais, prévient la criminologue, le lynchage est considéré comme préjudiciable à la stabilité sociale et à la sécurité des individus généralement, mais aussi au respect des droits de l’homme.

« Bien que nous reconnaissions la frustration compréhensible et les réponses émotionnelles déclenchées par les crimes, Dis-Moi condamne sans équivoque toutes les formes de comportement criminel qui violent les principes fondamentaux des droits de l’homme », martèle, lui, le directeur de l’ONG. 

Et l’absence d’une action décisive ne fera qu’encourager une culture d’impunité et miner les principes fondamentaux de notre système juridique, ajoute-t-il. Dans un communiqué de Dis-Moi publié en début de semaine, Bhavish Budhoo ajoute qu’aucun individu n’est exempt de surveillance juridique. « Le vigilantisme n’a pas sa place dans notre société. La sécurité et les droits de chaque individu doivent être protégés, et il incombe à la force policière de Maurice de défendre ces principes sans compromis et de restaurer la confiance du public dans le système judiciaire », insiste-t-il.

Selon Danielle Bastien, Maurice est l’un des pays avec le plus fort taux de récidive au monde. Elle est d’avis qu’il faut repenser nos institutions réformatrices. Le travail effectué par deux ONG, Kinouété et Not a Number, pour la réinsertion et la réhabilitation des détenus, ne suffit plus, estime-t-elle. « Il est encore plus important de faire de la prévention notre cheval de bataille. C’est bien en amont de ces vols que nous devons agir. Avons-nous des données sur ces récidivistes ? » se demande l’anthropologue. 

Elle cherche à savoir si ceux qui vont en prison ont terminé le cycle primaire, secondaire ou tertiaire ; s’ils ont subi des violences dans leur enfance ; s’ils ont un toit, un compte en banque ? Pour Danielle Bastien, ces questions sont essentielles lorsque nous assistons à l’érosion de ces valeurs qui unissent les Mauriciens.

Toujours est-il que les programmes de réhabilitation ne donnent pas toujours les résultats escomptés, estime Ashitah Aujayeb Rogbeer. Ce n’est pas une solution universelle qui peut convenir à tout le monde : « Le succès de la réhabilitation va varier d’un individu à un autre, en fonction des problèmes sous-jacents comme la drogue, le niveau d’éducation et la classe sociale. Ce qui peut rendre la réhabilitation plus difficile. »

Mesures préventives

La réhabilitation peut aussi mieux fonctionner avec les auteurs de délits mineurs qu’avec ceux qui ont commis des crimes avec violence. La criminologue plaide pour des mesures préventives. « Avant d’aller vers la réhabilitation, il faut d’abord régler le problème de vol que nous avons. Le fait que nous avons une population qui s’appauvrit ne fera qu’exacerber la situation, d’autant plus que le focus de l’ordre et de la paix n’est pas la prévention des délits, mais une présence plus proactive des forces de police », dit-elle. 

Ainsi, la criminologue considère qu’il faut prendre des mesures drastiques avec des campagnes de sensibilisation qui toucheront les auteurs des vols pour qu’ils ne succombent pas à ce genre de délit. Un programme de réhabilitation n’est qu’une mesure à long terme pour l’accompagnement et la réinsertion des ex-détenus afin qu’il n’y ait pas de récidives, fait-elle comprendre.

Questions à…Bhavish Budhoo, directeur de Dis-Moi : «Ces actes de violence peuvent conduire à des émeutes»

bhavishDis-Moi a publié un communiqué concernant les divers actes de lynchage. Peut-on revenir sur la position de votre ONG par rapport à ces cas ?
Dis-Moi condamne tout acte de violence, car il ne peut être justifié dans aucune situation. Personne ne peut prendre la loi entre ses mains et il faut laisser aux autorités le soin de faire leur travail. Nous demandons un peu plus de rigueur de la part des autorités et à la force policière pour qu’ils se déplacent plus rapidement et agissent plus promptement quand des vols sont rapportés. Si nécessaire, que la police trouve les moyens pour mettre plus de ressources humaines dans les postes. 

