Le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance ne pratique pas la langue de bois. Sudhir Sesungkur s’exprime ouvertement sur des thèmes délicats, comme les affaires Alvaro Sobrinho et BAI.
Publicité
Êtes-vous bien dans votre peau comme ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance ?
Bien sûr. C’est un domaine que je maîtrise. J’ai commencé à initier pas mal de projets pour donner un nouveau souffle au secteur financier et stimuler davantage la croissance et la création de richesse.
Cela, bien que votre prédécesseur Roshi Bhadain ait menacé de faire des révélations sur vous...
J’attends qu’il fasse ses révélations. Il a fait plusieurs déclarations. J’ai déjà entamé les procédures pour lui coller un procès.
« Le gouvernement est un gouvernement responsable. On ne peut prendre l’argent public pour payer les investisseurs du SCBG et du Bramer Asset Management »
Parvenez-vous à dormir sur vos deux oreilles alors que votre ancien partenaire en affaires, Kriti Taukoordass, vous réclame Rs 32 millions en cour ?
Il réclame Rs 32 millions, moi je réclame Rs 56 millions ! C’est un litige commercial. Quand j’ai quitté Mazars, j’ai fait ma réclamation. C’est quand même une firme que j’ai créée et développée. Or, cela a débouché sur un litige.
En quoi consiste votre plan pour redynamiser votre ministère ?
Tout d’abord, il y a une concertation avec les opérateurs du secteur. Cette synergie est importante pour développer le secteur. Le Financial Services Consultative Council a été relancé. J’ai aussi mis sur pied une Policy Unit. L’ancien ministre avait son équipe de proches collaborateurs. Cette unité travaillera sur une feuille de route pour le secteur jusqu’à 2030. Nous avons déjà identifié un consultant pour ce faire. Nous lancerons une campagne en Afrique du Sud et en Inde, d’où vient la majorité de nos investisseurs, pour y refaire notre image et démontrer que Maurice n’est pas un paradis fiscal. Nous étendrons éventuellement cette campagne à d’autres pays. Nous prendrons des mesures pour préserver notre réputation et soigner notre image comme centre financier de renom international. L’appel d’offres (tender) a été lancé pour trouver un consultant international.
Plus d’une fois, la Financial Services Commission (FSC) s’est retrouvée au centre des controverses. Qu’est-ce qui ne va pas ?
Il y a pas mal de faiblesses à corriger. En termes de compétences, il faut un empowerment. C’est ce qui se fait déjà. En même temps, il faut reconnaître qu’aucun régulateur n’est infaillible à 100 %. La FSC traite plus de 2 000 dossiers par an. Il se peut qu’il y ait eu des manquements dans certains de ces exercices. Cependant, la façon dont cela est surmédiatisé n’est pas bonne pour le secteur. Cela a tendance à démontrer que le secteur est une passoire et n’arrive pas à s’assurer que l’argent des investisseurs est entre de bonnes mains. Nous allons faire l’éducation du public à travers le Financial Literacy Programme, pour qu’il sache où commence et où se termine le travail de la FSC. Prenons les exemples du Super Cash Back Gold (SCBG) et de Whitedot : des personnes ne peuvent placer leur argent dans une compagnie pensant que le régulateur le protègera.
Maintenez-vous qu’il y avait eu ingérence dans la FSC avant votre arrivée à ce ministère ?
Les courriels en circulation en sont la preuve. Puis, le Visitor’s Book du ministère démontre qu’Alvaro Sobrinho était présent, le 6 août 2015, avec certaines personnes de cette institution. Puis, il y a l’affidavit de Rudy Veeramundur, qui vient confirmer que l’ancien ministre a demandé à la FSC d’accélérer la procédure pour l’octroi du parmis à Alvaro Sobrinho. Chacun peut tirer sa propre conclusion.
Y a-t-il eu également ingérence de la présidente de la République en faveur d’Alvaro Sobrinho ?
