Maurice est signataire de nombreux traités d’extradition avec d’autres pays. Mais qu’en est-il de ceux qui datent de la période coloniale, soit avant que Maurice n’accède à son indépendance ? Pour l’avoué Sunil Luchmun, ils ont toujours force de loi en vertu d’une déclaration faite le 12 mars 1968 par le Premier ministre d’alors.
Les autorités mauriciennes peuvent-elles déporter une personne vers un autre pays sans qu’il n'y ait au préalable un traité d’extradition avec le pays en question ?
L’extradition d’une personne de la République de Maurice est régie par l’Extradition Act de 1970. Il est bon de rappeler que le législateur a fait la distinction entre deux catégories de pays en introduisant cette loi. Il y a, d’une part, les pays du Commonwealth et d’autre part les pays « étrangers », ceux qui ne font pas partie du Commonwealth. En ce qui concerne les États du Commonwealth, dont Maurice fait partie, la déportation ou l’extradition d’une personne peut se faire sans qu’il n'y ait un traité entre les deux pays concernés.
Mais lorsqu’il s’agit d’un pays « étranger », l’existence d’un traité entre Maurice et le pays en question est primordiale. Par exemple, s’il n’y a pas de traité d’extradition entre Maurice et les États-Unis d’Amérique, qui n’est pas un pays du Commonwealth, il est évident que l’extradition d’une personne vers ce pays sera illégale.
La loi est donc claire. Pas d’extradition sans un traité avec un pays « étranger » ?
Le problème réside dans l’interprétation de la loi. Prenons un pays comme la France. Il est vrai qu’il n’y a pas eu de traité d’extradition qui a été signé entre Maurice et la France après l’indépendance de notre île. Mais il ne faut pas oublier que le 12 mars 1968, soit le jour même où l’île Maurice indépendante prit naissance, le Premier ministre d’alors, sir Seewoosagur Ramgoolam, avait écrit au secrétaire général des Nations-Unies pour l'informer que plusieurs engagements diplomatiques et légaux pris par le gouvernement colonial allaient continuer à exister en vertu du droit international coutumier (Customary International Law). D’ailleurs, mention y est faite dans un jugement de la Cour suprême. Or, il s’avère qu’il existait un traité d’extradition entre la France et le Royaume-Uni et que ce traité faisait et continue à faire partie de nos lois.
Mais l’accession à l’indépendance n’a-t-elle pas rendu obsolètes les lois coloniales, y compris celle sur l’extradition ?
Cela aurait été le cas si le Premier ministre d’alors n’avait pas fait la déclaration susmentionnée au secrétaire général des Nations-Unies. D’ailleurs, la déclaration de sir Seewoosagur Ramgoolam précise aussi que l’État mauricien peut mettre fin à l’existence d’un quelconque traité qui date de l’époque coloniale s’il le désire.
C’est justement ce qui s’est passé en 1970. La promulgation de l’Extradition Act n’a-t-elle pas créé un nouveau cadre légal en ce qui concerne l’extradition d’une personne de Maurice ?
La promulgation de l’Extradition Act en 1970 par le gouvernement mauricien ne remet pas en cause l’existence des traités d’extradition qui date de l’époque coloniale. D’ailleurs, la Cour suprême a déjà statué sur la question en 2002 dans l’affaire Danche. Une affaire qui concerne l’extradition d’une personne de Maurice vers les États-Unis d’Amérique. Le chef juge d’alors Ariranga Pillay et la juge Vidya Narayen avaient souligné que le traité d’extradition qui existe entre le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique continue à avoir force de loi à Maurice même après l’Indépendance.
Qu’en est-il de la souveraineté de Maurice ?
La question de souveraineté ne se pose pas. Maurice pouvait à n’importe quel moment suspendre ou abolir le traité qui date de l’époque coloniale. Mais elle ne l’a pas fait. Ce qui signifie qu’elle a décidé, en tant qu’État indépendant, que ce traité doit continuer à exister. Le jugement dans l’affaire Danche établi ainsi l’existence d’un traité d’extradition entre Maurice et les États-Unis d’Amérique date de la période coloniale. Je pense que cette décision est valable pour d’autres pays également.
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