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Leela Devi Dookun-Luchoomun : «Un manque d’enseignants pour seulement quelques matières» 

Dans un entretien exclusif accordé au Défi Plus, la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, aborde les problématiques au sein de l’éducation nationale et les mesures adoptées. Elle concède qu’il y a eu un manque d’enseignants cette année pour seulement « quelques matières », tout en expliquant les actions prises pour pallier le problème. 

Où en est-on avec la réforme éducative que vous avez enclenchée ? 
Je crois que c’est clair que la réforme a pris son envol. On a travaillé très dur depuis 2016. Là, il y a tellement de changements dans nos écoles qu’on peut voir les résultats concrets des mesures que nous avons prises.

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Qu’en est-il du primaire ? 
Au primaire, nous pouvons voir des enfants qui vont à l’école heureux. Il y a eu des changements dans le programme d’études, notamment l’introduction de l’éducation holistique. Tous les enfants participent désormais à des activités telles que le « movement education » et le dessin, ce qui contribue à leur épanouissement. 

Sans compter le fait qu’ils apprennent à nager, ce qui est formidable puisque nous vivons sur une île et que c’est important qu’ils sachent nager. Nous avons également recruté des Library Officers, des Holistic Teachers et des Support Teachers, des postes cruciaux pour garantir que chaque enfant bénéficie d’un soutien adéquat et pour qu’aucun ne soit laissé de côté. Avec la collaboration des Support Teachers, nous cherchons à réduire le taux d’échec à la fin du cycle primaire. 

Nous avons également introduit le programme axé sur les « communication skills », permettant aux enfants de s’exprimer correctement en anglais, en français ou dans des langues orientales. Je suis émerveillée de constater, lors de mes visites dans les écoles, que des enfants s’expriment correctement lorsqu’ils sont sur scène ou en classe. 

Le programme d’études a été revu pour garantir une éducation adaptée à chaque enfant. Nous permettons aux jeunes apprenants d’acquérir des compétences sociales telles que le savoir-être, le savoir-vivre et le vivre-ensemble, des aspects fondamentaux pour notre pays. 

En collaboration avec les maîtres d’école, nous avons réussi à mettre en place un système de travail conjoint. Ils travaillent en groupes dans des clusters régionaux, où ils partagent avec leurs enseignants respectifs les connaissances qu’ils ont acquises lors de séminaires et d’ateliers. 

Deux fois par trimestre, ils se réunissent pendant deux jours pour collaborer et échanger leurs expériences. En outre, les enseignants disposent de plateformes qui favorisent la collaboration et la diffusion des meilleures pratiques entre pairs. 

Le secondaire n’est pas en reste ? 
Au niveau du cycle secondaire, nous avons lancé le Student Support Programme, qui s’est avéré d’une grande utilité pendant la pandémie. L’introduction des cours en ligne nous a quelque peu bousculés, mais nous avons travaillé activement pour proposer une formation en ligne aux enseignants. 

Pour l’année prochaine, nous lançons une nouvelle filière au niveau secondaire : le Technology Education Stream (TES). Elle est destinée aux Grades 10 et 11. Nous offrirons trois filières : Health and Hospitality, Engineering Technology et Computer Technology and Innovation, ainsi que les Core Subjects. 

Ces jeunes pourront ensuite poursuivre leurs études vers le Higher School Certificate (HSC) dans nos collèges et ultérieurement vers l’enseignement supérieur. Le projet pilote sera déployé dans 10 collèges à partir de janvier 2024, avec pour objectif de créer des opportunités d’enseignement supérieur accessibles à tous les élèves. 

Quels sont les principaux objectifs de cette réforme et comment espérez-vous qu’ils amélioreront le système éducatif ? 
Les principaux objectifs de cette réforme sont centrés sur l’inclusion, l’équité et la qualité de l’éducation. Nous avons créé divers « pathways » pour permettre aux jeunes de choisir la filière d’études qui correspond le mieux à leurs intérêts et à leurs aptitudes. Tout cela vise à garantir que chacun d’eux puisse poursuivre son éducation pour au final contribuer positivement au développement du pays, car ils ont un rôle à jouer. 

La gratuité au niveau préscolaire est d’actualité. Pouvez-vous nous parler de son impact sur l’accès à l’éducation ? 
La gratuité au préscolaire a un impact significatif sur l’accès à l’éducation. Les statistiques révèlent que de nombreux élèves échouent à la fin du cycle primaire, ce qui soulève des questions sur les raisons derrière cet échec. Une analyse des données sur plusieurs années montre que c’est souvent lié au fait qu’ils n’ont pas eu accès à une éducation préscolaire de qualité. 

Bien que le taux d’inscription à la maternelle soit élevé, en l’occurrence 98 %, la qualité de l’enseignement préscolaire varie d’une école à une autre. 

Le gouvernement a introduit la gratuité au préscolaire pour offrir à tous les enfants un départ équitable dans leur parcours éducatif. Cela signifie qu’ils auront accès à une éducation de qualité et à des ressources d’apprentissage appropriées. Le projet vise à soutenir les petites écoles et à fournir une formation continue au personnel enseignant et non enseignant en s’appuyant sur un système équitable et évolutif.

Comment la gratuité au préscolaire peut-elle contribuer à prévenir les échecs au cycle primaire ? 
L’objectif de la gratuité au préscolaire est de garantir un départ solide à tous les enfants. En renforçant les bases éducatives dès le préscolaire, nous visons à réduire les taux d’échec. En fournissant un soutien supplémentaire aux enseignants pour aider les élèves en difficulté, les résultats pourront s’améliorer au fil du temps. Des mesures sont en place pour identifier les élèves en difficulté dès les classes de Grade 4 et 5, afin de les accompagner et de les remettre sur la bonne voie avec l’aide des Support Teachers. 

Certains directeurs d’écoles préscolaires estiment que les « annual operational costs » ne suffisent pas. Allez-vous reconsidérer votre décision à ce sujet ? 
Au cours de nos discussions avec les managers d’écoles lors d’ateliers de travail, certains nous ont déjà demandé des formulaires pour s’inscrire au programme. Nous sommes ouverts à l’amélioration. Notre priorité est de garantir que les enfants reçoivent une éducation de qualité. Bien que certaines écoles puissent choisir de ne pas participer, nous anticipons que de nombreuses autres adhéreront au système. 

Les élèves de l’Extended Programme prendront encore part, cette année, aux mêmes épreuves du National Certificate of Education (NCE). Quelles sont les mesures prises par votre ministère pour que les résultats ne soient pas aussi catastrophiques que ceux de l’an dernier ? 
Lorsqu’on parle de résultats terribles, il est important de faire ressortir que jamais dans le passé on n’a essayé de voir ce qui s’est passé avec les élèves du « prevoc ». Là, ce que nous faisons, c’est de suivre les élèves. Nous sommes conscients que certains rencontrent d’extrêmes difficultés et n’ont pas reçu le soutien voulu. 

Je suis la première à reconnaître que pendant la pandémie, on n’a pas pu leur offrir le soutien que nous avions l’intention de leur donner. Avec l’Extended Programme, un élève qui n’a pas réussi au Primary School Achievement Certificate (PSAC) entre dans le cycle secondaire. 

Après trois ou quatre ans, ces élèves peuvent ne pas avoir obtenu le NCE, mais ils ont eu l’occasion de grandir, de comprendre et d’apprendre des connaissances essentielles. Des recherches ont démontré que ce n’est pas bon de pousser un enfant dès l’âge de 10 ou 11 ans vers la formation technique directement. Nous voulons préparer les jeunes qui sortent du Grade 9 + à accéder à une formation de qualité. Nous oublions que lors des derniers examens, 71 élèves ont intégré le mainstream. Il s’agit de ceux que nous avons pu récupérer. 

Certains élèves de l’Extended Programme et du mainstream ont des difficultés à s’intégrer dans le même établissement secondaire. Comment votre ministère gère-t-il cette situation ? 
L’adolescence est une période difficile. Il est important de reconnaître que certains élèves peuvent avoir des comportements problématiques. Tous les acteurs, y compris les parents, les enseignants et les camarades de classe, jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement de ces élèves. 

L’Extended Programme vise l’inclusion et l’équité. Le but est de fournir les ressources nécessaires pour que tous les élèves puissent se développer de manière positive. L’éducation ne se limite pas à l’obtention d’un certificat. Elle s’étend aussi à la préparation à la vie.

Vous avez annoncé, lors d’un point de presse, que deux comités avaient été mis en place afin de trouver des solutions pour les élèves de l’Extended Programme. Quelles en sont les retombées ? 
Les efforts pour améliorer l’Extended Programme se poursuivent. Cette année, nous avons ajusté les questionnaires pour qu’ils soient progressifs, de la simplicité à la complexité, à l’image des examens de Cambridge. L’objectif de cohérence est maintenu en collaboration avec le Mauritius Examinations Syndicate (MES). Pour l’année prochaine, le projet est de couvrir le même curriculum et de revoir le processus d’évaluation pour l’Extended Programme. 

Le manque d’enseignants depuis le début de l’année scolaire 2023, au primaire et au secondaire, est un problème majeur. Que comptez-vous faire pour qu’un tel scénario ne se reproduise pas en 2024 ? 
Il y a eu un manque d’enseignants pour seulement quelques matières. Nous avons recruté des Supply Teachers et nous avons demandé aux écoles de revoir leur « time table ». Pour l’année prochaine, le ministère de l’Éducation travaille en étroite collaboration avec le Mauritius Institute of Education (MIE) pour intensifier des cours de formation à l’intention des enseignants en PGCE afin de leur offrir une meilleure préparation. L’objectif est de garantir la qualité de l’éducation malgré les défis que nous pouvons rencontrer. 