Madame la Présidente a expliqué sa bonne foi. Elle a pensé que cela pouvait aider le pays. Elle a référé le dossier au ministère concerné. Elle ne s’est pas ingérée dans le processus. C’est au niveau des diverses entités et institutions que les procédures ont été enclenchées. Je n’ai rien d’autre à dire. Je pense que Madame la Présidente a agi de bonne foi.
« La FSC a le devoir d’enquêter en interne, mais il faut comprendre que l’institution ne peut pas tous les jours enquêter sur une compagnie après la parution d’un article »
Est-ce que la FSC a bien géré le dossier d’Alvaro Sobrinho ?
Je ne mettrai pas ma main au feu pour dire cela.
Pour avoir une Investment Banking Licence, il faut avoir « five natural persons ». Comment la compagnie d’Alvaro Sobrinho, qui n’en a que deux, a pu l’obtenir ?
Ce critère n’existait pas au moment où le permis d’Alvaro Sobrinho Africa Ltd a été délivrée. C’est cela qui fait qu’il y a un décalage. Par la suite, en décembre, les critères ont été publiés. C’est là qu’une série d’articles a été publiée. La FSC a déclaré à la compagnie qu’elle ne pouvait opérer sans sa permission. Et de l’autre côté, elle ne pouvait lui demander de respecter les critères. Il est donc logique que le dossier soit resté où il est.
Au Parlement, vous avez affirmé que la FSC se penchait sur les courriels échangés entre la Présidente et d’autres protagonistes. Y a-t-il une première indication ?
C’est une procédure normale. Quand il y a des articles de presse concernant une compagnie, la FSC a le devoir d’enquêter. C’est une procédure interne, mais il faut comprendre que l’institution ne peut pas tous les jours enquêter sur une compagnie après la parution d’un article. Sinon, le travail de la FSC se résumera à enquêter, alors qu’elle n’a pas les ressources pour cela. S’il n’y avait pas cet accord avec l’Inde, le secteur financier local n’aurait pas connu un tel développement. Il faut réfléchir à où nous avons commencé et où nous en sommes aujourd’hui. Plus de 10 000 personnes travaillent dans ce secteur. Les compagnies génèrent des investissements et amènent des Foreign Direct Investments. Il faut faire attention. L’opposition tape sur des personnes qui souhaitent investir, affirmant qu’elles ne sont pas clean, alors que les autres centres financiers les acceptent. Il faut savoir ce qu’on veut.
Comment comptez-vous redorer le blason de la FSC ?
Rebâtir la confiance est un facteur important. Les différents épisodes de la BAI a mis le régulateur sous pression. Cela fait plus de deux ans que la FSC est sans CEO. On a déclenché la machinerie pour recruter une personne de renommée internationale. En parallèle, il y a la réforme de la FSC. On revoit tout l’aspect procédural. Il y a des postes restés vacants depuis trop longtemps. On veut aussi que le travail de la FSC soit efficace. On veut une loi moderne pour les assurances, incluant un tribunal. Je veux aussi démocratiser les investissements et un rating des fonds d’investissement.
Cela fait trois mois depuis que vous êtes ministre, êtes-vous satisfait de la façon dont le dossier BAI a été traité par ce ministère ?
Ça a été la catastrophe. Au niveau du ministère, il y a eu beaucoup de blabla. Mon prédécesseur disait que ce n’est qu’une question de temps avant que toutes les personnes ne soient remboursées. Finalement où est passé l’argent ? Des patrimoines importants ont été soldés. En dehors de l’aspect financier, l’affaire BAI est une grande tragédie pour le pays. Beaucoup de personnes ont souffert et souffrent encore. Roshi Bhadain a traité le dossier BAI avec beaucoup de légèreté. Le rapport NTan a évoqué une perte de Rs 14 milliards et KPMG avait soutenu que la compagnie n’était plus viable. L’ancien ministre a dit qu’il allait vendre les actifs pour payer les gens. Soit il y a eu une erreur de jugement, soit il ne maîtrisait pas le dossier. Il y avait un énorme trou. Si l’argent existait, la BAI n’aurait pas fait faillite. Par la suite, il n’a pu back-out et il a dû mentir et mener les clients en bateau. S’il pouvait payer, pourquoi n’avoir pas payé ces personnes en deux ans ? Et maintenant, il dit que je dois le faire en deux mois.
