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Journée internationale du cancer : le long et douloureux combat des malades face à l’adversité

Le cancer bouscule et la vie bascule. Un diagnostic de cancer chez une personne fait l'effet d'un choc. Le défi de lutter contre la maladie s’avère très rude. De plus, l’annonce du diagnostic implique le passage du monde des bien-portants au monde des malades. En marge de la Journée internationale du cancer, observée le vendredi 4 février, Le Défi Plus donne la parole à des malades qui parlent de leur vécu sans tabou.

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Lysby Bazerd : « Le cancer était tabou »

Cela va faire 15 ans bientôt que Lysby Bazerd, aujourd’hui âgée de 62 ans, a appris qu’elle souffrait d’un cancer du sein. Le temps a passé, mais le traumatisme est encore présent. Heureusement, elle a pu compter sur le soutien de son défunt époux et de ses enfants dans ce moment sombre de sa vie. 

« J’avais remarqué une grosseur. Or, je n’y ai pas prêté attention, car il y avait certains membres de ma famille qui étaient en vacances à Maurice. Par la suite, j’ai ressenti des douleurs au bras. Je suis partie chez un masseur qui m’a conseillé d’aller voir un médecin. C’est là que tout a commencé », se souvient cette femme au foyer. Après des tests, les résultats ont confirmé qu’elle avait le cancer du sein au stade 2. Deux jours après, elle a subi une intervention chirurgicale dans une clinique privée. Toutefois, pour ses traitements, on lui a conseillé d’aller à l’hôpital, car les soins en privé étaient onéreux. « La première fois que j’ai mis les pieds à l’hôpital de Candos pour la chimiothérapie et la radiothérapie, je ne voulais plus y retourner, car j’étais effrayée. Je disais même à mon époux que je préférais mourir que de suivre les traitements », poursuit la soixantenaire. Cependant, elle a pris son courage à deux mains. Au final, elle a été bien encadrée et a reçu d’excellents soins. 

Elle se rappelle, comme si c’était hier, de la douleur qu’elle a ressentie lors de sa première séance de chimiothérapie. Elle a fait huit sessions au total. « Le premier jour, je ne pouvais pas manger et je rejetais. Au troisième jour, mes cheveux ont commencé à tomber. J’allais à mon rendez-vous à 7h00 pour rentrer à 15h00. J’étais vraiment épuisée par la chimiothérapie. À cette époque, le cancer était tabou, mais ma famille et mes amis me soutenaient et me remontaient le moral », souligne Lysby qui a fait sept semaines de radiothérapie. Chaque année, elle doit se rendre à l’hôpital pour un bilan de santé. 

Lysby Bazerd a rejoint l’ONG Link to Life qui aide les personnes atteintes du cancer. Elle avoue que cela lui a fait beaucoup de bien. « Je m’étais renfermée, mais aujourd’hui je vais beaucoup mieux. Je suis vraiment épanouie. Je dois dire que j’ai eu beaucoup de chance », conclut-elle.


Geeyanee AdjodhaGeeyanee Adjodha : « Je vis avec un sac »

Elle travaillait comme machiniste, mais sa vie a été chamboulée quand elle a découvert qu’elle souffrait d’un cancer du côlon. Geeyanee Adjodha, âgée de 58 ans, essaye de mener une vie normale, même si elle doit porter un sac à vie. 

« En 2014, je me sentais malade. J’avais des saignements quand j’allais aux toilettes.  J’étais vite fatiguée et essoufflée. On pensait que je souffrais d’hémorroïde. Pendant ces deux ans, j’ai beaucoup souffert. Ce n’est qu’en 2016 et après une biopsie que le verdict est tombé. Il s’agissait d’un cancer du côlon et j’ai dû être opérée au plus vite », relate notre interlocutrice. 

Geeyanee Adjodha avoue qu’elle avait peur quand le médecin lui a dit qu’elle devra porter un sac à vie. « C’était la seule solution. Les médecins m’ont rassuré que je pourrais mener une vie normale. Après mon opération, je n’ai pas pu manger et boire durant 16 à 18 jours. J’ai fait de la chimio et de la radiothérapie. C’était douloureux, surtout la chimio. C’était comme si des couteaux vous transperçaient le corps », ajoute la cinquantenaire. Depuis la découverte de sa maladie, son état de santé s’est fragilisé. Il y a des jours avec et des jours sans. 

Elle conseille aux personnes de se faire dépister pour éviter des complications. « À Maurice, surtout dans la classe moyenne, les personnes se tournent vers le docteur qu’en cas de douleur. Or, il est recommandé de faire un bilan de santé au moins une fois par an. Il faut savoir que le cancer est héréditaire. Ma grand-mère en souffrait », indique cette mère de deux enfants. Malgré tout, elle essaye de garder sa joie de vivre grâce au soutien des personnes qui sont passées par la même épreuve. « Pour faire face au cancer, il faut avoir un moral d’acier et être fort. Si on décourage le patient ou si celui-ci se sent démoralisé, la maladie prend le dessus. Il faut se battre pour aller mieux », avoue-t-elle.  

