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À 16 ans, il est le plus jeune lauréat de notre histoire. S’il concède qu’il est surdoué, Abyan Coan Dulloo affirme, cependant, que sans travail acharné et sacrifices, le don ne suffit pas.
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Il y a eu des sacrifices. Des hauts et des bas. Des moments de découragement. Mais jamais, au grand jamais, Abyan Coan Dulloo ne s’est détourné de son objectif : devenir lauréat. Une ambition qu’il est parvenu à réaliser à seulement 16 ans. Il est d’ailleurs le seul lauréat du Collège du Saint-Esprit de la cuvée du Higher School Certificate (HSC) 2024.
Le Dimanche/L’Hebdo l’a rencontré le matin du samedi 8 février à son domicile à Highlands. Il est en compagnie de ses parents, Salim et Zarine Dulloo, tous deux enseignants, et de ses deux petites sœurs, Imaane et Iqura, 5 et 2 ans respectivement. La famille est accueillante, très terre à terre. La joie et la fierté sont palpables. Nous prenons place dans le salon « open air ». Cela donne le ton.
Qui est Abyan Coan Dulloo ? Cette question lui a sans doute été posée 10 000 fois depuis la proclamation des lauréats, vendredi. Mais, passage obligé. L’adolescent se prête volontiers au jeu. « Je suis Abyan Coan Dulloo, lauréat du Collège du Saint-Esprit dans la filière scientifique. J’ai obtenu l’Additional Scholarship à l’âge de 16 ans. J’ai fait mes études primaires à l’Aryan Vedic Government School, puis j’ai commencé mon parcours secondaire au MGSS Solferino, avant d’être transféré au Collège du Saint-Esprit », dit-il d’un ton posé, sérieux.
Est-il un surdoué, comme tout le monde le dit depuis vendredi ? « Oui, je suis considéré comme surdoué, mais le parcours n’a pas été facile. Il y a eu beaucoup de hauts et de bas », répond Abyan Coan Dulloo. Cela a requis travail acharné, détermination, discipline, sacrifices – beaucoup de sacrifices. Mais le jeu en valait la chandelle.
Derrière ses lunettes qui lui confèrent un faux air de Harry Potter, l’adolescent évoque avec lucidité sa précocité : « J’ai toujours eu conscience de ma maturité intellectuelle. Mes professeurs comme mes camarades me le faisaient remarquer depuis l’école primaire. » Mais, fait-il comprendre, le talent ne fait pas tout. « On peut être surdoué, mais il est essentiel de cultiver sa mémoire, de se donner entièrement à la tâche, de faire fructifier ce don plutôt que de le laisser s’assoupir. C’est là que réside la véritable différence – il suffit parfois d’un petit effort supplémentaire », explique-t-il.
Après le Primary School Achievement Certificate, il atterrit au MGSS Solférino. Il évoque son passage avec recul : « Malgré d’excellents professeurs, il manquait cette stimulation intellectuelle nécessaire. » C’est ainsi qu’en Grade 8, il décide de tenter sa chance aux examens de School Certificate (SC) dans les matières suivantes : physique, chimie, mathématiques, biologie, anglais, littérature anglaise, français et Add Maths. À 13 ans à peine, il décroche 7 unités, ce qui lui ouvre les portes du Collège du Saint-Esprit.
« Au Saint-Esprit, j’ai découvert une compétition à la fois saine et exigeante. La présence d’élèves brillants, de concurrents redoutables sur le plan académique, m’a poussé à me surpasser dès la Grade 12. C’est cette compétition qui m’a poussé à l’excellence », souligne-t-il.
