Nous célébrons le 3 décembre la journée internationale des personnes handicapées. Le thème choisi cette année est « Vers une société durable et résiliente pour tous ». L’émancipation et l’insertion économique des personnes handicapées sont plus que jamais d’actualité. Mais, quels sont les défis et les obstacles à la contribution économique de ces personnes ?
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Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d'un milliard de personnes, soit environ 15 % de la population mondiale, ont une incapacité et, de ce nombre, 80 % vivent dans des pays en développement. À Maurice, selon Statistics Mauritius, il y a environ 29 287 bénéficiaires de la pension d’invalidité, dont 6 244 personnes sont considérées comme severely handicapped.
Si, dans le passé, la majorité des personnes en situation d’handicap étaient laissées à elles-mêmes, ne dépendant que sur la pension d’invalidité, aujourd’hui il y a une meilleure prise de conscience de leur sort, un meilleur encadrement et il y a plusieurs organisations gouvernementales et non-gouvernementales qui œuvrent pour leur bien-être socio-économique.
Les personnes en situation de handicap veulent contribuer à l’économie pour plusieurs raisons : elles estiment qu’un handicap ne rime pas avec incapacité et qu’elles peuvent bien entreprendre certains métiers ou activités comme n’importe quel citoyen. Elles veulent une intégration sociale et économique à part entière.
Elles veulent être financièrement indépendantes. Elles ont des talents ou des compétences qui peuvent profiter à la société. Elles veulent réaliser leurs rêves ou leurs ambitions et sont déterminées à réussir. Elles veulent être traitées à égalité avec les autres.
Les personnes handicapées veulent une intégration sociale et économique à part entière.
Mais quels sont les obstacles ? En effet, il y a plusieurs défis majeurs que les personnes en situation de handicap doivent affronter chaque jour. D’abord, il y a le transport inadapté. Des personnes qui veulent aller travailler ou étudier ne peuvent le faire, parce qu’elles ne peuvent voyager par le transport en commun. Voyager en taxi est coûteux.
Bien qu’elles bénéficient du transport gratuit, les personnes en situation de handicap ne sont pas remboursées pour les frais de taxi encourus. Autre défi majeur : les infrastructures qui ne sont pas disabled-friendly : Bâtiments avec marches et sans rampe, ascenseurs étroits qui ne peuvent accommoder un fauteuil roulant, facilités comme toilettes indisponibles, trottoirs aux surfaces inégales, etc.
La loi oblige les employeurs ayant plus de 35 employés à recruter des personnes handicapées dans une proportion de 3 % de l'effectif total de l'entreprise. Mais beaucoup d’employeurs ne peuvent recruter, car ils sont incapables de fournir un environnement propice en termes d’infrastructures et d’autres facilités.
Une forte prise de conscience de la nécessité d’œuvrer pour l’émancipation économique des personnes en situation de handicap a poussé les autorités et la société à réfléchir sur les changements pour mieux inclure tout le monde. Ainsi, on se met à penser les villes autrement, afin de transformer les infrastructures.
Le transport public connaît également des changements majeurs, avec l’introduction des autobus semi-low floor, même s’ils sont loin de résoudre le problème de l’accessibilité. Aujourd’hui, nous investissons davantage dans l’éducation et la formation des personnes autrement capables, en leur donnant la chance égale.
Au niveau de l’emploi, il est possible aujourd’hui pour des personnes en situation de handicap de travailler à la maison, car certains secteurs d’activités comme le multimédia ou l’ICT/BPO permettent de work from home. C’est un créneau à développer, car cela peut ouvrir des opportunités intéressantes pour les jeunes handicapés. Parlant de la technologie, l’ère numérique contribue également à une meilleure intégration avec l’apparition des applications mobiles qui facilitent la vie des gens.
