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Jusqu’aux élections…

On ne connaissait pas le secteur privé expert en science politique. Lui qui avait cru en une victoire de l’alliance rouge-mauve aux élections de 2014 a dû se faire tout petit pour accepter la compensation salariale uniforme de six cents roupies et l’embauche des grévistes de l’industrie sucrière. Et voilà qu’aujourd’hui, la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice, par la voix de son président, appelle à l’intronisation du fils du Premier ministre « le plus vite » afin de « maintenir la continuité » dans la « stabilité politique ». Comme s’il ne manquait que ça pour accroître « l’intensité de la reprise » !

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Il est un fait que les porte-parole du secteur privé s’alignent presque toujours sur le discours du pouvoir politique. Ils ont d’abord adhéré, sans aucune réflexion sérieuse, au slogan de « deuxième miracle économique » vendu par le gouvernement actuel. Puis, ils ont applaudi à tout rompre le budget de Lutchmeenaraidoo avant de le jeter aux orties. Ensuite, ils se sont extasiés devant l’Economic Mission Statement du Premier ministre pour ne plus en parler. Lorsque ce dernier prit les rênes des Finances, ils l’ont loué comme « the right man in the right place ». Arrive un nouveau Grand argentier, et ils le félicitent pour son « très bon budget ».

Mais alors, pourquoi venir encore proposer des mesures fiscales telles que « l’impôt négatif », une hausse du seuil d’exemption de l’impôt sur le revenu et des remboursements de la TVA ? Comment expliquer l’absence de « feel good factor » et de confiance ? Ce n’est pas que maintenant que la politique plombe l’économie, que l’économie est éclipsée par la politique. L’annonce de sir Anerood Jugnauth de son retrait comme chef de gouvernement a certes mis l’économie au second plan, mais celle-ci n’a jamais été à l’avant-poste, et ce sera ainsi même après l’installation de Pravind Jugnauth sur le trône, et ce, jusqu’aux prochaines élections générales.

Des analystes politiques pensaient que SAJ ne démissionerait pas sans avoir réalisé ses ambitions économiques et sans avoir « nettoyé » le pays. Or l’économie va plus mal qu’avant tandis que l’entreprise de nettoyage a entraîné plus de désordre dans l’administration du pays. SAJ partira sur un bilan négatif qui contraste singulièrement avec ses réalisations économiques des années 80. Comme pour montrer son amertume, c’est en répondant à une question d’un journaliste, et non par une déclaration toute préparée, qu’il a laissé entendre son départ. Ce qui n’avait pas l’air d’un adoubement !

La grande majorité des analystes économiques interrogés dans le présent baromètre ne croient pas à la venue d’un messie. Ils diffèrent de ces analystes politiques qui, voici cinq mois, écrivaient que le leader du MSM devrait faire ses preuves en tant que ministre des Finances avant de devenir Premier ministre. Ces derniers ne trouvent rien à redire maintenant alors qu’il n’a même pas encore produit des résultats. Il est vrai qu’en matière de méritocratie et de performance, ce gouvernement n’a pas tenu ses promesses jusqu’ici.

C’est plutôt une sinistrose qui a été créée dans le pays depuis la présentation du budget, avec les clashs au sommet de l’État, les insultes zoologiques proférées par d’honorables parlementaires et la pantalonnade des deux communiqués du Conseil des ministres. Cela a relevé le niveau d’incertitude au plan économique. Il est important pour les opérateurs que le gouvernement retrouve une certaine sérénité, condition nécessaire, mais insuffisante d’une reprise tout court. Ce n’est pas une question de stabilité politique, mais de clarification autour du centre de pouvoir politique. Il faut savoir qui décide quoi.
Rien ne présage toutefois un retour à la sérénité, une fois achevée la transition politique. L’indication de SAJ a eu ceci de fâcheux qu’elle a planté le virus politique dans la tête des gens. Dès lors, ils pensent moins au travail productif qu’aux spéculations politiques. De fait, l’île Maurice est entrée dans une atmosphère pré-électorale. D’ici aux élections générales, anticipées ou pas, on voit mal les investisseurs apporter de nouveaux capitaux, les entrepreneurs prendre des risques accrus, et les consommateurs dépenser davantage. L’économie fera du surplace avec une croissance atone.

En même temps, le climat socio-politique risque de se détériorer. Les partis de l’opposition ne cesseront de réclamer le rappel des urnes, les principaux titres de presse de dénoncer une rupture de contrat moral, les syndicalistes de manifester dans la rue, et les intellectuels de se joindre au concert des voix. Les soutiens du ‘Prime Minister-in-waiting’ eux-mêmes s’enferrent dans la polémique sur la légitimité de son éventuelle nomination. À quoi bon d’être le dirigeant suprême d’un pays devenu ingouvernable ? On continuera à jouir du pouvoir, mais sans l’exercer réellement.

On peut douter qu’un Premier ministre nouveau et sans expérience ait toutes les capacités de gérer efficacement de multiples pressions venant de toutes parts. Certes, tous les chefs de gouvernement ont eu un premier mandat, et beaucoup d’entre eux l’ont rempli avec brio. Mais ils ont réussi précisément parce qu’ils avaient obtenu un mandat populaire à travers des élections.

Après un gouvernement désorganisé, le prochain cherchera ses marques. Il sera paralysé par la crainte d’être impopulaire et n’appliquera donc pas de grandes réformes économiques. Déjà dans les limbes du Brexit, l’économie mauricienne pourra difficilement sortir de l’ornière sans un autre état de grâce post-électoral.

(www.pluriconseil.com)

 

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