À la suite d’une réaction de la police, nous retenons que les autorités vont déployer plus d’officiers de police dans les rues et davantage de patrouilles avec le soutien de la Police Bike Patrol. Nous espérons plus de rigueur face à la situation.

À la suite du communiqué de Dis-Moi, il y a eu quelques réactions. Certains soutiennent qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’intervenir face à la perception de l’inefficacité des autorités…
Je suis d’avis que ce sont des arguments infondés. Ce ne sont que des prétextes pour justifier ces actes de lynchage et de violence. Nous sommes conscients qu’il y a eu des réactions négatives contre notre organisation à la suite de ce communiqué et que certains sont d’avis que l’ONG protège les criminels et non les droits des victimes. Je rejette catégoriquement ce point.

L’ONG Dis-Moi milite pour les droits de tous les humains. Nous ne faisons aucune discrimination, que la personne soit fichée à la police ou une victime. Tout le monde a des droits et ceux-ci n’ont pas été rédigés par Dis-Moi, mais par les Nations unies qui ont publié la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ces droits figurent dans la Constitution de Maurice, qui a signé aussi plusieurs conventions. Dis-Moi ne fait que se baser sur les droits cités dans la Déclaration et les conventions que le pays a signées. Nous n’avons rien inventé. 

En ce qui concerne les victimes, elles sont protégées par l’État quand il y a une infraction criminelle. La police va agir et procéder à l’arrestation des malfrats et les droits des victimes sont représentés par le bureau du directeur des poursuites publiques (DPP). Si ceux-ci sont bafoués et qu’elles cherchent réparation, elles doivent suivre tout un mécanisme. Elles doivent entamer un procès civil pour tout dédommagement. Tout cela est bien rédigé dans notre loi à travers un mécanisme légal.

Devant toutes ces vidéos en circulation, faut-il éduquer les citoyens sur les droits humains et les devoirs de chacun ?
Bien évidemment. C’est quelque chose que nous demandons depuis des années. Dis-Moi a fait plusieurs demandes au ministère de l’Éducation pour que les droits humains soient inclus dans le cursus scolaire. Avec tout ce qui se passe en ce moment, c’est le moment propice pour le faire. 

Compte tenu des réactions que nous avons vues sur les réseaux sociaux, nous constatons qu’ils sont nombreux à ne pas comprendre la notion des droits humains. Ils ne comprennent pas quels sont leurs droits et quelles sont leurs responsabilités. Tout droit vient avec des devoirs. Il faut qu’ils le comprennent et c’est ce que nous essayons de faire. 

Dans les programmes de sensibilisation que nous menons, nous expliquons clairement aux gens où leurs droits commencent et où ils s’arrêtent. C’est très important de comprendre cela. C’est le moment approprié de l’incorporer dans le système éducatif du pays. Si nous ne faisons rien, il y aura toujours des lacunes dans notre éducation.

Avec cette escalade d’agressions, y a-t-il un risque de dérapage qui pourrait mener à des situations plus graves ?
Le risque est là, en effet. Nous ne devons pas sous-estimer ce qui se passe actuellement à Maurice. Bien que cela soit dirigé vers une catégorie de personnes, en l’occurrence ceux qui commettent des délits, si on laisse cela passer, cela peut conduire à des émeutes. 

Les gens vont commencer à prendre la loi entre leurs mains et la moindre raison sera un prétexte pour enclencher une situation de violence. Nous ne pouvons donc pas laisser passer ces actes de lynchage et devons respecter l’État de droit, en laissant agir des institutions bien établies. 

Il existe des cadres légaux prévus pour les actes criminels, et il faut les respecter. Si toutefois une personne n’est pas satisfaite du système, elle peut faire des propositions pour changer le système. On ne peut pas prendre la loi entre ses mains, c’est inacceptable !

En parlant de système et d’institutions, certains sont d’avis que les peines ne sont pas suffisamment sévères par rapport aux délits commis, ni proportionnelles aux pertes encourues. Vos commentaires.
Les lois sont élaborées et mises en place par les parlementaires. Aussi sévère qu’une loi puisse être, la notion de proportionnalité est considérée par les cours de justice. La cour va prendre en considération tous les faits et circonstances présentés et évaluera tous les facteurs incriminants, ainsi que les plaidoyers des accusés. C’est là que le principe de la proportionnalité est appliqué.