Pourquoi une commission d’enquête uniquement sur le volet Britam du dossier BAI et non sur toute l’affaire ?
Parce que c’est une transaction avec un impact financier énorme. Il y a un manque à gagner de Rs 2 milliards. On avait une offre de Rs 4,3 milliards, mais la société a été vendue à Rs 2,4 milliards. Mon prédécesseur disait aussi qu’il fallait Rs 1,6 milliard pour payer les personnes. J’essaye de comprendre. On avait des actifs : comment est-on arrivé à cette situation où tant de personnes attendent leur paiement ? Et surtout, on a soldé des actifs importants. Autre chose : l’accord était de Rs 4,3 milliards. Comment en quatre mois, le chiffre est-il descendu à Rs 2,4 milliards ? On a voulu me faire croire que le prix des shares a chuté. Cela ne m’a pas convaincu. La valeur d’une compagnie ne se mesure pas sur sa valeur en Bourse, mais sa valeur intrinsèque. J’ai aussi des documents montrant que la vente a été conclue à Rs 3,06 milliards, mais nous n’avons reçu que Rs 2,4 milliards.
Est-ce que le gouvernement veut la peau de Roshi Bhadain ?
Il n’y a pas de vendetta politique. Mon point de départ a été le compte bancaire (escrow account) sur lequel devait être crédité tout cet argent. J’ai réclamé les bank statements, on ne me les a pas donnés. Comment confirmer si l’argent est vraiment sur ce compte ? Il y a tant de questions sans réponse que j’ai dû rapporter le cas au Premier ministre. Tout cela fait partie du travail qu’on fait pour trouver une solution pour les clients du plan SCBG et de Bramer Asset Management.
Nombre de souscripteurs au plan Super Cash Back Gold sont inquiets. À quand un dénouement heureux pour eux ?
Il y a un Joint Committee établi entre mon ministère et le ministre des Finances. On travaille d’arrache-pied tous les jours pour voir quelle direction prendre pour soulager ces personnes. Je tiens d’ailleurs à vous rassurer que ce dossier est la priorité des priorités de mon ministère. J’espère qu’on trouvera une solution au plus vite, mais je dois aussi mentionner que le gouvernement est un gouvernement responsable. On ne peut prendre l’argent public pour payer les investisseurs du plan SCBG et de Bramer Asset Management.
C’est la panique chez les clients de la National Insurance Company (NIC). Que peuvent-ils attendre lorsque leur police d’assurances arrive à maturité ?
Concernant la NIC, ce n’est pas une situation idéale, mais pas alarmante non plus. N’importe qui a une once de bon sens réalisera que la compagnie a repris toutes les polices d’assurances de la BAI. Si on n’avait pas créé la NIC, éventuellement, les souscripteurs auraient subi un préjudice et auraient perdu leur contribution. Le gouvernement a travaillé sur une solution transitoire pour préserver leurs investissements. Cependant, il ne faut pas penser qu’une compagnie ayant hérité de tous ces passifs puisse décoller, faire de gros profits et jouer en Premier League. Je rassure les policy holders : il n’y a aucune raison de paniquer. On fait un travail technique pour voir quelles mesures prendre pour rendre la compagnie plus efficiente et pour qu’elle puisse opérer dans les meilleures conditions possibles.
Le gouvernement compte-t-il vendre cette compagnie ?
All the options are there. Toutes les possibilités sont envisageables, du moment qu’elles sont dans l’intérêt des employés et des souscripteurs.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !