Est-ce que les jouets exercent le même attrait sur les enfants qu’autrefois ? Est-ce que ces derniers les attendent avec le même intérêt ? Ce sont les deux questions, parmi d'autres, que Le Défi Économie a posées à un importateur et à l’universitaire Christina Chan-Meetoo, qui répond également comme mère de famille.
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Deux événements ont toujours conféré à la fête de Noël son cachet magique : la messe de minuit, dans la nuit du 24 décembre, célébrant la naissance de Jésus Christ, et la « découverte » des cadeaux au pied du sapin par les enfants à leur réveil le lendemain. Les deux événements ont perdu de leur importance. Mais c’est sans aucun doute celui relatif aux cadeaux qui a le plus contribué à enlever à la fête sa dimension féerique.
Finies les références au cow-boy, avec la ceinture au pistolet, le stetson pour les garçons, et chez les filles les poupées Barbie n’ont plus le même attrait. « C’est l’époque qui a changé, car les jouets ont toujours été le reflet des tendances culturelles qui sont fixées aux États-Unis. Dans les années 60-70, le héros dans le western a été le modèle des garçons alors que les poupées avaient la cote chez les filles. C’est le moderne occidental qui a toujours imposé ses modèles culturels. Aujourd’hui, ceux-ci sont incarnés par le monde du showbiz et fortement relayés par lnternet», explique Alain Fok Chak, le directeur marketing de Wing Tai Chong.
L’heure est au triomphe des super-héros, dont les exploits ont été décuplés par les producteurs américains grâce aux moyens énormes mis dans les films. Mais ces productions ne se limitent pas qu’à la diffusion à l’écran, elles sont servies par une campagne publicitaire avec des gadgets à l’effigie du super-héros. « Ce sont ces gadgets qui influencent les petits, au même titre que le film». Comme la culture américaine est internationale, ces gadgets, confectionnés en masse en Chine et objets de contrefaçon comme tout produit très demandé, sont invariablement commercialisés à Maurice.
« Il faut aussi compter sur les chaînes satellitaires qui constituent un relais très important comme influence auprès des enfants », fait ressortir Alain Fok Chak.
Est-ce que les jouets, à l’ère de l’informatique et de la connexion internet, sont en train de rendre les enfants individualistes, en rétrogradant, voire « ringardisant » les jeux de société qui avaient l’avantage de rassembler parents et amis autour du Monopoly, par exemple ? « Si cela s’avère, ce sera une menace réelle sur la société mauricienne qui a besoin de vivre ensemble, dans la solidarité et le partage. Si le jouet, qui a pour vocation première de distraire, se transforme en un objet qui enferme l’enfant, cela signifie qu’il est en train de le conditionner de manière négative », fait valoir Alain Fok Chak. Mais ce dernier ne désespère pas, car, dit-il, la technologie a encore des capacités pour se réinventer afin de concevoir des jeux en ligne qui réuniraient plusieurs personnes.
Quant aux jouets électroniques déjà présents à Maurice et dont les ventes risquent a coup sûr de se multiplier durant les prochaines années, il faut encore que les importateurs mauriciens se conforment aux normes internationales. Mais, ce pari est encore loin d’être gagné.
Christina Chan-Meetoo : «Les téléphones intelligents peuvent être utilisés pour stimuler l'intelligence»
Quelle est la fonction du jouet ? Revêt-il une dimension de classe ? Faut-il qu’il soit totalement ludique, pédagogique ou les deux ?
Le jouet peut remplir de multiples fonctions. On pense en premier lieu à la fonction ludique pour le plaisir et le divertissement de l'enfant. Il remplit aussi une fonction pédagogique, qu'on le veuille ou non. Dès sa naissance, l'enfant est exposé à de multiples stimuli qui lui permettent de se développer physiquement (motricité fine), mentalement (langage et mathématiques), créativement (imagination) et socialement (joie et partage). Les jeux et les jouets font partie de ces stimuli au même titre que les autres objets et êtres vivants qui l'entourent, à la différence qu'ils sont socialement marqués et magnifiés comme appartenant à la sphère enfantine (même si le monde contemporain intègre de plus en plus la notion de jeux et jouets pour adultes). Bien sûr, il y a différentes catégories de jouets pour les différentes tranches d'âge et, trop souvent, en fonction du genre et certains jouets sont plus pédagogiques que d'autres.
Le jouet est souvent investi d'une symbolique forte, car il est utilisé pour récompenser l'enfant sage ou pour témoigner de son amour envers l'enfant. La fête de Noël est synonyme de jouets pour les petits et cela peut donner lieu à des choix irrationnels, car les adultes pensent qu'il faut à tout prix donner de multiples jouets ou des jouets plus gros d'année en année sans penser à la qualité et à l'utilité, voire l'utilisation qui en sera faite. On serait effaré du nombre de jouets qui sont à peine utilisés par l'enfant au bout d'un mois et qui finissent aux oubliettes, ce qui représente un grand gâchis.
La dimension de classe est certainement présente dans l'achat et l'exhibition des jouets obtenus par l'enfant. Il y a des familles qui peuvent financièrement suivre les modes de nouveaux gadgets dans le cercle d'amis de leurs enfants et il y en a pour qui c'est une pression supplémentaire difficile à soutenir. Malheureusement, nous participons de plus en plus au phénomène de la gratification instantanée recherchée par nos enfants et, sans le savoir, nous participons ainsi à créer des adultes de demain qui seront impatients et probablement perpétuellement malheureux. Nous affichons aussi nos inégalités socio-économiques en opérant des comparaisons mentales entre les cadeaux obtenus par les enfants.
Le jouet tendra-t-il à devenir asexué au regard des objets technologiques, dont les téléphones dits intelligents ? Est-ce une bonne chose ?
La tendance est toujours la division sexuée pour les jouets traditionnels (poupées pour les filles vs fusils pour les garçons, sans parler des couleurs). Il n'y a qu'à voir les brochures et rayons des supermarchés en ce moment ! Mais c'est vrai que les objets technologiques tendent à estomper cette division en termes de hardware, même s'il peut y avoir des différences au niveau des jeux (jeux de combat pour les garçons vs jeux de cuisine pour les filles). C'est certainement une bonne chose que la division sexuée devienne moins marquée, car cette division a trop longtemps été tyrannique, enfermant les genres dans des cases simplistes et stéréotypées qui alimentent les problèmes de societé.
Il faut cependant trouver un juste milieu et permettre aux enfants d'être exposés à des stimuli divers (non seulement technologiques mais aussi environnementaux et sociaux). Les jouets traditionnels comme les objets technologiques, tels que les téléphones intelligents, peuvent être utilisés pour stimuler l'intelligence et la créativité des enfants, tout en étant ludiques si on sait pourquoi et comment on le fait.
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