Âgé de plus de 21 ans, le citoyen mauricien peut être appelé à être juré.
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C’est un devoir civique qu’on ne peut décliner que sous certaines conditions. Se faire inscrire sur la liste des membres du jury reste un acte volontaire.
Être juré, c’est faire partie d’un groupe de citoyens lambda, appelé jury, qui doit se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence d’une personne accusée d’avoir commis un acte criminel.
Il s’agit généralement de cas de meurtre ou d’assassinat référés à la cour d’assises. Pour être juré à Maurice, la personne doit être âgée de 21 à 65 ans et être familier avec l’anglais. Elle doit avoir résidé pendant au moins un an sur le sol mauricien et avoir un casier judiciaire vierge.
Outre ces conditions de base, le juge peut aussi dispenser une personne assignée de siéger à un procès si elle présente un handicap physique ou mental ; une femme pour raison médicale ou familiale. Par exemple, une femme qui vient d’accoucher ou encore une personne ayant atteint l’âge de 66 ans entre son inscription et sa convocation devant la cour peut être excusée par le juge. Une personne inscrite sur la liste des jurés peut être assignée à plusieurs reprises. Un refus délibéré de comparaître devant la cour pour la constitution des jurés, sans justifications, est passible d’amende.
La procédure de désignation des jurés est complexe. Elle se fonde sur une succession de tirages au sort parmi les citoyens inscrits sur la liste de la Cour suprême. Un mois avant que le procès ne soit fixé, 75 personnes sont tirées au sort des 6 000 noms enregistrés, par le Master de la Cour suprême.
À l’ouverture du procès, ces 75 personnes assignées doivent se présenter à la cour et il faut en choisir neuf pour constituer le panel de jurés. On procède alors à un nouveau tirage au sort en présence du juge, des avocats de la poursuite et de la défense. Lors de cette démarche, les hommes de loi peuvent contester sept jurés sans devoir fournir d’explications. Une fois le panel constitué, le juge donne des explications et directives concernant les responsabilités de chacun, et les neuf membres prêtent alors serment.
Les jurés devront alors désigner un porte-parole, soit le président du jury. Il sera le seul à pouvoir communiquer avec le juge. La constitution du jury terminée, les autres personnes assignées peuvent rentrer chez eux. L’introduction du système de jury aux assises à Maurice remonte à 1850.
Les femmes n’avaient alors pas le droit d’être membres du jury, jusqu’à l’amendement de la Jury Act en 1990. Pour être susceptible d’être désigné juré sur d’un procès devant les assises, il faut se faire inscrire sur la liste des jurés auprès de la Cour suprême. L’inscription se fait annuellement au Master & Registar du Registry de la Cour suprême au plus tard le 30 juin pour être sur la liste de l’année suivante.
Le rôle des jurés
S’ils font l’objet d’un mode de nomination original, les jurés sont des juges à part entière. Ils sont appelés à écouter l’affaire devant la cour et reçoivent une copie de tout document circulé lors du procès. Ils peuvent aussi prendre des notes. Après l’audition des témoins, ils assistent aux plaidoiries des avocats de la défense et de la poursuite. Le juge fait alors son summing-up, insistant sur les points à considérer et les détails à ne pas prendre en compte. Les jurés se retirent alors dans la Jury Room pour la délibération.
Ils discutent pendant des heures pour arriver à une conclusion : coupable ou non coupable. Après discussions, ils votent individuellement. Pour que le verdict soit acceptable, il faut une majorité obligatoire de 7 sur 9. Autrement, le juge refait son summing-up et la cour reprend l’affaire à zéro.
Dans le cas d’un procès devant un panel de jurés, il n’y a que la décision du jury qui compte. Le juge se fie à cette décision pour décider de la sentence du l’accusé déclaré coupable. Au cas contraire, le juge prononce l’acquittement de l’accusé. L’affaire jugée et classée, le jury n’a pas le droit de divulguer quoi que ce soit sur le déroulement de l’affaire et doit surtout respecter le secret du délibéré.
Isolement des jurés
Ce n’est pas dans tout les cas que les jurés doivent rester ensemble et isolés pendant toute la durée du procès. Cette décision dépend du juge qui préside la séance et de la gravité de l’affaire à être jugée. Dans les cas où les jurés sont isolés, le jour de la constitution du panel, ils sont autorisés, sous la garde rapprochée des huissiers, à rentrer chez eux pour prendre leurs effets personnels. à partir de ce moment, ils seront coupés du temps, du travail et de la famille jusqu’au verdict.
L’isolement des jurés vise à les protéger de toute influence extérieure et de les mettre à l’abri de tentatives d’intimidation ou de corruption. en général, ils sont surveillés de très près et confinés dans un endroit où ils n’ont aucun contact avec l’extérieur et ne peuvent parler à d’autres personnes. Ils sont véhiculés par la police entre leur lieu de confinement, généralement un hôtel, et la cour. à la pause-déjeuner, ils sont tous conduits dans un restaurant, où une zone isolée a été établie au préalable.
À l’ajournement, ils regagnent leur hôtel où ils peuvent discuter entre eux de l’affaire avant le dîner et le coucher. Dans des procès qui durent plusieurs semaines, les jurés peuvent demander une permission de visite de leur conjoint et enfants. Si le juge accepte cette demande, un jour et une heure commune sont retenus. Et c’est la famille qui vient à la rencontre des jurés dans leur lieu de confinement pendant une heure ou deux. Le verdict tombe, la séance levée, les jurés peuvent alors rentrer directement chez eux.
