Leurs priorités pour le pays en 2023

Le Nouvel an pointe à l’horizon. L’heure est à la réflexion. Face aux défis actuels et à venir, des citoyens dressent un bilan. Et partagent ce qui, pour eux, est la priorité. Le Dimanche/L’Hebdo leur donne la parole.   

Faizal Jeerooburkhan, observateur politique et membre de Think Mauritius : «Améliorer la qualité de vie»

« La priorité doit être l’amélioration de la qualité de vie des citoyens, surtout de la classe moyenne et des moins fortunés. Pour y arriver, il faut des décisions politiques courageuses. 

Il faut d’abord consolider l’économie en adoptant des mesures rigoureuses : privilégier le développement innovant, productif et durable, se focaliser sur l’économie bleue, l’économie circulaire et les nouvelles technologies,  contrôler l’inflation, réduire la dette publique, diminuer nos importations et augmenter nos exportations, stopper la fuite des cerveaux, améliorer l’indépendance et l’efficacité de nos institutions financières en combattant la politisation, la corruption, le népotisme, le gaspillage, l’opacité, l’impunité entre autres, et assurer la sécurité alimentaire et énergétique.  

Sur le plan social, il faut augmenter le pouvoir d’achat des familles en difficulté, combattre le chômage, s’attaquer frontalement aux problèmes de la pauvreté, de la drogue, de l’insécurité, des accidents de la route et du vieillissement de la population, assurer le partage équitable de la richesse et l’inclusion, revoir le système éducatif dans son ensemble pour la formation de citoyens productifs, intègres et patriotes.

Sur le plan environnemental, il faut s’attaquer en priorité aux risques dus au changement climatique, privilégier le captage d’eau de nos rivières et de nos nappes phréatiques et le recyclage de nos déchets, lutter contre l’érosion des plages, l’abattage injustifié des arbres et préserver nos patrimoines naturels, historiques et architecturaux. »

Shaama Sandooyea, activiste pour le climat et biologiste marine :  « L’abandon des projets de loi dévastateurs pour l’environnement »

« L’urgence écologique ne fait qu’empirer. La décennie 2021-2030 est cruciale pour l’avenir de la vie sur Terre. À Maurice, le gouvernement et le secteur privé doivent cesser de détruire l’environnement. Le gouvernement doit abandonner les projets de loi qui sont dévastateurs pour l’environnement et le climat (Offshore Petroleum Bill ou un potentiel Seabed Mining Bill cherchant à exploiter les ressources minières des fonds marins). Les axes qui devront être privilégiés sont la protection et la restauration des écosystèmes naturels, la préservation de la biodiversité, la gestion des ressources en eau et la valorisation ou revalorisation des déchets. La COP27 a permis la création de fonds climatiques qui seront dirigés vers les pays du Sud, mais il est crucial que ceux-ci soient utilisés à bon escient. À quelques semaines de 2023, un nouveau deal a été voté, favorisant la protection de 30 % des terres et des mers et la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés d’ici 2030. C’est déterminant pour l’avenir de la biodiversité, mais cet outil ne doit pas être utilisé pour privatiser les espaces naturels. Il faut espérer qu’en 2023, nous aurons (enfin) un projet de loi international qui protégera 30 % des hautes mers des industries destructrices. »

Davina Ittoo, auteure et chargée de cours à l’Open University : « Promouvoir la culture,  la lecture afin d’enclencher la capacité de réflexion » 

« J’avoue que je suis attristée par l’absence d’une véritable conscience écologique dans le pays. Sans vouloir tomber dans le catastrophisme, je trouve que le lien à la terre, aux arbres, aux mille beautés et miracles de la nature se dissout au profit d’une course vers les choses matérielles. Bien sûr, le confort est une chose essentielle à notre bien-être, mais on paye un prix très fort, trop fort pour l’obtenir. Je constate une déforestation massive à plusieurs endroits de l’île, ce qui entraînera forcément des conséquences néfastes dans la durée. Voir l’émergence de tant de centres commerciaux et la consommation frénétique qui s’ensuit est une chose pénible pour n’importe quel être humain capable de réfléchir sérieusement sur l’avenir des enfants de ce pays. Je pense que les Mauriciens devraient recentrer leur attention sur l’être au lieu du paraître. Le besoin de s’adonner à l’étalage constant des richesses matérielles connote, le plus souvent, un profond malaise intérieur, un vide à combler. Une autre priorité absolue serait de promouvoir la culture, la lecture afin d’enclencher la capacité de réflexion et d’analyse. Sans cela, nous assisterons impuissants à l’atrophie des cerveaux. Tout cela mènerait à un peuple amorphe, sans esprit critique, doté d’une arrogance démesurée, triste résultat d’une profonde ignorance. » 

Yuv Sungkur, activiste pour le climat : « Intégrer le changement climatique dans notre mode de vie »

« J’aimerais que 2023 soit une année où l’île Maurice exploite son potentiel. Notre île est si belle, notre culture est vibrante, notre histoire est irremplaçable, notre nourriture est délicieuse, notre faune et notre flore sont uniques, et notre océan est un trésor national. Pourtant, aujourd’hui, la beauté de notre île est menacée. En tant que petit État insulaire, nous sommes l’un des pays les plus vulnérables au changement climatique, et pourtant, nous n’avons pas participé à la pollution de notre planète. La bonne nouvelle, c’est que nous avons les outils pour protéger notre île. L’île Maurice a le potentiel pour devenir un leader en matière de combat contre le changement climatique. Mais en cette fin d’année 2022, soyons honnêtes : nous sommes toujours aveugles au fait que le changement climatique aura un impact disproportionné sur nous. Nous devons changer cela. Cet effort ne concerne pas seulement le gouvernement, il concerne notre vision du changement climatique en tant que société. Nous devons être capables d’intégrer le changement climatique dans nos processus de pensée et notre mode de vie. »