Que pensez-vous du concept de légitime défense ?
La légitime défense ne doit pas être confondue avec des actes de violence gratuits contre les suspects. Elle doit être utilisée en dernier recours lorsque votre vie est menacée. La réplique doit être proportionnelle et raisonnable. Si votre agresseur est armé, on peut se défendre avec une arme, mais s’il n’est pas armé et qu’on utilise une arme contre lui, ce n’est pas considéré comme de la légitime défense.

Inspecteur Shiva Coothen, responsable de la cellule de communication de la police : «Ce n’est pas légal de prendre la loi entre ses mains»

shivaCeux qui pratiquent des actes de lynchage à la suite d’un délit commis par un suspect encourent, eux aussi, le risque d’être poursuivi devant la justice. C’est ce que souligne l’inspecteur Shiva Coothen, responsable de la cellule de communication de la police. 

Nous avons remarqué, ces derniers temps, une recrudescence de vidéos montrant des actes de lynchage d’individus présentés comme des voleurs. Ces actes ne sont certainement pas nouveaux, mais ils sont plus visibles à travers les réseaux sociaux. Que dit la loi par rapport à de tels actes d’agression et d’humiliation, où des citoyens tentent de se faire justice eux-mêmes ?
Avec l’avènement de la technologie et des réseaux sociaux, de nombreux actes qui n’étaient pas visibles autrefois sont maintenant instantanément rendus publics. Cela devient viral grâce au partage. Cela donne l’impression que le phénomène a pris de l’ampleur, alors qu’il existait déjà, mais était « caché » parmi les phénomènes de société. 

Il y a aussi le fait que les victimes d’actes de violence, d’agression ou de vol sont plus enclines à dénoncer les auteurs au lieu de se taire comme auparavant. Une campagne de sensibilisation a été menée dans ce sens par la police afin que les agresseurs ne restent pas impunis pour leurs actes.

Les différents actes de lynchage qui ont été médiatisés ont engendré des réactions diverses. Il est bon de souligner que la police a toujours mené des actions et mis en place des stratégies pour réduire la criminalité. Beaucoup d’accent a été mis sur la prévention, notamment à travers la Crime Prevention Unit (CPU), qui a la responsabilité de mener des campagnes de sensibilisation à travers le pays. Plusieurs groupes d’âge sont concernés : les écoliers, les étudiants, les associations de femmes et de personnes âgées, ainsi que les divers acteurs de la société. 

Nous croyons que la prévention est préférable à la réaction après coup. La police peut mieux agir quand il y a des dénonciations, et c’est là que nous voyons une hausse « artificielle » de la criminalité en raison de l’augmentation des cas rapportés. Mais il y a toujours des situations où, par peur et crainte de représailles, certaines personnes préfèrent passer sous silence leur agression en raison d’un manque de conscientisation ou d’ignorance. À notre niveau, nous les encourageons à dénoncer ces cas, peu importe le délit dont ils ont été victimes.

Il faut être très prudent en ce qui concerne les images qui sont diffusées sur les réseaux sociaux»

Vous évoquez la dénonciation des agressions, vous parlez aussi des actes de lynchage que peuvent subir les suspects ? 
Lors de nos campagnes de sensibilisation, nous faisons comprendre que la police a le pouvoir d’arrêter un suspect avec ou sans un mandat d’arrêt en vertu de la District and Intermediate Courts (Criminal Jurisdiction) Act 1888. Ce texte de loi évoque aussi les pouvoirs d’arrestation qui peuvent être effectués par n’importe quel individu témoin d’un délit. Cela concerne les articles 16, 17 et 18 (voir encadré). Ainsi, n’importe quel citoyen peut procéder à l’arrestation d’un suspect, comme le ferait la police. 

Nous soulignons aussi qu’une fois l’arrestation effectuée, il doit remettre le suspect entre les mains de la police. Il n’est pas légal qu’un individu prenne la loi entre ses mains pour se faire justice et donc, il n’a pas le droit de molester le suspect. 

