Jane Lubchenko estime que Maurice n’est pas à l’abri des dangers liés à l’acidification des océans. L’envoyée spéciale des états-Unis sur les sciences se dit aussi très impressionnée par le niveau des jeunes scientifiques mauriciens.
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« L’acidification des océans a augmenté de plus de 30 % en 150 ans… Il ne faut pas se ruer vers des initiatives attrayantes au détriment des actions durables. »
Quel est le but de votre visite à Maurice ?
Je suis l’envoyée spéciale du gouvernement américain sur les questions scientifiques. Ma présente mission est de travailler spécifiquement sur les changements dramatiques qui affectent les océans avec la montée du niveau et le réchauffement des océans. Pour cela, j’ai eu des échanges avec les parties concernées pour un partage d’informations sur cette question importante.
Biologiste de la flore marine
Le Dr. Jane Lubchenco est l’envoyée spéciale des sciences des états-Unis. Elle est une scientifique américaine et une biologiste de la flore marine. Elle a été la première femme nommée à la tête du National Oceanic and Atmospheric Administration. Elle a aussi été présidente de l’International Council for Science, de 2002 à 2005. Le 25 mars 2015, elle a reçu (conjointement avec Madhav Gadgil, un scientifique indien) le Prix Tyler pour ses travaux sur l’environnement et le changement politique.
Quels sont les dangers qui nous guettent ?
On note de plus en plus une acidification des océans. L’océan Indien n’est pas épargné par ce phénomène. Je suis là en tant qu’experte pour expliquer les impacts d’un tel phénomène sur un pays. Les informations scientifiques peuvent nous aider à comprendre ce qui se passe aussi bien dans les océans que sur terre. Tout dépend de nos actions pour mitiger les impacts ou aggraver la situation.
Avons-nous un choix à faire ?
Le choix c’est de trouver de nouvelles méthodes pour ne pas répéter les erreurs du passé. Pour résumer, il faut user et non abuser des ressources que nous offre les océans.
Vous étiez à Maurice l’année dernière dans le même cadre. êtes-vous satisfaite du suivi de vos recommandations ?
J’ai effectivement noté un grand intérêt, l’année
dernière, pour le nouveau concept de l’économie bleue, comme prôné par le gouvernement mauricien. J’ai eu des sessions de travail avec les autorités concernées, les chercheurs de la faculté de science des océans de l’université de Maurice et des étudiants. Un an après, je me suis tournée vers ces mêmes personnes et aussi vers la présidente de la République. Mais ceux qui m’ont le plus impressionnée sont les jeunes scientifiques mauriciens. Je pense que les actions initiées sont un pas dans la bonne direction. Il est important d’avoir un planning que l’on peut ensuite appliquer sans problème.
Qui serait responsable de la planification et son application éventuelle ?
Je pense que le National Ocean Council, qui sera mis sur pied par le gouvernement mauricien, devra avoir les pleins pouvoirs pour réfléchir à des actions soutenues et durables dans l’utilisation de l’océan.
Est-ce que Maurice peut compter sur le soutien des états-Unis sur ce dossier ?
Mon rôle est de conseiller, de partager mes connaissances et d’interagir avec de jeunes scientifiques qui sont responsable de l’avenir. Je dois dire que je suis très impressionnée par les jeunes scientifiques mauriciens. Ils sont intelligents, passionnés par ce qu’ils font et enthousiastes. Mais le plus important est qu’ils ont soif d’apprendre. Je compte sur l’ancienne génération pour les encadrer afin que l’avenir soit assuré.
Quid des perspectives qui s’offrent à ces jeunes scientifiques ?
Eux aussi m’ont posé cette question. Je leur ai dit que cela dépendait uniquement d’eux de saisir les occasions s’offrant à eux et make things happen. Les jeunes étudiants dans ce domaine que j’ai rencontrés ont aussi un énorme potentiel qu’il faut exploiter.
Que devrait faire Maurice pour ne pas commettre les mêmes erreurs d’autres pays, mettant en danger l’océan et les ressources qu’il contient ?
Il faut se connecter à l’océan. Il faut aller au-delà de ce qui est visible, mettre la tête littéralement sous l’eau et ne pas s’arrêter à la surface. Ce n’est pas seulement à Maurice de le faire, mais aussi à d’autres pays.
Pourquoi dites-vous cela ?
J’ai cru comprendre que bon nombre de mauriciens ne savent même pas nager alors que vous êtes entourés d’eau. Pour comprendre comment fonctionne l’océan, il faut prendre soin de lui, se soucier des vies qu’il protège et savoir ce qu’il peut nous donner dépend de sa viabilité. Ce n’est pas seulement une question d’extraire des minéraux ou de pêcher. Il faut protéger et prendre soin du système pour qu’il nous protège en retour. Il faut avoir une synergie entre l’être et l’océan, apprécier sa beauté pour pouvoir le protéger. C’est pourquoi je demande aux Mauriciens de mettre la tête sous l’eau et de profiter de ce que la nature leur offre.
Quel est l’impact du changement climatique sur la viabilité des océans ?
L’impact est immense. Tout est connecté. Le niveau de la mer monte à cause du changement climatique. Cela cause une acidification des océans – qui est la diminution progressive du pH (potentiel hydrogène) – qui a un impact sur la vie marine et cause des dégâts à l’habitat et à la nourriture des crustacés, entre autres. Ce phénomène affecte déjà plusieurs parties du monde.
Et Maurice ?
Il y a eu peu ou pas d’étude faite sur l’acidification des océans dans cette partie de l’océan Indien. On dispose de très peu d’informations à ce sujet. Ce qu’on sait, en revanche, c’est que l’acidification des océans a augmenté de plus de 30 % en 150 ans. J’ai participé à un atelier de travail, à Maurice, sur la question. Nous sommes unanimes à reconnaître qu’il faut plus d’informations à ce sujet.
Quid d’un engagement étatique pour sensibiliser davantage sur le sujet ?
Je ne peux pas me prononcer sur la situation locale. Mais déjà par rapport aux actions initiées, dont la mise sur pied du National Ocean Council, je pense que l’intérêt est là. C’est sûr que la volonté politique est importante pour avoir des smart moves. Il faut avoir le bon équilibre. Je souhaite, toutefois, que les stratégies soient dans le long terme pour qu’il y ait des résultats concrets, dont des avantages économiques non négligeables. Il ne faut pas abuser des océans. C’est une erreur que beaucoup de pays ont fait et il ne faut pas se ruer vers des initiatives qui paraissent attrayantes au détriment des actions durables.
Un message pour Maurice et la région ?
Il faut favoriser une stratégie régionale et une action concertée pour pouvoir tacler ce défi. L’avenir du monde en dépend.
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