Zain Elaheebucus, 23 ans, de Port-Louis : « Rehausser la croissance économique et contrer les effets de l’inflation »

« Dans le sillage de la crise de la Covid-19 en 2020, plusieurs secteurs ont peiné à se remettre sur les rails. L’objectif pour 2023 devrait être principalement la croissance économique et rabaisser le taux d’inflation. Les prix des produits de première nécessité ont connu une hausse sans précédent, forçant les consommateurs à dépenser davantage, ce qui a entraîné une augmentation de la pauvreté. La roupie mauricienne s’est dépréciée de 17 %, contribuant de manière significative à l’inflation. Et comme nous sommes un pays qui dépend largement des produits importés, les prix ont augmenté, par exemple le lait, l’huile et le fromage. Cela conduit à une crise sociale, dont l’augmentation de la criminalité et les pertes d’emplois. Améliorer la situation économique aidera à contrer l’inflation élevée et stabiliser la roupie mauricienne. La dette publique est un autre problème. C’est le prix fort que devront payer les générations futures. »  

Bindya Bheenick, Goodwill ambassador de la Rainbow Foundation : « Le Disability Rights Bill pour garantir les droits des personnes handicapées »

« Pour moi, la priorité est le Disability Rights Bill. Malgré les difficultés, j’ai pu atteindre mes objectifs et me faire une place dans la société. Ce projet de loi apportera des changements importants dans les domaines où la société ne parvient pas à nous offrir des opportunités équitables. Le projet de loi va promouvoir, protéger et réaliser l’égalité de jouissance des droits de l’homme, l’accès à l’environnement physique, aux transports, aux produits, à l’éducation et aux équipements pour permettre aux personnes porteuses d’un handicap de vivre de manière indépendante et de participer pleinement et de manière égale à tous les aspects de la vie. La législation existante en matière de handicap n’est ni complète ni fondée sur les droits. Elle doit être modifiée afin de fournir au pays un cadre indispensable pour garantir les droits civils, politiques, socio-économiques et culturels des personnes handicapées. » 

Sheldon Samoo, 24 ans, d’Albion : « Réinventer le secteur touristique et encourager la production locale »

« 2023 sera une année de relance pour tous les Mauriciens. Après plus de six mois de restrictions sanitaires en 2022, notre économie a été sévèrement affectée. Je pense sincèrement qu’en 2023, on devra rebâtir notre économie. Il est temps de réinventer le secteur touristique à Maurice pour pouvoir non seulement attirer un maximum de touristes, mais parallèlement augmenter l’entrée de devises. Avec la dépréciation de la roupie et la hausse de prix des denrées alimentaires du panier ménager, une autre priorité pour 2023 serait de contrôler l’inflation en mettant l’accent sur la production locale. Il faut proposer des mesures incitatives aux producteurs locaux et promouvoir les produits faits localement. 2023 sera une année où les gens devront essayer de rattraper le temps perdu en raison de la Covid, travailler plus dur et éviter les dépenses superflues pour esquiver une récession. »

Rowin Arnachellum, élu du village d’Albion : « Une amélioration du service de santé publique »

« La priorité pour 2023 est de travailler à un retour à la vie comme à la période pré-Covid. Ce, tout en tirant des leçons de notre expérience de la pandémie, notamment en axant la priorité sur une amélioration du service de santé publique avec des hôpitaux mieux équipés et un personnel soignant mieux formé. Par ailleurs, en marge de l’approche de la période cyclonique, il faut continuer à investir dans la construction de systèmes de canalisation dans les régions les plus susceptibles d’être touchées par les inondations. Et, dernièrement, la jeunesse mauricienne doit miser sur le sport pour rester en bonne santé. La Coupe du monde, plus précisément la finale, a été un événement catalyseur démontrant l’exceptionnalisme du sport roi. Pourquoi ne pas aspirer à faire flotter notre quadricolore lors d’une Coupe du monde ? »

Yaadav Damree, élu du village de Laventure : « Améliorer la relation entre les policiers et les hommes de loi »

« On ne peut nier que le pays a besoin de réformes importantes dans divers secteurs. Il existe une perception selon laquelle de nombreuses institutions publiques ne fonctionnent pas de manière éthique et nous assistons à une augmentation des scandales dans la société. Il est impératif que des mesures juridiques adéquates soient adoptées, ainsi qu’un code d’éthique pour encourager une meilleure gouvernance d’entreprise. En ce qui concerne le judiciaire, il est nécessaire de rénover quelques tribunaux de district et une partie de la cour intermédiaire. La mise en œuvre de la numérisation du système judiciaire doit être accélérée. Cette année, nous avons également assisté à des conflits entre des officiers de police et des avocats. Une priorité en 2023 est d’améliorer les relations entre les forces de police et les avocats afin d’apporter plus de stabilité à la société. » 

Karuna Veerapen-Goinden, cofondatrice de Kotpiale : « Autonomiser davantage la jeunesse mauricienne et les femmes » 

« La priorité pour 2023 serait d’autonomiser la jeunesse mauricienne et les femmes en leur offrant des opportunités pour permettre une meilleure culture d’entreprise. Sans oublier l’aspect environnemental, en étant consciencieux de notre empreinte carbone pour ne pas être un pays en surconsommation. Pour ce faire, l’accent doit être mis sur le recyclage et le savoir-faire mauricien. J’espère que l’année 2023 sera meilleure en comparaison aux deux années précédentes marquées par la pandémie. Prospérité aux entreprises locales ! »