Law & Order : vers une politique de zéro tolérance

Le Law & Order est une des priorités du nouveau Premier ministre. Dans son allocution à la nation, lundi soir, Pravind Jugnauth a annoncé qu’il sera intransigeant. Plusieurs actions seront prises pour renforcer la sécurité.

Une restructuration de la police pour une sécurité accrue. C’est le maître-mot au Bureau du Premier ministre, cette semaine. Tout un plan de réorganisation à la fois en termes d’infrastructures, de mode d’opération et de formation avec l’utilisation des technologies de pointe sera mis en application.

Une sécurité accrue signifie moins de violence et moins de vols. Selon son entourage, le nouveau Premier ministre, Pravind Jugnauth, est déterminé à donner les moyens nécessaires à la force policière pour atteindre cet objectif. D’ailleurs, dans le Budget 2016-17, il avait donné un aperçu de sa détermination à travers une série de mesures. Le gouvernement compte présenter de nouveaux projets. Une base de données centrale sera créée pour répertorier les criminels.

Elle sera accessible en ligne à tout moment à la police ainsi qu’à toutes les autres institutions approuvées comme le Bureau des passeports et de l’immigration. Un registre électronique de personnes condamnées pour pédophilie et celles impliquées dans les délits de prostitution infantile sera compilé. Le bracelet électronique de surveillance sera introduit pour certains types de suspects libérés sous caution afin de mieux gérer la situation dans les prisons.

Aux Casernes centrales, on indique que ces projets seront d’une aide précieuse aux limiers de la Criminal Investigation Division (CID) dans leur travail au quotidien. « À travers ces mesures, ce sera plus facile de pister criminels, pédophiles et toute personne fichée comme dangereuse. On pourra élucider des cas criminels plus rapidement. Déjà, avec les moyens dont nous disposons, la plupart des cas sont élucidés dans un temps raisonnable », soutient un haut gradé de la police.

Combat contre la drogue

Pravind Jugnauth compte intensifier la lutte contre le trafic de drogue en resserrant au maximum les mailles du filet. L’ADSU, l’aéroport et le port seront équipés de matériel à la pointe de la technologie pour dépister et dissuader toute tentative d’introduire de la drogue à Maurice. Le gouvernement espère pouvoir faire une avancée remarquable dans le combat contre la mafia de la drogue à travers la Commission d’enquête qu’il a instituée.

Vu que les trafiquants utilisent davantage la voie maritime pour introduire de la drogue à Maurice, le gouvernement va accélérer la construction d’un quartier général de la National Coast Guard pieds dans l’eau au coût de Rs 2 milliards. Le présent QG de la NCG se trouve à Fort William. Ce sera un  ‘ Integrated Development Project  ‘ comprenant un bâtiment administratif, un ‘Repair Yard’ et une flottille. Dans le Budget 2016-17, Pravind  Jugnauth  avait  fait  provision  de       RS 19,6 millions pour  ‘the design and preparation of tender documents ‘.

Académie de police

Pravind Jugnauth, qui compte mettre l’accent sur la formation, va accélérer le projet de création d’une académie de police pour assurer une formation continue à tous les échelons de la force policière. La Mauritius Police Training Academy sera aménagée à Côte d’Or sur un terrain de 25 hectares au coût de Rs 900 millions. Quelque 21 000 mètres carrés seront réservés pour un bâtiment administratif, un centre de formation et un bloc résidentiel, entre autres. Et un espace de quelques 46 000 mètres carrés sera utilisé pour les activités sportives.

« La discipline de fer sera une composante importante de la formation continue des policiers de tous les grades. Le nouveau Premier ministre est à cheval sur la discipline. Il veut d’une force policière en laquelle la population a confiance », nous confie un haut gradé de la police. Depuis un bout de temps, l’image de la force policière est entachée par des « brebis galeuses impliquées dans le trafic de drogue et autres activités illégales. »

Le gouvernement compte encourager les diplômés à se joindre à la force policière « par des suppléments salariaux selon leurs performances et résultats. » De plus, il envisage de faire appel aux compétences en matière légale, administrative, d’enquête, de technologie informatique et de gestion dans la force policière. À cet effet, un certain nombre de postes sur la base d’un contrat fixe sera proposé aux professionnels d’expérience désireux de participer au développement de la force policière.

Contravention : hausse de 47 % en 2016

La police a recensé 18 311 accidents (chiffre provisoire) en 2016 contre 28 476 en 2015, soit une baisse de 36 %. Cependant, le nombre d’accidents fatals est en hausse, passant de 127 en 2015 à 132 en 2016, de même que le nombre de morts sur nos routes, soit 139 en 2015 contre 144 en 2016. Parallèlement, la police a dressé 58 363 contraventions en 2015, contre 86 335 en 2016, soit une hausse de 47 %. Ces chiffres incluant les ‘speed cameras‘

La criminalité en hausse de 6 %

Le taux de criminalité (Crime & Misdemeanor) a connu une hausse considérable depuis 2000 pour atteindre 44 pour une population de 1 000 en 2008. Ce taux a toutefois connu une baisse pour se stabiliser à 33 pour une population de 1 000 durant la période de 2012 à 2014 avant de remonter à 35 en 2015. Ainsi, entre 2014 et 2015, le taux de criminalité a connu une hausse de 6 % attribuée, notamment, à une croissance de 28 % dans les vols et de 8 % pour les délits sexuels.

Drogue

Le nombre de cas de drogue détectés en 2016 était de 2 395 contre 2 410 en 2015, ce qui représente une légère baisse de 0,6 % (tableau 1). Le nombre de personnes arrêtées est toutefois en hausse, passant de 1 771 en 2015 à 1 863 en 2016 (tableau 2). Parallèlement, la valeur marchande des drogues saisies a atteint une somme record en 2016, soit     Rs 330 millions contre Rs 246 millions en 2015 et   Rs 237 millions en 2014 (tableau 3).