Pour lui, tout s’est joué sur un nouveau départ : « En Grade 12, j’ai tout recommencé à zéro. Le Collège du Saint-Esprit offre une approche unique : sa culture, sa discipline, mais aussi l’esprit de camaraderie qui y règne. On peut rivaliser intellectuellement tout en se respectant mutuellement. Chacun connaît la valeur de l’autre. Il faut savoir trouver cet équilibre subtil entre confort et challenge – c’est l’essence même de l’esprit du collège. »
A-t-il ressenti de la pression après avoir décroché 7 unités ? « Tout le monde me demandait : ‘lorea lane prosenn-la?’ Oui, cela créait une certaine pression, mais en même temps, cela me faisait croire que je pouvais effectivement devenir lauréat. Cette pression n’était pas nécessairement négative - elle est devenue une source de motivation pour travailler davantage et atteindre mes objectifs », répond-il.
Cependant, Abyan Coan Dulloo reconnaît qu’il y a une différence significative entre le SC et le HSC : « Au SC, j’étais moins mature, moins conscient que mes concurrents, et moins au fait des notes nécessaires pour être au sommet. Au HSC, j’ai dû être plus acharné, méticuleux dans les moindres détails, ne rien laisser au hasard. »
Le lauréat raconte qu’il a parfois trébuché dans son parcours, qu’il n’a parfois pas été à la hauteur de ses propres espérances. « Il y a eu des moments où j’ai ‘échoué’ d’une certaine manière – des résultats de tests scolaires ou de ‘mock exams’ où j’espérais faire mieux. Certains de mes camarades obtenaient de meilleurs résultats que moi. Ces moments m’ont découragé, mais ils m’ont aussi poussé à travailler encore plus dur. J’ai redoublé d’efforts, tous les jours, même le jour de mon anniversaire, tout au long de l’année. »
Les sacrifices ont été nombreux, il le concède. « Particulièrement en Upper, je ne sortais presque plus. Je restais à la maison pour réviser. Mes sorties étaient très limitées – j’ai manqué beaucoup de mariages et de sorties avec mes amis. » Avait-il au moins des passe-temps ?
« On ne peut pas dire que j’avais des passe-temps. Lorsque j’étais en Lower, je jouais au football. Je faisais aussi du hiking, cela me permettait de me détendre et de respirer avant de me plonger dans mes
études. » Mais il a tout arrêté durant la dernière année.
Même son temps « libre » était consacré à son objectif. « Devenir lauréat à 16 ans a nécessité de nombreux sacrifices. Pendant mes périodes libres, je travaillais mes notes et faisais mes devoirs. Après l’école et les cours particuliers, de 19 heures à 23 heures, je poursuivais mon travail, effectuais mes recherches et révisais mes notes. » Abyan Coan Dulloo n’a cependant aucun regret : « Ce sont des sacrifices nécessaires pour atteindre le succès. »
Aujourd’hui qu’il a enfin atteint son objectif, l’adolescent n’oublie pas de remercier ceux qui l’ont toujours soutenu dans ce parcours exceptionnel. « Je dois exprimer ma gratitude envers mes parents qui m’ont énormément soutenu, ainsi qu’envers mes enseignants. Ils m’ont tous permis de croire en mon potentiel de devenir lauréat. »
Mais plus encore, Abyan Coan Dulloo remercie Dieu. « Je tiens à remercier Dieu. Sans Sa grâce, rien de tout cela n’aurait été possible. La prière faisait partie de mon quotidien - chaque jour, je demandais à Dieu de m’aider à devenir lauréat. » Une prière exaucée.
Ses ambitions futures
Abyan Coan Dulloo explique que son ambition est de devenir développeur de logiciels, en se spécialisant dans l’intelligence artificielle. « Bien que je n’aie pas encore choisi mon pays de destination pour mes études, mon souhait est de revenir à Maurice par la suite. J’aspire à travailler pour une grande entreprise où mes compétences seront reconnues à leur juste valeur, et ainsi pouvoir mettre mon expérience au service de mon pays. Mon rêve est de rendre à Maurice et à mes parents tout ce qu’ils m’ont donné. »
Mais d’abord, il souhaite occuper un poste significatif dans le secteur des technologies de l’information. « Mon objectif est d’acquérir une solide expérience dans ce domaine et d’affiner mes compétences au sein de différentes entreprises avant de créer ma propre société. »
Pour lui, ayant bénéficié d’une bourse d’État, il considère comme un devoir moral de contribuer en retour au développement de son pays. « Tout dépendra des opportunités qui se présenteront », précise-t-il avec lucidité.