Dans les vidéos que nous avons pu voir, certains se sont laissé emporter par la psychologie de groupe et l’émotion, où la colère a pris le dessus, ce qui est humain. Mais chacun devrait être capable de se maîtriser. Au lieu de passer à tabac un suspect, il est préférable de l’immobiliser et d’attendre l’arrivée de la police qui procédera à son arrestation. 

Sous l’article 18 de la même loi, si un citoyen a des doutes quant à la provenance des objets que quelqu’un veut lui vendre, il peut procéder à l’arrestation et informer la police qui viendra l’arrêter et mener une enquête pour déterminer si effectivement les objets en sa possession découlent d’un vol. La justice suivra son cours, si le suspect est reconnu coupable.

Que risquent ceux qui commettent ces actes de lynchage des suspects ? 
Dans le cas de ces agressions, il y a le risque de blessures graves ou de perte de vie humaine, comme cela s’est déjà produit par le passé. Une enquête sera effectuée pour déterminer les circonstances. Les agresseurs des suspects feront ensuite face à des poursuites pour homicide devant la cour. 
Cela s’est produit lorsque des personnes, exaspérées par le nombre de vols dans leurs plantations, ont molesté un suspect qui est décédé. À la suite de leur procès, ils ont été condamnés à une peine d’emprisonnement par la cour.

Il y a le risque de blessures graves ou de perte de vie humaine (…) Après enquête, les agresseurs des suspects pourraient être poursuivis pour homicide»

Certains peuvent prétendre à la légitime défense…
La légitime défense est différente (voir encadré). Les actes de lynchage se produisent lorsque, après avoir attrapé un voleur, par exemple, celui-ci subit une correction. La loi reconnaît uniquement le pouvoir à n’importe quel citoyen d’arrêter un suspect sans un mandat d’arrestation, tout comme la police peut le faire, dans certaines circonstances, en vertu de la District and Intermediate Courts (Criminal Jurisdiction) Act.

Dans quelles circonstances peut-on évoquer la légitime défense ? 
Il y a, dans la loi, les « excusable crimes », qui sont malgré tout punissables, comme le précisent les articles 240, 241, 242, 243 et 244 de la Criminal Code Act. Par exemple, sous l’article 240, Manslaughter and wounds and blows under provocation, si une victime, en se défendant contre son agresseur, lui inflige de sérieuses blessures, cela devient un crime excusable, mais reste punissable devant la loi. 

Sous le Code criminel, la légitime défense (self-defense) est définie comme « dans les cas de nécessité actuelle de défense, les cas suivants : (a) si l’homicide a été commis, si les blessures ont été faites, ou si les coups ont été portés en repoussant, pendant la nuit, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances ; (b) si le fait a eu lieu en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillage exécutés avec violence ». 

La légitime défense prend aussi en considération la nécessité de se défendre, ainsi que la notion de proportionnalité par rapport au type d’agression, et la légalité d’un acte. Dans tous les cas, il y a une enquête.

Au lieu de passer à tabac un suspect, il est préférable de l’immobiliser et d’attendre l’arrivée de la police»

Dans les réactions sur les réseaux sociaux, certains sont d’avis que la loi « protège » les criminels. Certains disent même que les lois ou sanctions ne sont pas assez sévères. Vos commentaires ?
Ce n’est pas le cas. Les lois sont là et les peines sont assez sévères. Le rôle de la police est de prévenir et de détecter les délits. La prévention est effectuée à travers les patrouilles policières, la sensibilisation et les stratégies que nous mettons en place pour protéger la population. 

Les caméras du dispositif Safe City y contribuent également. C’est comme le troisième œil de la police. L’auteur du vol dont a été victime un chauffeur de taxi a pu rapidement être identifié grâce à la caméra embarquée installée dans le véhicule. 

Est-ce encouragé d’avoir des caméras de surveillance à domicile également ? 
Oui, l’usage de la technologie a un effet dissuasif. Mais il y a des cas où certains se plaignent que leurs voisins les épient à travers leur caméra. Il y a des règlements à respecter en ce qui concerne le placement de ces appareils de surveillance.

Il faut noter que les suspects sont présumés « innocents » jusqu’à ce qu’ils aient plaidé coupables ou que leur culpabilité soit établie par une cour de justice. Leurs droits constitutionnels doivent donc être respectés. Ainsi, il faut être très prudent en ce qui concerne les images qui sont diffusées sur les réseaux sociaux.

