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L’avènement du Metro Express - Autobus publics : «Adapt or perish»

bus individuels Les bus individuels veulent bien s’adapter au nouveau mode de transport en commun.

Le paysage mauricien va s’enrichir d’un nouveau mode de transport. Le Metro Express entrera en service en 2019. La pérennité de l’emploi dans le secteur du transport est remise en question. La seule solution serait « Adapt or perish ».

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Un projet qui pèse Rs 18 milliards sonnantes contre deux milliers d’autobus qui sillonnent nos villes et villages. Pot de fer contre pot de terre ? À première vue, cela ressemble fort à un combat inégal. Pourtant, les gros bonnets de la plupart des entreprises de transport public ont compris que, s’ils ne peuvent combattre l’ennemi, mieux vaut l’avoir comme allié. Quoi que certaines voix discordantes se font entendre ces derniers temps pour dire un grand non au projet Metro Express.

Cohabitation entre bus traditionnel et Metro Express à la gare de Quatre-Bornes.

Sur la question, les avis divergent, chacun étant convaincu du bien-fondé de sa position. Le gros et long bébé sera bien là dans quelques années et il faudra faire avec.

Un fait demeure : le Metro Express semble réveiller et faire sortir certains de leur léthargie. Après la mort du dernier train en février 1956, ce sont les autobus qui ont pris la relève.

Toutes les tentatives d’introduire un nouveau mode de transport de masse (bus lane, light railway, tram, métro léger) se sont fracassées contre le mur de l’intolérance et des forts lobbies, qui ont fait courber l’échine aux plus téméraires de nos décideurs. Les routes principales, desservies par nos autobus, sont comme des vaches sacrées qu’on n’ose toucher.

Cette chasse gardée existe depuis des lustres, prompte à faire capoter la moindre tentative d’introduire un mode alternatif de transport en commun. Jusqu’à ce que le projet de Metro Express pointe le bout de son nez et secoue le cocotier.

Chacun défend tant bien que mal sa chapelle sur ce chapitre. À telle enseigne que sont brandies des menaces de grève de la faim par certains, alors que le gouvernement campe sur sa position d’intégrer, en parallèle aux autobus publics, le métro. Ce sera au public voyageur de choisir, dit-on.

Le métro en rétro

La carte sera introduite pour tout paiement dans le bus et dans le métro.

Le Metro Express est un mode de transport en commun et le modèle adopté par Maurice sera moins rapide que le métro conventionnel, avec dix-neuf gares, des horaires fixes de départ de l’engin à chaque étape et à son arrivée, de même que la durée du voyage. Avec un système pratique de tickets électroniques, une annonce de l’arrivée et du départ du métro, des facilités de connexion Wi-Fi et un confort assuré, parmi ses nombreux atouts. Les investissements seront de Rs 18 milliards et le coût du ticket aligné pour le moment sur le tarif des autobus pour le même trajet, avec la possibilité pour les personnes âgées et les étudiants de voyager gratuitement.

« Tip-top » back on track ?

Le Metro Express ne pourra desservir toutes les régions limitrophes, son tracé ne le lui permettant pas. Ainsi, les compagnies d’autobus devraient compenser cela en introduisant des feeder buses. Tous les bus ne pourront pas s’adapter à l’étroitesse des routes dans les régions intra urbaines. Ce qui fait qu’il est fort probable que les fameux « tip-top » feront leur come-back sur nos routes.

Toutefois, cela pose un problème d’adaptation pour certaines compagnies, car il faut alors revoir la flotte des autobus existants, quitte à conserver les « semi-floor buses » pour les lignes en parallèle du Metro Express. Sunil Jeewoonarain, de la Mauritius Bus Owners Cooperative, estime « que les minibus ou tip-top ne peuvent accommoder qu’une vingtaine de passagers à la fois et dans les heures de pointe, il sera difficile de refuser le flot des passagers pressés d’entrer ». « Comment faire ? » s’interroge-t-il.

