La Journée internationale des droits des femmes est célébrée ce mercredi 8 mars. L’occasion de faire le point sur l’émancipation de la gent féminine et la parité homme-femme. En 2023, est-ce que la femme a besoin d’égalité ou de plus d’opportunités ?
Révolu le temps où les femmes étaient sous la tutelle des hommes, confinées aux tâches ménagères et à s’occuper des enfants. Aujourd’hui, les Mauriciennes font valoir leurs talents à différents niveaux : professionnel, politique et économique. Néanmoins, malgré les avancées, il reste encore du travail à faire pour une meilleure émancipation des femmes.
La fondatrice et directrice de The Talent Factory, ainsi que militante des droits des femmes, Marie-Noël Elissac-Foy, ne dira pas le contraire. Elle pense qu’il faut plus d’opportunités pour les femmes. « Par la force des choses, on s’est beaucoup focalisé sur le coaching, le mentoring, l’affinement des compétences des femmes », explique-t-elle.
Aujourd’hui, en 2023, il faut plus que cela. « Ce qui manque, c’est le ‘next step’. Il est temps d’investir dans les femmes. Quand il s’agit de financer des projets ou un business, on constate un écart important. Les femmes ont besoin d’opportunités réelles et concrètes », souligne Marie-Noëlle Elissac-Foy.
Concernant l’égalité des genres dans les entreprises, elle estime qu’il faut un « engagement », surtout au niveau de la sphère corporate. « Combien d’entreprises ont un KPI stipulant qu’il faut 30 % de femmes au niveau du leadership ? Combien s’y engagent réellement ? Souvent, il y a des promesses mais rien de concret. Il faut des directions inclusives. C’est au niveau de l’upper management qu’il manque cette égalité. Pour cela, il faut des opportunités », dit-elle.
Marina Ythier-Jacobz, fondatrice et directrice de Maluti Communications, abonde dans le même sens. Elle avance qu’il faut plus d’opportunités pour atteindre l’égalité à certains niveaux. « C’est cela qui manque. Chaque fois qu’on a donné à la femme des opportunités, elle a démontré qu’elle était supérieure à l’homme. Or, si on prend les Top 100 Companies, les femmes sont absentes des boardrooms », regrette-t-elle.
Elle évoque le « plafond de verre » toujours présent en 2023. « La société est dominée par les hommes dans toutes les sphères : business, politique... » Elle concède néanmoins qu’il y a eu des avancées. « Des femmes ont réussi à percer. Il y a eu des lois pour l’égalité des genres. C’est dommage qu’il faille toujours des lois pour que la femme ait des opportunités », lance Marina Ythier-Jacobz. Mais malgré les obstacles sur le chemin des femmes, « nou manz ar li ».
Comment créer ces opportunités ? Cela passe par l’éducation, est d’avis la syndicaliste Jane Ragoo. « Dès la maternelle, il faut montrer aux filles et aux garçons qu’on est tous égaux devant Dieu. C’est à l’école qu’on nous divise et que nous créons des stéréotypes. La fille, bien qu’elle fasse mieux à l’école, grandit dans une société patriarcale qui lui fait penser qu’elle est un être inférieur. »
D’ailleurs, déplore-t-elle, « même à la maison, certaines femmes ont besoin de l’aval de leur époux/conjoint si elles veulent faire quelque chose. Ce n’est pas normal ». D’où l’importance, insiste-t-elle, de mettre l’accent sur l’éducation. Jane Ragoo estime que si on élimine la discrimination dès un jeune âge, cela « normalisera » le fait que la femme et l’homme peuvent faire les mêmes choses : travailler, s’occuper des tâches ménagères, des enfants, et autres.
Dans la foulée, la syndicaliste indique qu’il faut expliquer aux femmes qu’elles ne doivent pas se laisser stigmatiser au travail, entre autres. Elle évoque la disparité salariale homme-femme dans divers domaines. Si Maurice est avant-gardiste quand il s’agit des lois, il reste que la mentalité ne suit pas. « La femme doit dénoncer la violence, la discrimination, le harcèlement… Il y a tant de choses qui restent à faire pour que la femme s’épanouisse davantage. Les hommes et les femmes doivent travailler de concert pour trouver des solutions. »
En entreprise : du progrès mais…
Il y a une sensibilisation générale sur l’égalité des chances pour tous. Avis exprimé par le président de l’Association des professionnels des ressources humaines, Areff Salauroo. « Les femmes sont compétentes et reconnues dans plusieurs domaines. Par exemple, une personne qui est malade ne va pas considérer le fait qu’il s’agit d’un médecin homme ou femme. C’est la compétence qui prime et qui est décisive aujourd’hui », souligne Areff Salauroo.