Les victimes de cancer sont « marginalisées » à Maurice, constate-t-elle avec regret. Quoiqu’il en soit, elle ne compte pas se laisser atteindre. D’ailleurs, elle vit pleinement sa vie et voyage beaucoup. Elle s’est rendue en Angleterre, en Afrique du Sud et à Rodrigues, car tout au long de sa vie, elle s’est sacrifiée et s’est concentrée sur sa famille.

 


Kanen Chelumbrum : « Dans ma tête, le cancer équivalait à la mort »

En 2015, alors âgé de 40 ans, Kanen Chelumbrum apprend qu’il souffrait d’un cancer. Il a été abasourdi. « Dans ma tête, le cancer équivalait à la mort. Cependant, j'ai eu la chance d'avoir toute ma famille et un solide groupe d'amis pour me soutenir. C'est avec leur aide et leurs conseils que j'ai pu garder le moral et rester positif », affirme notre interlocuteur. Pour lui, c’est la positivité qui est la clé. Il a lutté contre le cancer tout en gardant foi en Dieu. « J'ai rencontré de très bons médecins à Singapour. Je me souviens encore quand un spécialiste m'a dit ‘Si je te fais vivre jusqu'à 65 à 70... ça te va ? Dans ma tête, le maximum allait être cinq ans », se rappelle-t-il. 

Il se dit chanceux d’avoir été opéré par le Dr Cundasamy à Maurice. Ensuite, il a suivi huit séances de thérapie adjuvante. « En fait, ils étaient censés enlever un polype bénin, mais à l'intérieur, ils ont trouvé le second qui était cancéreux au stade 2. Ils ont enlevé un tiers de mon côlon », relate notre interlocuteur. Ce dernier confie que les séances de chimio, surtout les premières fois, étaient très dures. « J'étais préparé mentalement. Je buvais beaucoup d'eau, je marchais et je mangeais. Ce sont trois éléments clés pour être rapidement en forme pour le prochain traitement », ajoute-t-il.

À Singapour, on lui a demandé de prendre des médicaments à vie comme l’acide folique et le probiotique, entre autres, qui sont des « boosters ». « Je suis en forme, même si le futur est incertain. Vaincre le cancer, c'est comme avoir une seconde vie. Vous voyez les choses différemment. Mon conseil est de faire le bien, d’être bon et de rester positif. C'est comme ça que je vis », avoue Kanen Chelumbrum, qui confie également que le stress est à son summum avant chaque test.


Nooranee RahimbaccusNooranee Rahimbaccus : « Ma peau était brûlée »

Aujourd’hui âgé de 61 ans, Nooranee Rahimbaccus a été dépisté d’un cancer des cordes vocales il y a huit ans de cela. Cet homme d’affaires et président du village de Chemin-Grenier ne s’y attendait pas du tout. « On a pu détecter mon cancer du larynx, suite à des enrouements et des changements de voix. J’ai suivi un traitement de trois mois et des sessions de radiothérapie tous les jours, pendant un trimestre à l’hôpital », explique notre interlocuteur. Le traitement n’était pas si douloureux, mais les effets secondaires sont apparus peu de temps après. Il pouvait à peine manger. « Ma peau était complètement brûlée à cause des effets secondaires de la radiothérapie », relate-t-il. 

L’homme d’affaires est toujours sous traitement. Il doit aussi faire un bilan de santé chaque six mois, en cas de récidive. Il essaye de garder le moral, même si son système immunitaire s’est affaibli. Parfois, il se sent déprimé, perd complètement la voix et peut à peine parler. « Pour qu'un patient cancéreux se rétablisse complètement moralement, il faut un soutien total de la part de ses proches, en dehors du traitement médical », affirme-t-il.


Hausse du nombre de cas

Selon le National Cancer Registry (Annuel Report de 2019), par rapport à l'année 2018, le nombre total de nouveaux cas de cancer a augmenté de 12,1 %, avec une augmentation de 9,7 % chez les femmes et une augmentation de 15,5 % chez les hommes. 2 667 nouveaux cas de cancer ont été enregistrés. Parmi, le nombre total de cas de cancer chez les hommes est de 1 108. Chez les femmes, on a dénombré 1 559 nouveaux cas de cancer. 

Répartition par âge et par sexe : 

60 % de tous les cancers surviennent à Maurice chez les 60 ans et plus, dont 45,2 % de cas pour les hommes et 54,8 % de cas pour les femmes.
58,6 % des cancers chez les femmes surviennent pendant leurs années productives, soit de 15 à 64 ans.
49,5 % des cancers chez les hommes surviennent dans la tranche d'âge de 15 à 64 ans.
0,64 % des cancers surviennent chez les enfants de 0 à 14 ans.
L'âge moyen pour l'incidence du cancer chez les hommes est de 63,1 ans et de 60,7 ans chez les femmes.