Alain Kistnen, de la Union of Bus Industry Workers, estime qu’« il est vrai qu’on devra être complémentaire du Metro Express et que les compagnies devraient acquérir de nouveaux bus pour desservir les coins et recoins de nos villes, mais se pose le problème du one-man operator, où c’est le chauffeur qui réceptionne l’argent du trajet. Qu’adviendra-t-il des receveurs ? Il y aura certainement des licenciements, d’où la crainte qui gagne nos membres ».

Sunil Jeewoonarain : « À double face »

Les « tip-top » seront utilisés comme des « feeder buses ».

Sunil Jeewoonarain, secrétaire général de la Federation of Mauritius Bus Owners Cooperative, qui compte près d’un millier de membres pour une flotte de 850 autobus publics, individuels compris, y va de son refrain.

« L’introduction du Metro Express est à double face. D’une part, il y a le fait que ce nouveau mode de transport va chambouler bien des stratégies et pratiques qui ont pris racine depuis plus d’un demi-siècle. Il y a aussi la peur de la perte d’emplois, même si, verbalement, le gouvernement nous serine que tout le monde sera on board. Il n’y a rien sur le papier, d’où ce sentiment partagé de notre part. Et ce ne sont pas les bureaucrates voyageant dans des berlines qui décident », dit le syndicaliste.

Il ajoute que le gouvernement a encouragé l’introduction des smart buses, « mais ces véhicules ne sont pas nécessairement des semi-low floor, ils doivent tout simplement être intelligents. À titre d’exemple, un bus dit normal devrait avoir des facilités de connexion Wi-Fi, être branché sur ontime.mu, avoir un genre de GPS permettant aux passagers liés à cette application à travers leur portable Androïd de savoir exactement l’heure à laquelle leur autobus va passer, au lieu qu’ils aient à poireauter à l’arrêt, et faire aussi savoir l’heure à laquelle le dernier bus passe. Il faudrait aussi des caméras CCTV, autant pour la sécurité des passagers que pour celle des receveurs. Ce bus peut accueillir une soixantaine de passagers, contre une quarantaine pour le semi-low floor, dont les sièges sont inconfortables sur un long trajet. »

Comment l’introduction du Metro Express pourrait-elle mettre en péril les emplois dans le secteur du transport en commun ? À cette question, Sunil Jeewoonarain répond : « Si les compagnies observent qu’il y a moins d’entrées en argent, que ce soit sur des lignes à haute fréquence de passagers ou pour des trajets moins fréquentés, elles vont réduire le nombre d’autobus. Qui dit réduction du nombre de bus, dit aussi perte d’emplois et de la qualité des services offerts habituellement. Admettons qu’une entreprise perd 8 % de ses recettes de Rs 200 000 par jour, ce chiffre sera multiplié sur une année. Je vous laisse calculer le manque à gagner qui en résulterait. »

Qu’en est-il de l’introduction des smart cards, qui iront de pair avec l’introduction du Metro Express ? Le syndicaliste explique que « d’abord, ce sera un bon moyen de combattre les taxis et vans marrons, ensuite, il y aura moins d’argent en liquide dans la besace des receveurs, qui se font trop souvent attaquer par des voleurs ».

Alain Kistnen : « Favorable, mais avec des réserves »

Confort assuré dans les bus, comme dans le métro.

Même son de cloche du côté de l’Union of Bus Industry Workers (UBIW) regroupant cinq compagnies d’autobus, à savoir la UBS, la CNT, la TBS, la RHT et des bus individuels. Son secrétaire dit que ses membres accueillent le Metro Express, mais avec de grosses pincettes. « Nous sommes pour le Metro Express, mais avec certaines réserves. Que ce mode de transport alternatif respecte l’écologie et le public voyageur, et sauvegarde les emplois.

On a aussi entendu le patronat avancer qu’il y aura un manque à gagner important, ce qui résulterait immanquablement en une perte d’emplois, parce qu’ils ne pourront payer. Déjà, pour les recommandations du rapport du National Remuneration Board (NRB), le patronat rechigne à payer, faute de moyens financiers. Avec le Metro Express, qui risque de ronger leurs revenus, ce sera pire », dit Alain Kistnen, secrétaire de l’UBIW.

