Johny Latour : «Les habitants de Roche-Bois, ma bataille»

Une émeute était à deux doigts d’éclater au rond-point Kaya le 18 février 2018. Des habitants s’élevaient contre l’exercice de recrutement à la Cargo Handling Corporation.

À la suite de cette manifestation jugée illégale par les autorités, Eliézer François et Johny Latour, en tête, sont arrêtés. Ce dernier, porte-parole du Group Zenfan Roche-Bois, a fait des jeunes de sa localité son cheval de bataille. Portrait d’un ancien videur reconverti dans le social.

Mardi, le Group Zenfan Roche-Bois est revenu à la charge en tenant une manifestation devant la Government House. Les manifestants réclament un travail décent et plus de méritocratie dans le recrutement à la Cargo Handling Corporation (CHC). Johny Latour (48 ans), alias Zaponnais, a grandi et vécu à Roche-Bois, faubourg de la capitale. Il connaît cette région comme sa poche. Il n’y a non seulement le quartier résidentiel, mais aussi la zone portuaire. D’ailleurs, aujourd’hui, son fer de lance est le recrutement des enfants de Roche-Bois à la CHC.

Johny Latour ne fait pas dans la dentelle. Il soutient que « Mer Rouge pass divan nou la portt. Nou ti la pess pwasson dan la Mer Rouge. Nou vann pwasson pou sibvenir a nou bann
bezwin ». Pour lui, il est inconcevable que le soir « pa kapav dormi. Tapaz gro kontener deranz nou alor ki dimoun an dehor ki gayn travay ». Le porte-parole du Group Zenfan Roche-Bois considère qu’il s’agit d’une injustice contre laquelle lui et ses pairs comptent faire barrage.

Mais Johny Latour ne pouvait présager qu’il allait être versé dans le social. À son jeune âge, Zaponnais a dû abandonner ses études tôt,  n’ayant pas réussi aux examens du Certificate of Primary Education (CPE). Issu d’une famille modeste, le jeune homme bosse dur, afin de subvenir aux besoins de ses proches. « Mo ti vann pom, zoranz dan Porlwi. Apre monn sarye panyer dan bazar. »

C’étaient les premiers pas de Johnny Latour dans le monde du travail. Après avoir soufflé ses 18 bougies, il prend place à bord d’un bateau de pêche, mais ne poursuit pas l’aventure. Ce n’est pas pour autant qu’il cesse de « trass lavi-la paski nou ti pov ». Père de quatre enfants, il exerce comme aide-maçon. Adepte de karaté et de forte corpulence, Johny Latour caressait le rêve de faire carrière dans les forces de l’ordre. Mais ses ambitions s’éclipsent après son échec au CPE.

Johny Latour offre ses services comme bouncer à des hommes d’affaires. Il assurera la sécurité à la maison de jeu L’Amicale, à Port-Louis. Le 23 décembre 1999, son lieu de travail est pris d’assaut par des têtes brûlées à l’issue d’un match de foot, mettant aux prises la Fire Brigade et le Scouts Club. Johny Latour se souvient comme si c’était hier. Il dit s’être démené comme un beau diable pour sauver des vies ce jour-là. « Mo mem in sap lavi bokou dimoun kan Lamikal ti pran dife. Monn fer seki mo kapav. » Ce geste héroïque lui avait valu une reconnaissance par l’État à l’époque.

Après l’incendie de L’Amicale, Johny Latour retourne travailler au port. Il y est toujours. Journalier, lui et ses collègues débarquent des poissons. « Mo rant dan lakal tir pwasson lor file. » Entre-temps, le sort des sans domicile fixe l’interpelle. « Le social, c’est mon dada. Quand j’étais jeune, je faisais partie d’un mouvement de scouts. Plus tard, on a aidé les SDF et je suis parmi ceux qui ont créé l’Abri de Nuit. » Son rêve, c’est de donner la chance aux habitants de Roche-Bois d’être embauchés au port.

Arrêté pour rassemblement illégal

Le 20 février dernier, la police a arrêté Johny Latour, président du Group Zenfan Roche-Bois. Il est accusé d’avoir participé à un rassemblement illégal. À sa comparution en cour, il a été libéré contre une caution de Rs 3 000 et après avoir signé un engagement de dette d’un montant de Rs 15 000. « Je n’avais pas d’argent pour m’acquitter de ma caution de Rs 3 000. Mo bann kamarad Zanfan Roche-Bois kinn paye mo kosyon. Je tiens à les remercier. »