Qu’est-ce qui a été fait pour prévenir les cas de vol dans les quartiers ? 
La mise en place des réseaux de surveillance du voisinage (Neighbourhood Watch) dans les différentes régions par la CPU vise à permettre aux résidents d’apprendre à se connaître pour prévenir les cas de vol et intercepter les suspects. Ils sont ainsi appelés à travailler en réseau et à communiquer entre eux toutes les activités suspectes ou louches et d’en informer la police. En aucun cas, nous ne demandons d’attraper et de molester le ou les suspects. 

La surveillance du voisinage fait partie des mesures proactives qui ont été prises non seulement après des vols, mais aussi dans les nouvelles zones d’habitations. Nous sensibilisons les résidents sur les mesures qu’ils peuvent prendre pour se protéger, dissuader les malfrats et comment contacter la police. Dans chaque poste de police, il y a un Neighbourhood Officer qui travaille en collaboration avec la CPU, ce qui facilite la communication. Si nécessaire, il y a davantage de patrouilles policières. 

C’est souvent l’insouciance des voisins qui donne le champ libre aux malfrats pour opérer. L’indifférence des uns fait le bonheur des autres. Les voleurs arrivent rapidement à remarquer les quartiers où il y a une entente entre les voisins et où une surveillance a été mise en place. Et, arrivé le moment opportun, ils passent à l’action.

La police se dissocie entièrement de ces actes ‘d’agressions’ filmés et diffusés sur les réseaux sociaux»

Dans les récents cas de vol, il y a eu celui des fruits à pain et des concombres, par exemple. Qu’est-ce qui est prévu par rapport au recel des produits volés ? 
Il est assez difficile d’affirmer que les fruits et légumes vendus sur le chemin découlent d’un vol. Il faut avoir des preuves. Il faut que le cas soit rapporté et qu’on arrive à faire la traçabilité. Mais il y a des règlements pour interdire les marchands de rue. 

En ce qui concerne les outils informatiques, les téléphones portables ou autres, il faut exercer la plus grande prudence si on ne connaît pas leur provenance. Mais nous notons que parfois, l’utilisation ostensible de certains objets entraîne leur vol, comme les bijoux ou les téléphones portables. En les mettant à la vue, ils deviennent des proies qui attirent les malfrats qui peuvent profiter de la moindre occasion pour les dérober. 

Il faut aussi savoir que les receleurs encourent les mêmes peines qu’un voleur, avec des peines d’emprisonnement. La police demande ainsi la collaboration des bijoutiers pour bien vérifier la provenance des bijoux qui leur sont présentés avant de les acheter.

Dans un communiqué, l’ONG Dis-Moi, qui milite pour les droits humains, allègue que des actes de lynchage se sont déroulés en présence de la police…
Nous ne disposons pas d’informations selon lesquelles des officiers de police ne seraient pas intervenus dans un des actes de lynchage et que l’action s’est déroulée en leur présence. La police se dissocie entièrement de ces actes « d’agressions » filmés et diffusés sur les réseaux sociaux. 

Parmi les vidéos qui ont circulé, la police est intervenue immédiatement une fois sur place et n’a, en aucun cas, laissé faire. La police ne tolère pas la violence sur qui que ce soit. Nous demandons au public d’éviter de se faire justice lui-même. Nous sommes dans un État de droit et chacun a son rôle à jouer. La police demande la collaboration pour dénoncer les actes de criminalité. Personne n’est exempt de poursuites pénales.

La police sur la brèche

Au début de l’année 2022, le commissaire de police (CP) Anil Kumar Dip avait lancé le plan stratégique 2022-2025, comprenant toutes les directives concernant la sécurité. Cette année, le Force Policing Plan a été émis par le CP avec des directives claires visant à renforcer davantage les effectifs déployés sur le terrain. 

« Nous cherchons également à trouver des stratégies appropriées pour contrer la criminalité dans sa globalité : vol, agressions, homicides, trafic de drogue, ainsi que les accidents de la route, qui sont préoccupants et nous interpellent », précise l’inspecteur Shiva Coothen. Les Divisional Commanders sont appelés à utiliser tous les effectifs de manière efficace et efficiente.