Certes, il y a du retard à rattraper. « La volonté est là. Il faut continuer à éduquer et à sensibiliser à ce sujet », dit-il, tout en précisant que les opportunités sont ouvertes aux hommes et aux femmes
De son côté, le Chief Operating Officer (COO) de Business Mauritius, Pradeep Dursun, fait valoir que l’émancipation de la femme, sa contribution et sa participation dans la vie active, tant sur le plan social qu’économique, sont bien plus « prononcées » qu’il y a quelques années. « En 2023, on peut dire que la femme est une partenaire majeure et privilégiée. Il y a eu un cheminement. Dans beaucoup de sphères de la vie, il y a cette notion de parité. »
Cependant, le COO concède qu’« il y a des secteurs où la femme est encore sous-représentée. Ce n’est pas par manque d’envie mais c’est plus une question d’opportunités, de formation ». Malgré tout, la femme se fraye un chemin dans des domaines jusqu’ici dominés par les hommes, tels que la construction et bien d’autres.
Néanmoins, Pradeep Dursun évoque un facteur qui freine l’épanouissement professionnel de la femme. « La société a donné le rôle de caregiver à la femme. Certaines délaissent leur travail pour prendre soin de leur famille. Du coup, elles paient une sorte de ‘motherhood penalty’. »
Le COO pense que pour permettre à la femme de continuer de s’épanouir, il faut une « répartition équilibrée des rôles ». « L’homme a également un rôle à jouer au sein de la famille. »
Témoignages
Venna Pavaday, entrepreneuse et investisseur : « Soyez confiante »
« En comparaison à il y a 10 ans, il y a eu des progrès en matière d’égalité. L’égalité est plus prononcée dans certains domaines de la vie et moins dans d’autres. Une étude approfondie est nécessaire pour bien comprendre où se posent aujourd’hui ces questions.
En tant qu’entrepreneuse, j’ai très rarement été confrontée à des problèmes d’égalité en raison de mon sexe. Dans certaines réunions certes, je me suis sentie exclue et j’ai reçu moins de considération que les hommes. Au fil du temps, cependant, j’ai surmonté cela en étant ferme, audacieuse et franche, et cela a changé.
Je crois que l’inégalité peut être encore réduite par la façon dont les femmes prennent position et affichent leur confiance en soi. Mon message à toutes les femmes est d’être confiantes, d’avoir une haute estime de soi et d’être toujours fortes et concentrées sur ce qu’elles veulent dire, faire et réaliser. »
Medha Bhageerutty, People and Culture Manager : « Il reste du travail à accomplir »
« Le mot ‘ppportunité’ signifie littéralement ‘temps ou ensemble de circonstances qui rendent possible la réalisation de quelque chose’. Donc, si nous voulons savoir si les femmes bénéficient aujourd’hui de l’égalité des chances, nous devons nous demander si le temps ou l’ensemble des circonstances leur sont favorables par rapport aux hommes.
Historiquement, les femmes ont toujours été marginalisées dans la société, mais les choses changent. Dans la plupart des pays développés, les groupes et les opinions en faveur de l’autonomisation des femmes sont plus nombreux que jamais au sein de la communauté. Les entreprises formulent désormais des politiques de plus en plus mûres pour traiter les questions d’inégalité entre les sexes, de harcèlement, de la parité en termes de rémunération. Ces politiques aideraient un plus grand nombre de femmes à entrer sur le marché du travail et obtenir des résultats équivalant à ceux du sexe opposé.
La Journée internationale des femmes 2023 est un rappel important du travail qu’il reste à accomplir pour parvenir à l’égalité des droits entre les deux sexes, mais c’est aussi une célébration des progrès réalisés à ce jour. »
Asrita Jankee, Marketing & Communication Lead : « L’égalité est un droit fondamental »
« En 2023, la question de l’égalité des sexes est plus que jamais d’actualité. Cependant, la véritable réponse à cette question réside dans la reconnaissance que les femmes ont besoin à la fois d’opportunités et d’égalité. Les deux approches sont complémentaires.