Son conseil aux jeunes
« Nous vivons dans une ère dominée par la technologie et les réseaux sociaux. Pour atteindre ses objectifs, il est crucial de ne pas se laisser distraire et d’établir des limites claires. La réussite exige de la régularité, une discipline de vie rigoureuse et la capacité à faire des sacrifices », conseille Abyan Coan Dulloo aux jeunes. Il se cite en exemple : « J’ai dû, pour ma part, renoncer à certains aspects de mon adolescence, mais c’était le prix à payer pour réaliser mes ambitions. »
Salim Dulloo, son père : «Nous n’avons jamais cessé de croire en lui»
Quelle est la recette du succès de son fils ? À cette question, Salim Dulloo, professeur d’éducation physique au John Kennedy College, répond avec conviction : « Je pense qu’elle repose sur trois piliers fondamentaux : la motivation, la discipline et la constance. Une fois que vous parvenez à faire comprendre ces principes à un enfant, l’essentiel du travail est accompli. »
La motivation constitue la première étape, bien qu’elle soit temporaire par nature, explique-t-il. La motivation progresse vers la discipline. « Il est crucial d’amener l’enfant à comprendre l’importance de la discipline. Qu’est-ce que la discipline ? C’est continuer à agir, que l’on soit motivé ou non, jusqu’à ce que cela devienne une routine quotidienne. »
Salim Dulloo ajoute fermement : « La discipline est le moteur de la croissance personnelle. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, son estime de soi et sa confiance en lui-même se développent naturellement. C’est à ce moment-là que les premiers succès commencent à apparaître. »
Tout commence progressive-ment, poursuit le père d’Abyan Coan Dulloo. « Nous nous fixons des objectifs, tant à court qu’à long terme. Il est essentiel d’établir ces objectifs en collaboration avec l’enfant et de célébrer chaque réussite. À chaque étape de son parcours éducatif, nous avons pris le temps de célébrer les accomplissements d’Abyan. »
Selon lui, une fois que son fils a pris goût au succès, la constance s’est naturellement développée. « C’est cette constance qui l’a conduit à son objectif ultime : devenir lauréat aujourd’hui. »
Comment les parents d’Abyan l’ont-ils accompagné dans son parcours ? « La pédagogie nous enseigne que tout passe par la motivation. Dès son plus jeune âge, nous l’avons motivé, d’abord par des facteurs externes, avant que cette motivation ne devienne intrinsèque. Nous lui avons inculqué la confiance en lui-même. Nous avons même anticipé ses succès, ce qui a renforcé sa confiance. Nous n’avons jamais cessé de croire en lui, et lui en nous. Il est primordial qu’un enfant sente que ses parents sont là pour lui. »
N’a-t-il pas le sentiment d’avoir sacrifié l’adolescence de son fils ? C’est une question « dure », répond Salim Dulloo. « Abyan serait mieux placé pour répondre à cette question. Ce que je peux dire, c’est que nous l’avons toujours soutenu, particulièrement lorsqu’il a démontré ses capacités académiques exceptionnelles. » Il rappelle que « pour atteindre de grands objectifs, des sacrifices sont nécessaires ».