Données sur la mortalité

Parmi les décès (toutes causes confondues) en 2019, 1 412 décès sont dus au cancer. 694 décès sont survenus chez les hommes, tandis que 718 décès ont été notés chez les femmes. Le sex-ratio (H/F) pour la mortalité est de 0,97

Le cancer du poumon (n = 125, 18,0 %) est la principale cause de décès par cancer chez les hommes, puis viennent le cancer de la prostate (n = 100, 14,4 %) et le cancer colorectal (n = 95, 13,7 %).
Le cancer du sein (n=212, 29,5 %) demeure la principale cause de décès par cancer chez les femmes, suivi du cancer colorectal (n=70, 9,8 %) et du cancer du poumon (n=53, 7,4 %).
Le rapport mortalité/incidence (IM) est de 0,63 pour les hommes et de 0,46 pour les femmes.

Le cancer chez les hommes  
Cancer Nombre  (%)
Prostate 176 15,9
Colorectal 154 13,9
Poumon 123 11,1
Estomac 75 6,8
Bouche et Pharynx 59 5,3
Lymphome 52 4,7
Vessie 51 4,6
Foie 36 3,2
Pancréas 34 3,1
Œsophage 29 2,6
Autres 319 28,8
Total 1 108 100

 

Le cancer chez les femmes  
Cancer Nombre  (%)
Sein 548 35,2
Colorectal 138 8,9
Utérus 135 8,7
Col de l’utérus 74 4,7
Ovaire 70 4,5
Poumon, trachée et bronche 58 3,7
Bouche et pharynx  37 2,4
Pancréas 37 2,4
Estomac 33 2,1
Lymphome  30 1,9
Autres  399 25,6 
Total  1559 100

 


La sensibilisation est de rigueur 

La pandémie de Covid-19 n’a pas épargné les personnes atteintes de cancer. Elles ont été paniquées de peur qu'une faible immunité n’augmente le risque d'être infectées par le virus. C’est ce qu’indique Raj Ramrachia, le fondateur et président de la Cancer Association (Canma). « Dans le monde et à Maurice, de nombreux patients atteints de cancer ont traversé une phase traumatisante avec les confinements et la pénurie de fournitures médicales », explique notre interlocuteur. Ce dernier est d’avis que la situation va s'améliorer lentement, mais sûrement, car la pandémie a mis tout le monde sur ses gardes au niveau des mesures sanitaires, des repas quotidiens et de la prise de note de tous les indicateurs de santé.

« 2021 a défié nos attentes de diverses manières. Le variant Omicron a menacé nos espoirs de mettre fin à la pandémie. Heureusement, les mesures rapides prises dans le monde, notamment dans la distribution des vaccins, ont fourni une protection et diminuent le nombre de décès », ajoute Raj Ramrachia. 

« À Maurice, notre centre de recherche sur le cancer est le CBBR. Il est déjà équipé de chercheurs et de scientifiques dévoués. Ceux-ci passent de nombreuses heures dans la recherche, mais ils ont besoin de plus de soutien et d'encouragement pour mener à bien leur excellent travail », indique-t-il. 


Selvina Moonesawmy, Programme Coordinator chez Link To Life : « Le dépistage précoce est primordial »

Selvina Moonesawmy

Quel constat faites-vous de la situation à Maurice ? 
La population à Maurice n’est pas assez consciente de la maladie.  Il y a un manque criant de sensibilisation auprès des personnes, surtout quand il s’agit des poches de pauvreté ou des régions vulnérables.  Souvent, nous recevons des personnes qui se font dépister à la dernière minute. Or, le dépistage précoce est primordial.

Qu’en est-il du nombre de cas ? 
Les dernières statistiques sont celles du National Cancer Registry de Maurice datant de 2019. En comparant les données de 2018 à ceux de 2019, on a dénombré 2 380 nouveaux cas, contre 2 667 il y a trois ans de cela.

Ensuite, le nombre de cas pour chaque type de cancer est divers. Il y en a qui augmente, comme le cancer colorectal chez les deux sexes et d’autres qui sont en baisse, dont le cancer du sein chez les femmes.

Type de cancer Sexe 2018 2019
Prostate  H 191 176
Sein  F 570 548
Colorectal  H 124 154
Colorectal F 104 138
Poumon  H 65 123

La sensibilisation motive-t-elle les personnes à se faire dépister précocement avec de meilleures chances de guérison ?
C’est le cas. Avec davantage de sensibilisation, les gens prennent conscience des ravages causés par le cancer et vont se faire dépister. Ainsi, ils reçoivent un traitement efficace. 

Est-ce que les traitements sont désormais plus accessibles ? 
Certainement, la chimiothérapie et la radiothérapie sont accessibles et gratuites à l’hôpital. Mais je tiens à préciser qu’il nous faut un service de qualité et holistique avec des appareils dernier cri pour un meilleur diagnostic ainsi que des traitements avancés quand les enfants sont concernés. 

 

 

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