Cycle menstruel, période d’ovulation, serviettes hygiéniques…Ces phénomènes féminins recouvrent une part de mystère pour la gent masculine. En cette Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, nous avons demandé l’avis des hommes sur la question.
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«Les Anglais débarquent », « Dame nature nous rend visite » ou dans notre jargon typiquement mauricien « mo pe gagne malad madam », ces expressions utilisées par les femmes au sujet des règles montrent que quelque part le sujet est encore tabou dans notre société. Si les femmes sont moins réticentes de parler de leur cycle menstruel entre elles, chez les hommes, le sujet même s’il n’est pas aussi tabou qu’autrefois, l’option choisie est souvent de ne pas en parler.
Dans le cadre de la Journée Mondiale de l’hygiène menstruelle, observée en ce mardi 28 mai, nous avons posé la question qui fâche ou qui fait tout simplement rougir aux hommes : que savez-vous sur les règles? Pourquoi éviter à en parler ? Tabou ou pas tabou ? Décryptage.
Andy Kylasopathan, 38 ans : «Tout est une question d’éducation»
Les hommes et les femmes naissent égaux mais sont très différents l’un de l’autre. Le corps de la femme fonctionnant différemment à celui des hommes, il est difficile d’avoir une compréhension complète sur certains aspects de son fonctionnement dont les cycles menstruels. Face à une incompréhension ou parfois à un manque d’informations, le sujet demeure tabou. C’est en effet le consta t de Andy Kylasopathan. Ce dernier estime que le manque d’informations sur les cycles menstruels perdure le mystère pour les hommes. « Les classes d’éducation sexuelle sont très importantes. Elles serviront à renverser les tabous. Les règles n’ont rien de malsain. Il s’agit d’un processus naturel et les hommes doivent le savoir à un plus jeune âge. J’ai vécu dans une culture européenne et la différence est flagrante. En Europe, le cycle menstruel n’est pas un sujet tabou. On en parle ouvertement et même aux garçons. Nous vivons dans une société en pleine évolution et les jeunes sont sexuellement actives. Il est impératif d’intégrer l’éducation sexuelle dans le cursus scolaire », explique-t-il. Notre interlocuteur ajoute que le cycle menstruel n’est pas le seul aspect de la sexualité féminine qu’il faut faire connaître. À Maurice, les gens hésitent toujours de parler ouvertement de grossesses précoces, de contraception et du fonctionnement anatomique. Cela doit cesser si nous souhaitons devenir un pays développé.
Yoven Chinasamban, 30 ans : «Les hommes doivent faire preuve de compréhension»
Si pour certains hommes, le cycle menstruel est un véritable mystère, pour d’autres qui ont bénéficié d’une meilleure exposition sur le sujet, il s’agit sans plus ni moins d’un processus naturel. Toutefois, ils sont d’accord sur un point que les femmes doivent avoir le soutien des hommes pendant leurs cycles menstruels. Tel est l’avis de Yoven Chinasamban. Ce dernier soutient que les hommes doivent faire preuve de compréhension envers les femmes. «Ne pas comprendre quelque chose ne nous donne pas le droit de juger ou de se créer des histoires. Les règles font partie de la vie des femmes. Comme hommes et femmes sont appelés à vivre ensemble, la compréhension est importante. Les cycles menstruels concernent tout le monde car nous avons tous des mères, des sœurs, des tantes ou des amies qui en sont concernées. Je ne vois pas pourquoi dans certaines sociétés, on se fait toute une histoire sur quelque chose aussi naturelle. Pourquoi on n’invente pas des théories sur les autres facettes de la vie? Pourquoi les règles?», fait valoir le jeune homme. Il explique que les hommes doivent sortir de leur zone de confort pour apprendre à connaitre son prochain. « Je ne vois aucun mal à soutenir ma mère, ma sœur ou ma copine quand elles ont leurs règles. Cela ne me rend pas moins homme. Il faut grandir et sortir de l’ombre. »
Abhishek Mangar, 22 ans : «Il faut changer les mentalités»
Pour Abhishek Mangar, les règles ne doivent pas être considérées comme un phénomène surnaturel. Le jeune homme soutient que les parents ont un rôle important à jouer dans l’éducation de leurs enfants. Surtout en ce qu’il s’agit d’éducation sexuelle. « Le cycle menstruel n’est pas un sujet que les parents évoquent tous les jours avec leurs enfants. J’ai appris le fonctionnement anatomique à l’école et ma soif d’apprendre et de comprendre les choses de la vie m’a permis d’ouvrir les yeux sur plusieurs aspects. Par ailleurs, quand je suis en couple, je fais de mon mieux pour être à l’écoute de ma copine quand elle a ses règles. Même si certains de mes amis vivent mal cette période, pour moi, la femme a besoin de soutien», fait comprendre le jeune homme.
La société patriarcale dans laquelle nous vivons fait que les femmes sont généralement reléguées au second plan. Leur état de santé et les choses qui concernent uniquement la gent féminine sont souvent de très peu d’intérêt pour certains hommes. Or, cette situation doit changer, soutient Abhishek Mangar. « Le sujet est toujours tabou pour certains hommes surtout ceux des générations précédentes. Les règles ne sont pas leur centre d’intérêt. Ils préfèrent de ne pas en parler. Les femmes ont leur petite affaire et basta ! Pas la peine d’en faire toute une histoire. Mais je suis d’avis qu’avec cette attitude, nous n’allons jamais évoluer en matière de mentalité. Manquer d’information sur un sujet aussi normal et naturel est contraire avec nos objectifs de faire de Maurice, un pays moderne», affirme-t-il.
Les règles : entre superstitions et idées reçues
En moyenne, une femme a ses règles 5 jours par mois, 75 jours par an durant 40 ans soit environ 2400 jours – 6 ans et demi de vie ! Dans plusieurs sociétés à travers le monde, les règles ont toujours été à la base des superstitions ou des croyances scientifiques nées de l’obscurantisme. Par exemple, les médecins grecs de l’Antiquité pensaient que les règles étaient un processus de purgation pour les femmes. Par ailleurs, dans certaines cultures, la femme doit se tenir en retrait pendant ses règles car elle est considérée comme impure. On parle également de la mauvaise humeur des femmes pendant leurs règles. Une école de pensée qui a engendré plusieurs discriminations au fil des années. Par ailleurs, la sexualité et les règles étant considérées comme incompatibles, dans certaines cultures, aucune activité sexuelle n’est permise pendant cette période. Avec l’évolution de la science, les superstitions et les idées reçues sur les règles perdent de leur intensité.
Stewelderson Casimir, membre du Ripple Project : «Les femmes rencontrent beaucoup de difficultés au niveau financier»
Selon vous, les hommes considèrent les règles comme un sujet tabou, comme quelque chose de sale ou ils s’en moquent ?
Selon moi, ce sont les trois à la fois. Personnellement, c’est tout à fait naturel pour une femme d’avoir ses règles. Il est impensable de considérer ce sang comme étant sale ou dégoûtant. Si je fais ça je vais imposer une double douleur à la femme. Déjà qu’en saignant elle souffre, pourquoi lui imposer une douleur morale en la dégradant à cause de ses règles ? J’ai vu des hommes mal réagir en voyant les vêtements tâchés d’une femme. Beaucoup n’osent pas en parler autour d’eux. Pire encore, je vois souvent des boutiquiers emballer des sachets de serviettes hygiéniques dans du papier journal par honte. Nous ne nous rendons pas compte que ces petites actions renforcent les fausses idées sur et alimentent le tabou. D’ailleurs, on me demande souvent pourquoi je m’étais associé au Ripple Project étant un homme.
Quelle est votre analyse de la situation à Maurice ?
À Maurice, la situation concernant les menstruations est alarmante. Les gens ne parlent pas beaucoup des règles. Même les jeunes filles qui ont leurs règles pour la première fois ne savent pas ce qui les arrive. Pourtant on est bien au 21e siècle ! Les parents ne sont pas ouverts sur le sujet avec leur fille encore moins avec leur fils. Je pense qu’il est important pour que la fille ainsi que le fils aient les bonnes informations à ce sujet car ils seront la génération de demain. Avec une bonne maîtrise du sujet, le garçon devenu adulte peut facilement expliquer à ses progénitures. Il faut changer de mentalité et ce travail commence à la maison. Petit à petit, les choses vont changer et le tabou se dispersera.
Quelles sont les difficultés que rencontrent les Mauriciennes par rapport aux règles ?
Les femmes rencontrent beaucoup de difficultés au niveau financier quand il s’agit des règles. Déjà par mois une femme en moyenne a besoin de deux paquets de serviette hygiénique. Le prix approximatif pour un paquet est à Rs 40. Donc par mois elle a besoin de Rs 80 minimum pour des protections hygiéniques. En un an ça fait Rs 960. En une vie, parce que la femme aura ses règles pendant au moins la moitié de sa vie, ça fait à peu près Rs 38 400. Maintenant pensons à ces femmes SDF ou dans le besoins. Comment font-elles ? Si à la base elles n’ont pas de sous pour manger comment se munir de serviette hygiénique ? Ainsi vient le concept de «period poverty», c’est à dire la pauvreté liée à l’hygiène féminine. À l’étranger, dans les écoles, les serviettes sont gratuites mais à Maurice ce n’est pas le cas. La femme n’a pas demandé à avoir ses règles c’est un cycle naturel alors pourquoi se faire du profit sur la tête des femmes ?
Parlez-nous du Ripple Project ?
Le Ripple Project est un mouvement mis en place en 2016 par Djemillah Mourade Peerbux, journaliste media. « The Ripple Project » se veut être une main tendue aux femmes dans le besoin. Chaque action compte. C’est notre conviction. Notre but c’est de trouver des produits hygiéniques pour les femmes dans le besoin. Cette idée est venue lors d’une rencontre avec la responsable d’une association qui milite pour le bien-être des femmes sans domicile fixe.
Dans un premier temps, nous avons fait un don de vêtements et de vivres mais, par la suite, l’idée de les soutenir avec des produits hygiéniques a germé parce que ce n’est pas évident pour elles de s’acheter du shampooing, des déodorants et des serviettes hygiéniques. Et c’est à partir de ce moment que «The Ripple Project» s’est fixé une mission de soutenir les femmes dans le besoin.
Nous avons eu un très bon retour du public. Les gens nous ont donné de nombreux produits, incluant des shampooings, savons, déodorants, serviettes hygiéniques et brosses à dents, entre autres. Nous étions alors prêts à faire notre première distribution. De fil en aiguille, les gens ont commencé à s’intéresser à notre combat. Nous avons été approchés par de nombreuses personnes dont les membres du World Health Innovation Summit.
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