Vibhesh Santoo : « Il y a un manque d’information sur les facilités »
Un jeune qui vit avec un handicap, Vibhesh Santoo excelle dans le multimédia. Cet ex-étudiant du Forest Side State College qui vient de terminer le HSC, partage le même avis que Kerishma Chareetur ou Yaaseen Edoo, concernant les obstacles liés à l’accessibilité des lieux.
Il pense aussi que l’avenir s’annonce bien, car il a eu l’occasion d’être formé dans différentes disciplines. Vibhesh est un jeune talentueux, il joue différents instruments de musique, la technologie multimédia le fascine et il a aussi eu l’occasion de participer à divers concours. Il dit que les autorités offrent beaucoup de facilités aux personnes handicapées, mais qu’il n’y a pas assez de communication pour informer les gens.
Yaaseen Edoo : « Le handicap n’est pas nécessairement synonyme d’incapacité »
Yaaseen Edoo, récipiendaire du Queen’s Young Leader Award, dit que la situation des personnes handicapées s’est beaucoup améliorée ces dernières années, mais il reste quand même beaucoup à faire.
« Le maitre-mot reste l’accessibilité, que ce soit le transport, les lieux du travail ou les facilités de loisirs, afin d’encourager les personnes handicapées à travailler, à sortir et à participer pleinement dans toutes les sphères de la vie. De nombreuses personnes handicapées ouvrent des magasins, des ateliers d’artisanat ou des petites entreprises ; d’autres deviennent vendeurs ambulants, couturiers, artistes, etc. Mais, il est difficile pour beaucoup de trouver un emploi. Il est triste de constater que certaines personnes en situation de handicap doivent mendier sur nos routes. »
Yaaseen Edoo, qui agit maintenant comme rédacteur de ‘Handicap Universel’, un journal social, ajoute que « Le handicap n’est pas nécessairement synonyme d’incapacité et les employeurs doivent réaliser qu’une personne handicapée peut contribuer autant qu’une personne normale, ou même plus, si elle a d’autres talents ou compétences. Donnez-lui la chance de s’épanouir.
On blâme toujours le secteur privé pour ne pas recruter assez de personnes handicapées, mais quid du secteur public? Il faut aussi éviter de recruter une personne handicapée que pour respecter la loi, mais il faut plutôt former cette personne, faire un suivi et l’aider à grandir dans son travail tout en améliorant ses compétences. »
Kerishma Chareetur : « Maurice a fait un énorme progrès »
Kerishma Chareetur, 27 ans, souffre d’un handicap, mais cela ne l’a pas empêché de devenir une ‘Chartered Certified Accountant’. En effet, elle obtint son accréditation ACCA, en avril dernier, et travaille maintenant pour une grande firme.
Elle pense que le pays a connu beaucoup d’amélioration en ce qui concerne le traitement des personnes handicapées. « Mais il y a beaucoup de problèmes concernant l’accessibilité, la mentalité des gens, etc. Enfin, Maurice est un pays en voie de développement et je pense que la société évoluera davantage. » Parlant des obstacles auxquels elle fait face, elle explique que les infrastructures sont inadaptées, par exemple, beaucoup de centres commerciaux ne sont pas équipés de rampes d’accès, de même que les lieux de culte.
Concernant, les espaces de stationnement réservés aux personnes handicapées, elles sont souvent occupées illégalement. « Je suis aussi consciente que beaucoup de personnes handicapées éprouvent des difficultés à trouver un emploi. Je comprends qu’un employeur craint qu’une personne handicapée ne peut pas être à la hauteur, mais il faut lui donner la chance. Qui sait qu’elle soit en mesure de contribuer d’une façon extraordinaire? »
Kerishma ajoute que, sur le côté positif, les personnes handicapées touchent maintenant une pension d’invalidité, même pendant l’enfance, ce qui n’était pas le cas auparavant. « L’accès aux écoles est maintenant plus facile, contrairement à ce que j’ai subi moi-même. C’est aussi bien que le gouvernement offre des facilités hors-taxes sur les véhicules adaptés, mais il faut aussi offrir des facilités d’emprunt. »
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