À signaler que le dernier procès devant les assises à avoir eu un panel de jurés isolés remonte à 2013 dans l’affaire d’Avinash Ramgotee, condamné à 37 ans de prison pour double meurtre.
Sir Victor Glover : « Ils sont là pour rechercher la vérité »
Avocat de profession depuis 1957, sir Victor Glover est nommé juge en 1976. Il est ensuite promu chef juge en 1988 et prend sa retraite en 1994. « Dieu sait si j’en ai vu passé des procès aux assises ! Mais je n’ai jamais eu de problèmes à me fier au verdict du jury, j’ai toujours eu affaire à des gens sérieux », affirme l’illustre homme de loi. Pour lui, il importe de bien guider les jurés.
« Il faut savoir jusqu’où on peut aller pour les guider et surtout focaliser sur les faits. Leur donner des pistes telles que quoi chercher, ne pas s’attacher aux détails, penser à la qualité des témoins. Il faut bien leur faire comprendre qu’ils sont là pour rechercher la vérité sans préjugés, ni opinions personnelles. » En d’autre mots, les jurés doivent se tenir à ce que dit la loi et c’est au juge de le leur expliquer. Les sentiments, les opinions, les détails insignifiants ne doivent pas être pris en compte.
« Il faut aussi pouvoir les convaincre que nous sommes ensemble, une équipe de 10 pour rechercher la vérité et pour que justice soit faite. Ce qui n’est pas toujours facile », souligne l’ancien chef juge. D’où il n’y a aucun contact personnel et physique entre le juge et les jurés tout au long du procès jusqu’à l’énoncé du verdict. S’ils ont des questions ou ont besoin d’explications, ils le font à travers leur porte-parole, soit le président élu à l’issue de la constitution du jury.
Sir Victor Glover de conclure que : « Dans la pratique, c’est toujours mieux de ne pas être seul à trancher, comme c’est le à la cour suprême. Il est bon de pouvoir s’appuyer sur un jury, soit neuf autres personnes qui partagent les problèmes et les responsabilités. »
Qui ne peut s’inscrire comme juré ?
Un policier, un homme de loi, un parlementaire ou tout autre fonctionnaire de l’administration judiciaire et pénitentiaire.
Me Yusuf Mohamed : « Le juré doit être impartial et ne pas manifester son opinion »
Être juré, c’est siéger aux audiences de la cour d’assises, délibérer sur les crimes et se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence d’un accusé. à cette fin, Me Yusuf Mohamed, Senior Counsel, insiste sur le fait que « le juré doit être impartial et ne pas manifester son opinion ». Tout avocat, que ce soit de la défense ou de la poursuite, impliqué dans le procès, a son mot à dire sur le choix des jurés. « Pour un jeune accusé, l’avocat de la défense peut privilégier, par exemple, une maman comme juré, pour jouer sur son instinct maternel. »
L’appartenance ethnique, le genre, l’âge, la maturité, l’influence sociale sont autant de critères que les avocats prennent en compte lors de la sélection des jurés. « On va privilégier surtout quelqu’un qui comprend bien l’anglais et qui n’est pas susceptible d’avoir des préjugés », résume Me Yusuf Mohamed.
Harold Iyempermall : « Une très lourde responsabilité »
Huissier de la Cour suprême pendant de longues années et aujourd’hui huissier libéral, Harold Iyempermall revient sur un procès où il était sommé d’accompagner un panel de jurés en isolement. « Il s’agit de l’un des plus longs procès de notre histoire qui a duré plus de 50 jours. Nous étions trois huissiers à accompagner les jurés dans leur moindre déplacement. »
Les huissiers sont aussi appelés à surveiller leurs moindres faits et gestes.
Pas de téléphone, pas de télévision, pas de radio, pas de journaux, aucun contact avec l’extérieur : la famille, les avocats, le juge... Pendant 52 jours, ils ont ainsi partagé « l’angoisse des jurés sur cette affaire difficile et complexe, impliquant des personnalités influentes ». Les jurés ne se séparent que pour dormir. « Et ce ne sera que dans la Jury Room au cours des délibérations que nous ne serons pas admis. »
Ainsi, chaque jour à l’ajournement des auditions, l’équipe de 12 (9 jurés et 3 huissiers) regagnait l’hôtel. « Nous leur accordions un moment pour discuter du déroulement de la séance du jour entre eux. Puis un moment d’intimité chacun dans sa chambre, avant le rendez-vous commun autour d’un verre et un brin de causette. Puis le dîner autour d’une table commune, toujours dans un lieu isolé des autres. Et après, au lit. » Ce rituel aura duré une cinquantaine de jours jusqu’aux plaidoiries.
« C’est comme dans les films. Et quand vous vivez tout cela en live, c’est vraiment un moment très fort. La plaidoirie de la défense agit comme un bulldozer et vous convainc de ses affirmations. La poursuite vient et détruit tout ce que l’autre a dit. Vous êtes totalement perdu. » Le juge résume les débats et les jurés s’enferment pour délibérer.
« Un huis clos d’une rare intensité où le sort de l’accusé est entre leurs mains : coupable ou innocent ? Ce n’est pas rien d’être juré ! Ces neuf citoyens lambdas ont une responsabilité très lourde. » L’affaire jugée et classée, jurés et huissiers retrouvent leur liberté. Ils se séparent d’embrassades et accolades. « Mais ce lien tissé reste toujours. »
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