Il est important que le gouvernement, les entreprises et la société dans son ensemble travaillent ensemble pour éliminer les obstacles à l’égalité des sexes. Cela pourrait inclure des politiques telles que la parité salariale, des programmes de mentorat et de coaching pour les femmes, des congés parentaux flexibles et des mesures pour promouvoir une culture d’entreprise inclusive.
Les femmes doivent avoir les mêmes chances que les hommes pour accéder à l’éducation, à l’emploi et aux postes de direction, ainsi qu’à des salaires égaux pour un travail égal.
Il est temps de reconnaître que l’égalité des sexes est un droit fondamental et que nous devons travailler ensemble pour garantir que les femmes aient les mêmes opportunités et droits que les hommes, quelles que soient leur origine, leur race ou leur orientation sexuelle. »
Une cadre du privé : « Il faut une répartition égale des responsabilités »
« Je crois qu’il n’y a pas d’égalité en dehors du travail, pas forcément à cause de la pression sociale mais de la façon dont nous sommes programmées en tant que femmes. Peu importe les exigences de notre emploi ou notre carrière, nous consacrons le peu de temps qu’il nous reste à nos rôles de mère, épouse, femme au foyer, caregiver.
Les femmes atteignent un point de bascule et sentent qu’il y a un choix à faire entre leur progression professionnelle et leurs responsabilités en dehors du travail. Les entreprises ont un rôle crucial à jouer afin de soutenir les femmes (par exemple, des modalités de travail flexibles), ce qui leur permettrait d’avoir une carrière réussie, tout en s’occupant de leur famille.
Ces dispositifs devraient également être accessibles aux hommes pour leur donner la possibilité de partager les responsabilités avec leurs partenaires, tout en soutenant pleinement leurs aspirations professionnelles. Sans une répartition égale des responsabilités entre les hommes et les femmes, celles-ci seront toujours à la traîne lorsqu’il s’agit de gravir les échelons de carrière. »
Une Permanent Secretary : « Il y a des opportunités »
« J’ai intégré la fonction publique à l’âge de 19 ans. J’ai gravi les échelons petit à petit. J’ai eu la chance de suivre des cours de formation. Par mon parcours, je peux dire qu’il y a des opportunités pour les femmes et les hommes au sein de la fonction publique. Le fait d’avoir été affectée à divers ministères m’a aidée dans mon cheminement car j’ai acquis de l’expérience et des connaissances. J’ai aussi fait preuve de persévérance et de dur labeur. Mon plus grand soutien a été ma famille et cela m’a été grandement bénéfique. »
Disparité salariale
L’article 16 du Workers Rights Act stipule que le salaire doit être égal pour un travail égal depuis octobre 2019. « Maurice a également ratifié les conventions 100 et 111 du Bureau international du travail pour qu’il n’y ait pas de disparité. Ce qui est conforme à l’article 16 », explique la syndicaliste Jane Ragoo.
Elle avance que la disparité salariale ne se pose pas dans le secteur public mais plutôt au niveau du privé. « C’est surtout quand un employé n’est pas syndiqué que les choses se corsent, car selon l’Employment Relations Act, c’est le syndicat qui peut négocier pour un accord collectif », rappelle-t-elle.
Du côté de Business Mauritius, Pradeep Dursun indique que le principe de base reste un salaire égal pour un travail égal, peu importe le genre.
« Il n’y a aucun contentieux. Ce principe est appliqué par les employeurs. Business Mauritius sensibilise ses membres à ce sujet car le salaire n’a rien à voir avec le genre. »
Cependant, des disparités existent dans certains cas. « Il se peut qu’un homme et une femme travaillent dans le même secteur, mais que la nature de leur tâche, la quantité de travail et les heures ne soient pas les mêmes. C’est ce qui explique la différence de salaire entre eux. »
Pradeep Dursun cite l’exemple de la construction. « Un homme peut faire un travail de crépissage et toucher plus d’argent en ayant les compétences nécessaires pour le travail. Alors que la femme peut être une main-d’œuvre semi-qualifiée ou non qualifiée. Il est normal que l’homme touche plus. »
Les secteurs où les hommes touchent plus que les femmes | |
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Secteur primaire (agriculture, pêche) | |
Homme | Rs 18 700 |
Femme | Rs 13 300 |
Secteur secondaire | |
Homme | Rs 21 300 |
Femme | Rs 14 700 |
Secteur tertiaire | |
Homme | Rs 26 900 |
Femme | Rs 20 800 |
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