Le syndicaliste se dit conscient que le Metro Express va toucher des routes à forts revenus. Selon lui : « chaque compagnie de transport dessert une ligne appelée ARTE, soit les routes A, B et C, à forte concentration de passagers et qui compense les routes moins rentables et la venue du Metro Express va toucher directement ces lignes ».

Pourquoi ne pas continuer à desservir les lignes rentables en parallèle avec le Metro Express ? « L’heure d’arrivée est différente, les bus font face aux problèmes d’embouteillage, contrairement au métro, mais au niveau du confort, les nouveaux bus n’ont rien à envier au métro », lâche Alain Kistnen.

Toutefois, les syndicalistes et leurs membres, de même que le patronat, devront faire avec le Metro Express s’ils veulent survivre. À les entendre, ils ont commencé à intérioriser cette présence et chapeautent des stratégies pour que chacun, en fin de compte, ait sa part du gâteau. Et c’est le public voyageur qui sera le seul arbitre.

Dr Sidharth Sharma, Group CEO de Rose Hill Transport: « Il faudra des couloirs dédiés aux bus aux heures de pointe »

Quelles sont les mesures prises par la RHT afin de pourvoir le public voyageur en « feeder buses » ?
Nous avons débuté notre propre étude pour voir comment établir un réseau viable pour desservir les différentes gares. Il y a aussi des consultations avec la National Transport Authority (NTA) pour avoir les permis pour ces nouvelles routes.

Est-ce que c’est pos-sible d’utiliser les autobus actuels comme « feeder buses », vu l’étroitesse de nos routes intra-urbaines ?
Très certainement, il faudra de nouveaux autobus avec une wheel base plus étroite pour pouvoir desservir ces routes. Cependant, il nous faudra toujours avoir un certain nombre de bus de taille standard pour les routes parallèles.

Faire du porte-à-porte pour transporter les passagers vers les stations du tramway ne serait-il pas moins rentable pour la Rose Hill Transport (RHT) ?
Pas du tout. On perd autant de passagers à cause des « taxis marron ».

Comment faire circuler les « semi-low floor buses » dans des zones hautement habitées, vu leur taille et leur longueur ?
La réponse ressemble à celle de la question précédente. Nous assurons déjà un service de proximité avec nos bus de 30 places, qui sont plus aptes à fournir ce genre de service dans les rues subsidiaires – type morcellements (Roches-Brunes, vieux Rose-Hill), routes nationales (autoroute). Les passagers utilisent d’ailleurs notre application Smart Line pour avoir le trajet et l’heure d’arrivée à chaque arret intermédiaire.

Vos bus pourraient-ils respecter les horaires fixes des tramways, vu que des embouteillages sont inévitables en zones intra-urbaines ?
Il faudra donner la priorité aux bus, avoir un scooting system, des couloirs dédiés aux bus aux heures de pointe. Il faudra aussi diminuer les voitures sur nos routes en supprimant des parkings et en introduisant une congestion charge à l’entrée de la capitale.

La RHT semble avant-gardiste dans son approche, ce qui fait que cette compagnie ne craint pas l’arrivée du Metro Express avec ses gros sabots ?

(À cette question, c’est Gérard Manuel, de Proactive PR, responsable de communication de RHT, qui répondra, NDLR)

La compagnie est pionnière pour ce qui est de la Smart Card et nous ne dépareillerons pas du Metro Express à ce chapitre. Pour ce qui est du service porte-à-porte, la RHT songe à prendre presque toute la flotte pour être convertie en feeder buses, afin d’alimenter les stations de métro.

On compte recycler certains employés, un travail en amont se faisant déjà. La carte Filao, tout comme celle appelée Oyster en Angleterre, va utiliser la même technologie, soit « adapt to pay ». Elle permettra également un décompte précis du nombre de passagers, ceux qui voyagent gratuitement, comme nos aînés et nos étudiants, permettant au gouvernement de savoir exactement ce qui doit être remboursé. Aussi, avec cette carte, le système « marron » broiera du noir.

La carte peut être réalimentée dans un bureau de poste et avec Rs 1 000 de « recharge », le voyageur pourra avoir un bonus de Rs 100. La même carte pourra être utilisée à la fois dans nos feeder buses et le Metro Express, la réduction se faisant selon le trajet effectué par le passager.

 

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