Khalil Elahee, spécialiste des questions touchant l’islam, est catégorique : l’actuel État islamique est tout sauf islamique. Fondé par un groupe de marginaux en Syrie et en Iraq, il attire les autres à travers le monde. à son avis, la stratégie des États-Unis jusqu’ici, c’est d’éviter de faire disparaître le soi-disant EI.
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Un couple mauricien converti à l’islam s’est joint à l’État islamique et fait l’apologie de cette organisation. Est-ce que cela vous étonne ? D’abord, il faut rappeler que les conversions à l’islam se sont faites sans aucun problème pendant des siècles à travers le monde. Parmi nos ancêtres, nombreux ont embrassé l’islam et, ainsi, nous sommes nés dans des familles musulmanes. À l’exception de ce que vous mentionnez, les « convertis » ont toujours fait la fierté de la communauté musulmane. Ce sont souvent des gens de grandes convictions et d’engagement fondé sur la compréhension, des modèles pour les autres musulmans. Le problème est avec le soi-disant État islamique. Quant à l’invitation à le rejoindre, elle trouve un écho en l’appel de Donald Trump d’interdire les musulmans aux États-Unis ou encore des xénophobes en Europe de prendre uniquement des refugiés non-musulmans. Cela n’est pas étonnant, car les extrêmes se rejoignent finalement. L’État islamique séduit principalement des jeunes, dont des Mauriciens. Comment expliquez-vous cette tendance ? C’est surtout grâce à l’Internet. Il est impossible de s’éduquer uniquement avec des images et des sons, car cela ne mène pas à la réflexion, à l’esprit critique et à une prise de distance nécessaires à l’assimilation des connaissances. La lecture d’un texte, qui plus est du Coran et des traditions prophétiques, demande du temps afin d’approfondir une compréhension. La contextualisation est nécessaire. Or, avec les réseaux sociaux, par exemple, nous sommes dans l’instantané. Les jeunes « postent » des commentaires à une vitesse qui défie toute logique. Les réactions sur le web sont trop émotionnelles et souvent irréfléchies.
Le mode d’opération de l’État islamique fait croire aux non-musulmans que l’islam prêche la violence. N’est-ce pas ? L’islam n’a ni inventé la violence et encore moins ne la prêche. Au contraire, il enseigne comment la maîtriser. Il est intéressant de constater que la plupart des gens aux États-Unis qui associent l’islam à la violence, ou encore ceux qui votent en Europe pour les islamophobes, n’ont souvent jamais rencontré de musulmans dans le quotidien. Ils ont peur d’un vivre-ensemble, qu’ils pensent être impossible à la lumière de ce qu’ils voient dans les médias ou sur Internet. Les musulmans ont tort s’ils se referment sur eux-mêmes et refusent le dialogue constructif. Il faut davantage : un engagement commun pour le bien et contre le mal quel que soit leurs sources. Mais il faut aussi que les autorités, les représentants des autres religions, les journalistes, les enseignants et tous ceux qui refusent les extrémismes, n’enveniment pas les choses en faisant croire que l’islam, c’est l’EI.
Faut-il s’alarmer à Maurice ? Ici, nous avons une harmonie sociale fragile, mais bien vivante. La vigilance est essentielle, mais il ne faut pas exagérer en invoquant un état d’urgence ou même en appliquer des lois anti-terroristes qui stigmatiseront toute une communauté. L’éducation, la vraie et non celle qui se fait sur les réseaux sociaux, demeure prioritaire. L’engagement commun ne l’est pas moindre. Êtes-vous de ceux qui croient que l’État islamique est un produit de l’Occident ? C’est étrange que les superpuissances que sont les États-Unis, la Russie et tant d’autres pays n’arrivent pas à bout du soi-disant EI. Les deux ou trois millions de dollars de la vente du pétrole ne peuvent tout expliquer. Or, on a vu comment les Kurdes peuvent les combattre, même les milices chiites en Iraq peuvent les battre. Les Turcs ont préféré prendre comme cible les Kurdes et la Russie les opposants à Bashar. La stratégie des USA jusqu’ici, c’est d’éviter de faire disparaître le soi-disant EI. Et pourtant, lorsqu’il s’agit du Yémen, les mêmes alliés se déchaînent contre les Houthis, avec des troupes au sol venant du pays Golfe. Cela montre que le soi-disant EI a fait l’affaire de certains en empêchant l’Iran à surseoir son influence sur la région, et, à un moindre degré, à empêcher les Kurdes à aller plus loin. Le soi-disant EI a même donné une sorte de légitimité au pouvoir syrien. Mais, il faut savoir également que le problème a commencé avec ceux qui à Bagdad ont voulu éloigner les sunnites du pouvoir. Que c’est étrange aussi de voir que l’EI ne vient à la rescousse des Palestiniens. Un jour, nous saurons peut-être la vérité…
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