Table 1

Table 2

Table 3

L’inspecteur Jaylall Boojhawon : « Il faut être intransigeant »

L’inspecteur Jaylall Boojhawon, président de Police Officers Solidarity Union, estime qu’il faut être « intransigeant à tous les niveaux » – que ce soit par la police ou par les cours de justice – afin de mettre hors d’état de nuire ceux qui sèment la terreur dans la société. Concernant le combat contre la drogue, il considère que la police ne peut être efficace au maximum avec un manque de personnel et d’équipement dernier cri. « Il y a, en moyenne, une trentaine d’officiers de l’Adsu dans chaque division.

Ce qui est largement insuffisant si nous voulons combattre efficacement ce fléau. De plus, les trafiquants font preuve, aujourd’hui, de beaucoup d’ingéniosité pour faire entrer leurs marchandises. Si nous ne nous mettons pas rapidement au diapason avec les derniers équipements et les dernières technologies, les trafiquants auront toujours un coup d’avance sur nous », dit-il.

À son avis, il est important que chaque poste de police abrite une unité de l’Adsu et que le port et l’aéroport soient dotés de scanners nécessaires pour identifier les mules.
Concernant les cas d’indiscipline dans la force policière, l’inspecteur Boojhawon estime que « ce mal pourra être résolu uniquement en allant à la source du problème ». « Peu importe le domaine, il y a toujours des gens qui ne font pas honneur à leur profession.

La force policière n’échappe pas à cette règle. Nous admettons qu’il y a une poignée de membres qui ne font pas honneur à l’uniforme », concède notre interlocuteur. Mais l’inspecteur  Jaylall Boojhawon avance qu’il faut comprendre que les 14 000 membres de la force policière sont issus de différentes couches sociales. « Le problème commence au niveau du recrutement, car il n’y a pas eu suffisamment de ‘background check’. » Le recrutement de psychologues additionnels est aussi une nécessité. « Ce n’est pas normal qu’il n’y ait qu’une psychologue pour 14 000 policiers », déplore-t-il

ASP Tuyau : « Il faut des directives claires »

Pour tacler le problème du maintien de l’ordre et de la paix dans le pays, l’ASP Hector Tuyau, président de l’Union policière, estime que le commissaire de police, Mario Nobin, « doit venir de l’avant avec des directives très claires qui épousent la vision du nouveau Premier ministre. »  Concernant l’indiscipline, l’ASP Tuyau considère que les policiers mis à l’index ne font pas honneur à l’uniforme. « Il faut traiter ce mal qui ronge une petite poignée de policiers seulement à la racine. Pour cela, l’Union policière apportera sa pierre à l’édifice.

Il faudra s’asseoir autour d’une table pour en discuter et essayer de trouver des solutions », dit-il. Commentant la prolifération des drogues dans la société, l’ASP Tuyau est d’avis que la police mène un combat « honorable ».  Il concède toutefois qu’il y a encore du chemin à faire pour mater le trafic et la consommation de drogue. « Nous ne sommes pas découragés pour autant. C’est une bataille acharnée que nous menons et nous sommes certains que les résultats tomberont assez rapidement », déclare-t-il.

Un plan stratégique de trois ans

Aux Casernes centrales, on est confiant de pouvoir accroître la sécurité à travers le plan stratégique 2015/2018, élaboré par le commissaire de police Mario Nobin. Les 5 lignes directrices de ce plan stratégique sont : (1) améliorer la qualité de vie des citoyens, (2) améliorer la prestation des services, (3) réduire le temps d’intervention, (4) améliorer les techniques d’investigation et méthode de détection, et enfin, (5) le combat contre le trafic et la consommation de drogues.

L’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office (PPO), indique que la police s’oriente davantage vers les techniques d’investigation basées sur les preuves. « Le système de charge provisoire est souvent décrié. D’où la décision de la police de se montrer plus prudente avant de loger une charge provisoire contre une personne ayant fait l’objet d’une enquête en se basant davantage sur les évidences, les preuves scientifiques et les techniques d’investigation », ajoute-t-il.

Le personnel du Scene of Crime Office (SoCO), poursuit-il, a spécialement été formé pour ce besoin. Sans compter l’appui des unités spécialisées, dont la Cybercrime Unit et l’Information and Communication Technology Unit pour combattre la cybercriminalité et les ‘financial scams’. Et avec l’installation de caméras dans les salles d’interrogatoire, l’inspecteur Shiva Coothen estime que cela vient résoudre les allégations de brutalité dans le but d’obtenir des aveux. « Le public ne pourra plus mettre en doute la véracité et la façon dont l’interrogatoire a été mené », précise le responsable de la communication au Casernes centrales.

Pour combattre le fléau de la drogue dans le pays, l’inspecteur Shiva Coothen indique que la police ne lésine pas sur les moyens et travaille sans relâche pour mettre les trafiquants hors d’état de nuire.

« L’Adsu a amélioré son système pour procéder à la collecte d’informations. La brigade travaille en étroite collaboration avec le service douaniers, les ONG, les ministères concernés et les instances internationales, comme l’Union Africaine, l’Union européenne et les Nations-unies, entre autres », explique-t-il. La police, rassure l’inspecteur, ne compte pas faire de cadeaux aux policiers véreux. « C’est vrai qu’il y a quelques brebis galeuses au sein de la force policière, mais 99 % des policiers sont intègres et accomplissent leur devoir comme il se doit », précise-t-il.