Quel a été l’apport des éducateurs à la retraite cette année ? 
On a eu 52 éducateurs à la retraite. Après un processus de sélection, nous avons retenu ceux qui étaient les plus qualifiés et utiles pour répondre à nos besoins éducatifs. Leur expérience et leur expertise sont précieuses pour nos élèves et nos écoles. 

Le Kreol Morisien sera pour la première fois offert au niveau du School Certificate (SC) cette année. Peut-on connaître les mesures prises pour en assurer le bon déroulement ? 
Malgré les défis que nous avons rencontrés, nous avons réalisé un progrès significatif en introduisant le Kreol Morisien au niveau du SC. Le National Examinations Board est prêt à mener à bien ces examens. Nous travaillons activement pour offrir cette opportunité aux élèves tout en maintenant la qualité des examens. 

Cinq collèges privés n’offriront pas de cours en 2024. Où comptez-vous replacer les élèves, ainsi que le personnel enseignant et non enseignant ? 
Cette situation n’est pas nouvelle. Nous avons agi de manière responsable pour gérer cette transition. Par exemple, le Mauritius College fermera cette année à cause de problèmes de gestion persistants. Nous avons accordé à cet établissement le temps nécessaire pour améliorer sa situation. Malheureusement, les améliorations attendues n’ont pas été réalisées.

Les élèves, les enseignants et le personnel non enseignant seront replacés en fonction des régions et des besoins, tout en minimisant les perturbations pour l’apprentissage des élèves et en assurant une transition en douceur vers d’autres établissements. Notre priorité est de garantir une continuité éducative pour les élèves et de soutenir les membres du personnel touchés par ces changements.

La formation des enseignants est cruciale pour garantir une éducation de qualité. Quels sont les efforts déployés pour améliorer la formation initiale et continue des enseignants à Maurice ? 
Nous accordons une grande importance à la formation des enseignants. Des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années. En sus du MIE, nous avons créé l’Academy for Education Professional pour offrir une formation de qualité aux enseignants. 

Nous avons également fait appel à des personnes ressources, tant nationales qu’internationales, notamment du Canada et de l’Inde, pour contribuer à notre programme de formation. Environ 400 enseignants ont participé à des formations au niveau du SENA, à la fois à Maurice et à l’étranger. Nous cherchons à créer un environnement où le partage d’expérience est encouragé. Nous veillons à ce que nos enseignants soient bien préparés pour offrir une éducation de qualité à leurs élèves. 

Les cas de « bullying » dans nos écoles sont de plus en plus fréquents. Que fait le ministère pour aider les victimes et les agresseurs ? 
Notre ministère prend ce problème très au sérieux. Nous avons mis en place plusieurs programmes pour promouvoir le bien-être social et émotionnel des élèves. Notre équipe de conseillers en éducation nationale, composée de psychologues et de travailleurs sociaux, travaillent en étroite collaboration avec les élèves. 

Nous offrons aux victimes un soutien psychologique et nous les encourageons à développer leur résilience et leur confiance en elles. Pour les agresseurs, nous mettons en œuvre un suivi et nous les aidons à comprendre les conséquences de leurs actes. La communication et la sensibilisation sont essentielles dans notre approche. 

Allez-vous jusqu’à dire que nous avons davantage de cas qu’autrefois ? 
L’évolution que nous observons ne se limite pas à Maurice. C’est un phénomène mondial. Plusieurs facteurs y contribuent. Il ne faut pas oublier que les enfants ont beaucoup d’énergie et ils sont restés isolés, renfermés sur eux-mêmes, pendant la pandémie. Ce qui a eu un effet sur leur comportement. 

Les enfants ont de tout temps étaient difficiles pendant la période de l’adolescence. Le « bullying » est un phénomène nouveau. Chacun cherche à dominer l’autre. C’est essentiel de prévenir ce comportement et d’enseigner aux enfants à vivre ensemble et à respecter leur prochain. 

Dans toutes les écoles, nous avons instauré un Student Counselling Desk. Nous avons formé nos enseignants. D’ailleurs, le Premier ministre s’est rendu dans deux écoles pour parler aux jeunes. Il y a aussi un travail qui se fait par les psychologues. Il y en a une soixantaine postés dans les zones éducatives et lorsque nous avons des problèmes, nous les mobilisons. 

Quel message souhaitez-vous adresser aux élèves qui prendront part aux examens dans les prochaines semaines ? 
Je tiens à leur rappeler l’importance du dur labeur et de la préparation continue. À la fin de l’année, il est important de prendre du temps pour la révision et d’avoir confiance en soi. Il faut avoir confiance en soi et se dire que tout ne se joue pas le jour des examens. Il y a une préparation qui se fait tout au long de l’année. Il faut se préparer à l’avance. 

Un remaniement ministériel a eu lieu mercredi. En tant que numéro 3 du gouvernement, croyez-vous que le moment soit bien choisi ? 
Certainement. C’est toujours la prérogative du Premier ministre de faire un remaniement. Il a toujours de bonnes raisons de le faire. Il sait à quel moment il faut le faire et il l’a fait. Je crois que c’est une bonne décision.

 

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