Du reste, rappelle-t-il, Abyan est encore adolescent, il n’a que 16 ans. « Il est lauréat à 16 ans. Aujourd’hui, il peut profiter de son adolescence avec plus de sérénité, fort de cette remarquable réussite. »
Des sacrifices pour les parents aussi
Salim Dulloo explique avoir volontairement suspendu les travaux de construction de sa demeure à Highlands à cause des nuisances sonores : « Les travaux génèrent inévitablement du bruit et du désordre. J’ai donc choisi de privilégier la tranquillité de mon fils pour ses études, de lui permettre de se concentrer dans un environnement calme. C’est aussi un véritable soulagement financier, car je n’aurai pas à chercher les moyens de financer ses études supérieures. Nous reprendrons la construction de la maison une fois qu’il sera parti poursuivre ses études. »
Zarine Dulloo : « Il a travaillé très dur »
«Je suis extrêmement fière », déclare Zarine Dulloo, la mère de Abyan Coan, enseignante d’anglais au collège Aleemiah. « Le jour de la proclamation des résultats, je n’ai pas voulu aller travailler. C’était une journée stressante, et je ne voulais pas le laisser seul à la maison, de peur qu’il n’entende pas son nom. » Elle confie l’avoir préparé à l’éventualité d’un échec. « Contrairement à son père, je lui avais déjà dit : ‘Si tu ne réussis pas, ce n’est pas grave. Tu pourras recommencer.’ »
Elle s’est particulièrement investie dans son apprentissage du General Paper. Le défi majeur était de combler un écart de trois ans, Abyan ayant sauté plusieurs classes. Par conséquent, son vocabulaire n’était pas initialement au niveau de ses camarades plus âgés, explique-t-elle. Cependant, il a vite comblé cet écart. « Il s’est plongé dans une lecture intensive qui l’a aidé à enrichir son vocabulaire. Il dévorait les revues scientifiques et étudiait les essais des anciens lauréats. Sa capacité de compréhension était remarquable, sa structure rédactionnelle excellente, et il brillait particulièrement en littérature », dit-elle.
Quand on lui demande si son fils a un don, Zarine Dulloo répond : « Son QI ? Nous n’avons fait aucun test, mais je sais qu’il a travaillé très dur, contrairement à certains autres enfants. Un don, peut-être. Dieu lui a donné cette chance. » Salim Dulloo, le papa, intervient : « Ronaldo a dit : ‘talent without hard work is nothing.’ Ena enn lot saying ki dir : ‘hard work beats talent when talent does not work hard.’ On peut être doué, talentueux, mais sans travail, cela ne mène nulle part. »
Son épouse de renchérir : « Chaque jour à l’école, nous voyons des enfants qui ont du potentiel. La triste réalité, c’est qu’ils manquent souvent de l’encadrement parental nécessaire. » D’ailleurs, pour Salim Dulloo, « La chose la plus précieuse que vous puissiez donner à un enfant, ce n’est pas une tablette ou un téléphone portable, c’est votre temps. Aujourd’hui, les parents donnent facilement un portable à leur enfant, mais ils n’ont pas de temps à lui consacrer. »
Les parents d’Abyan évoquent avec gratitude Monsieur Bundhooa, son professeur de primaire en Grade 2, puis en Grades 5 et 6 à l’école Aryan Vedic : « C’est un enseignant pour qui nous avons un immense respect. Il pratiquait un enseignement différencié, adaptant sa pédagogie à chaque élève. Il donnait à Abyan des devoirs plus difficiles et l’encadrait. »
À quel moment ont-ils compris qu’Abyan pourrait aller plus loin ? Salim Dulloo revient à Monsieur Bundhooa : « Au niveau du PSAC, il nous avait dit : ‘to ou tar ou pou gagn enn gro sirpriz avek Abyan’. Sans préciser exactement quoi, il nous a fait comprendre que quelque chose d’important nous attendait. Au secondaire, Monsieur Kader Dowlut a poursuivi ce travail. Il a motivé Abyan et m’a donné de précieux conseils. Il est malheureusement décédé, mais je lui garde une profonde reconnaissance. »
Cependant, Zarine Dulloo ne peut s’empêcher d’avoir un pincement au cœur de savoir que son fils aîné la quittera bientôt. « Il peut se débrouiller. Il ne se nourrira pas que de ‘mines Apollo’. Mais il va me manquer. C’est mon aîné. »
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