« Nous mettons également beaucoup l’accent sur les informations que nous recueillons sur le terrain et que nous analysons, ce qui nous permet d’élucider certains délits. Des actions ont été menées dans le cas du trafic de drogue, où la police est intervenue avant la fuite des suspects. Les saisies de drogue récentes étaient basées sur ce que nous appelons l’Intelligence policing, qui se fait en collaboration avec les différentes unités de la force policière », ajoute-t-il.

CRIMINAL CODE ACT 1838

240. Manslaughter and wounds and blows under provocation

Le meurtre ainsi que les blessures et les coups sont excusables, autant qu’il est déterminé ci-après, s’ils ont été provoqués par des coups ou violences graves envers les personnes.

241. Manslaughter and wounds and blows in defence of property by day

(1) Les crimes et délits mentionnés à l’article 240 sont également excusables, s’ils ont été commis en repoussant pendant le jour, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d’une maison ou d’un appartement habité, ou de leurs dépendances.

2) Si le fait est arrivé pendant la nuit, ce cas est réglé par l’article 247.

247. Interpretation of ‘self defence’

Sont compris dans les cas de nécessité actuelle de défense, les cas suivants –

(a) si l’homicide a été commis, si les blessures ont été faites, ou si les coups ont été portés en repoussant, pendant la nuit, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances ;

(b) si le fait a eu lieu en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillage exécutés avec violence. 

THE DISTRICT AND INTERMEDIATE COURTS (CRIMINAL JURISDICTION) ACT 1888

16. Arrestation par un particulier

Une personne qui voit un crime commis ou tenté d’être commis ou une blessure dangereuse donnée, peut, sans mandat, arrêter l’auteur de l’infraction.

17. Personne trouvée en train de voler

Lorsqu’une personne est trouvée en train de commettre un vol ou de prendre, d’obtenir, de convertir ou de recevoir frauduleusement, ou de blesser malicieusement un bien, alors que ce délit serait passible d’une peine d’emprisonnement, elle peut être immédiatement, ou sur nouvelle poursuite, appréhendée sans mandat par tout officier ou par le propriétaire du bien sur lequel ou à propos duquel le délit est commis, ou par son serviteur ou toute personne autorisée par lui, et immédiatement conduite devant le magistrat pour être traitée conformément à la loi.

18. La personne à qui un bien est offert peut être arrêtée

(1) Lorsqu’un bien est offert en gage, échangé, vendu ou livré à une personne, si la partie qui l’offre n’est pas en mesure ou refuse de rendre compte de manière satisfaisante d’elle-même ou des moyens par lesquels elle est entrée en possession de ce bien, ou si la personne à qui le bien est offert a tout autre motif raisonnable de soupçonner que ce bien a été volé ou obtenu d’une autre manière par le biais d’un crime ou d’un délit, cette personne peut appréhender et conduire immédiatement devant le magistrat la partie qui offre ce bien ainsi que ce bien, ou la personne ou ses serviteurs ou agents à qui ce bien est ainsi offert, ou la personne ou ses serviteurs ou agents à qui ce bien est ainsi offert peuvent être arrêtés, cette personne peut appréhender et conduire immédiatement devant le magistrat la partie qui offre ces biens ainsi que ces biens, ou elle-même ou ses serviteurs ou agents, à qui ces biens sont ainsi offerts, peuvent saisir et détenir la partie qui offre ces biens ainsi que les biens, et remettre cette partie dès que possible à la garde d’un officier, qui conduira immédiatement cette personne et les biens devant le magistrat et, dans les deux cas, cette partie sera et pourra être poursuivie de la manière prescrite.

(2) Si le bien ainsi transporté, ou saisi et détenu, apparaît par la suite comme étant la propriété de la personne qui l’a offert en gage, échangé, vendu ou livré, ou qui a été autorisée par le propriétaire à le mettre en gage, à l’échanger, à le vendre ou à le livrer, la personne qui a appréhendé, saisi ou détenu la partie qui a offert le bien est indemnisée pour avoir agi de la sorte.

 

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