À quelques années de l’Indépendance de Maurice, quel était l’état de notre chemin de fer ? Comment a-t-il contribué à établir la communication à travers le pays en touchant tous coins et recoins du pays ? Dans quelles circonstances a-t-il été préféré aux autobus ? Pour faire le point sur cette période, nous avons interrogé Rambassun Sewpal, architecte et urbaniste.
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Prem, 63 ans au compteur, bat le rappel de ses années d’enfance passées chez ses grands-parents rue Charles Lees, à Quatre-Bornes. « Tôt le matin, j’allais mettre un clou sur le rail, en attendant le passage du train. Puis je ramassais le clou qui ressemblait à une petite lame. »
À l’actuelle Promenade Bruneau – qui servira de voie ferrée au futur Metro Express -, passaient alors les derniers trains de l’île Maurice, pré-indépendante, qui convoyaient la canne à sucre, le tabac, le thé ou encore l’aloès. Le 31 mars 1956 marque la desserte du dernier train de passagers entre Port-Louis et Mahébourg.
Entre l’apparition du premier train vers 1860 et la démolition de la voie ferrée avec l'enlèvement des rails et la vente des wagons et locomotives, en 1960, le chemin de fer a participé activement à l’essor économique et social de Maurice, et de son urbanisation. Quatre-Bornes en est l’exemple flagrant. Des 290 habitants en 1881, sa population passe à 7 279. « Cette croissance démographique est le résultat direct de la desserte de cette ville par le train », explique Rambassun Sewpal.
Outre cette desserte, il faut ajouter l’épidémie de malaria qui pousse des habitants de Port-Louis à émigrer vers les hauts plateaux.
La carte de Maurice de cette époque montre aussi des régions qui ne sont pas couvertes par le chemin de fer. « Ce sont des régions éloignées des gares de train et privées de grandes artères, où les habitants se servent de charriots ou de vélos pour se déplacer. D’ailleurs, on note que leurs trajets n’ont pas de virages rectangulaires. » Pourquoi le train n’a-t-il pas pénétré ces régions ?
« Catalyseur d’activités économiques »
« Il existe une explication, fait observer notre interlocuteur. Il n’y avait pas de grandes exploitations de cannes à sucre dans ces régions-là. À voir de près, on comprend pourquoi les autobus feront plus tard, leur apparition dans ces régions. C'est parce que le train suivait une logique exclusivement économique. »
Dès leur mise en opération, les trains avaient deux objectifs : le transport des marchandises et celui des passagers. « Le train sera un véritable catalyseur pour les activités économiques d’abord, surtout dans les régions qu’il dessert, mais il répond aussi à d’autres activités en relation avec le social, la culture, l’alimentation, sans oublier les services publics, comme les hôpitaux de Candos et de Port-Louis », souligne Rambassun Sewpal.
Ce sont deux lignes, appartenant à la Mauritius Governement Railways, qui constitueront l’unique mode de transport populaire et national de Maurice. Mise en opération en 1864, la North Line couvrira 50 km et traversera les districts de Pamplemousses, Rivière-du-Rempart et de Flacq avant de rallier la gare de Grande- Rivière-Sud-Est.
L’année suivante verra la création de la Midlands Line, longue de 56 km et qui va relier Port-Louis à Mahébourg. C'est elle qui favorisera le développement des agglomérations urbaines, grâce à la desserte de Beau-Bassin, Rose-Hill, Quatre-Bornes, Phoenix, Vacoas, Curepipe et Rose-Belle. « C’est le train qui transporte le kérosène, un hydrocarbure antérieur à l’électricité et qui sert aux foyers », explique l'architecte et urbaniste, avant d’ajouter : « Le pays a eu besoin du train pour faire tourner l’industrie sucrière. C’est le chemin de fer qui mettra fin au transport par la mer du sucre du Batelage, à Souillac dans le Sud jusqu’à la rade de Port-Louis. »
Disparition du chemin de fer mauricien
Est-ce que ce sont des motivations politiques qui ont décidé du sort du chemin de fer mauricien en 1964, date à laquelle le dernier train a cessé ses opérations ? « Difficile de l’affirmer, répond Rambassun Sewpal.
De 1948 à 1953, on a estimé que le train faisait des pertes. Un fait explique en partie cette décision : aux États-Unis, durant l’après-guerre, les usines Ford ont commencé à construire des voitures à la chaîne et celles-ci ont fait leur apparition à Maurice. On a alors commencé à construire des routes et des ponts pour permettre aux autobus et voitures de circuler. On s’est rendu compte que les autobus étaient complémentaires aux trains, mais plus rapides et capables de desservir les petites localités de Maurice. Puis l’entretien des trains était plus onéreux que celui des autobus. »
Ces facteurs ont fini par s’imposer aux autorités mauriciennes qui vendront wagons et locomotives à la société sud-africaine Bethleem Steel et une partie des rails à une compagnie indienne. « Aujourd’hui encore, quelques tronçons de l’ancien chemin de fer ont survécu et sont la propriété de l’État. Car durant la construction du chemin de fer, l’État avait acheté des terres pour l'installation des rails. Paradoxalement, il doit aujourd’hui racheter ses propres terres pour son projet de métro », fait comprendre Rambassun Sewpal.
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