Les parents de Jaabir Papuretty refusent de croire qu’il aurait eu le cran d’attaquer l’ambassade de France. Arrêté en vertu du Prevention of Terrorism Act, il est actuellement interné à l’hôpital Brown-Séquard.
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Àl’incompréhension et au stress moral s’ajoutent des questions sans réponses pour l’heure. « Zis li ek lao-la ki kone kinn arive exakteman », lance Rosida, la mère de Jaabir Papuretty. Le jeune homme a été arrêté le vendredi 17 mai dernier pour tentative d’attaque sur l’ambassade de France.
Une bombe artisanale, qu’il avait lui-même concoctée, des allumettes et un couteau ont été saisis sur lui par la police. Il a laissé entendre aux enquêteurs qu’il comptait « eklat » l’ambassade de France en raison des actes « dominer » envers le peuple palestinien. Il a été inculpé sous le Prevention of Terrorism Act (PoTA) (voir plus loin) et placé au High Security Ward de l’hôpital Brown-Séquard afin de déterminer s’il ne souffrirait pas de trouble de la personnalité.
« Zis sa zour-la mo pann fouy so sak avan li sorti », regrette Rosida. Cette mère de deux enfants, dont Jaabir, le benjamin, vit toujours sous le toit familial, dit ne pas comprendre la démarche de ce dernier. Elle s’interroge également sur les circonstances entourant l’affaire.
Cader, son époux, est, lui, convaincu que leur fils n’a pas le cran pour commettre un tel acte. « Latet lor biyo, inposib Jaabir fer sa », lance-t-il. Souffrant de complications de santé, il confie que Jaabir est aux petits soins pour lui. Après un moment de réflexion, il affirme : « Mwa so papa, mo pou dir ou inposib li al fer enn zafer parey. Ou met mo likou lor biyo, mo pou dir ou non mem. »
Il décrit son fils comme un individu « ti leker », qui a peur des insectes. « Kankrela, li kriye li per, aster ou dir mwa enn piti koumsa pou eklat dinamit », s’interroge-t-il.
C’est dire la confusion du couple lorsque la police a débarqué à leur domicile, le vendredi 17 mai dernier. Leur fils était sous forte escorte policière, ce qui a suscité la crainte chez eux. Ce n’est qu’au bout d’un moment que les parents ont appris la raison de cette démarche et l’arrestation de leur fils pour un délit sous le PoTA.
Dans le quartier où a grandi Jaabir Papuretty, les voisins demeurent perplexes et choqués. « Dimounn dan landrwa pe dimande si vre sa, nou pa kone ki pou reponn », déclare Rosida. Cependant, ajoute-t-elle, « tou dimounn ki konn li pe dir zot pa krwar sa zanfan-la inn fer enn zafer koumsa ».
Ce que confirme Cader. « Dimounn ki konn Jaabir pa pou konvinki ki linn fer enn zafer parey », insiste-t-il. Son fils, raconte-t-il, a une personnalité bien à lui. Selon le père de famille, son fils dispose d’une joie de vivre immense. « Jaabir ek mwa nou viv kouma kamarad. Li enn zanfan ki tou dimounn kontan li. Li pa get figir ou kominote pou frekant enn dimounn. » Cader révèle d’ailleurs que pour la fête Rakhi, Jaabir avait ramené une jeune fille qu’il avait présentée comme sa « sœur ». Bon sportif, il a décroché pas mal de médailles lors de compétitions à l’école dans le passé, poursuit avec fierté le papa.
Jaabir, poursuit-il, n’est pas pratiquant. « Li dir ou fran li, li pa interese fer relizion. » Cader estime que les traversées de son fils dans divers pays lors des expéditions sur des bateaux de croisière à bord desquels il a travaillé auraient certainement impacté sa philosophie de vie. « Kan li Lamerik, apre sak kinz zour zot sanz pei, zot al Mexik, Brezil etc. » Jaabir, souligne-t-il, était comblé lors de ces déplacements professionnels : « Ou trouv sa kontantman lor so figir kan li pe vizit bann pei-la… La France, Paris, Marseille, l’Angleterre, Turquie… tousala li fer nou vizit ansam ek li lor videocall. »
Ainsi, ni Rosida ni Cader ne peuvent réconcilier l’image qu’ils ont de leur fils avec celle d’un présumé terroriste. Néanmoins, Rosida ajoute que la famille collabore pleinement avec les autorités dans le cadre de l’enquête. Elle se dit confiante que la vérité finira par triompher : « Nou, nou disponib pou lazistis ek lapolis dan zot travay. »
Le Prevention of Terrorism Act
Lors de son arrestation, Jaabir Papuretty a été détenu incommunicado. L’avocat Yousuf Azaree explique que lorsqu’une personne est arrêtée pour un soupçon raisonnable d’avoir commis une infraction liée au Prevention of Terrorism Act (PoTA), un officier de police du rang de surintendant ou plus peut décider de la placer en détention pour une période n’excédant pas 36 heures à compter de son arrestation. Pendant cette période, elle ne sera en communication avec personne d’autre que des policiers au rang d’inspecteur ou un médecin du gouvernement. Un enregistrement de la détention et une vidéo peuvent être effectués pendant cette période, ajoute l’avocat.
Toute poursuite sous le PoTA ne peut se faire qu’avec le consentement du Directeur des poursuites publiques, précise Me Yousuf Azaree. Une personne reconnue coupable d’une infraction relevant du PoTA risque une peine de prison allant de 5 ans à 35 ans. Selon l’avocat, à ce jour, à sa connaissance, il n’y a pas eu de condamnations en vertu de cette loi. Il souligne toutefois qu’une condamnation pour terrorisme à Maurice serait « préjudiciable » pour l’image du pays.
Ce que fait l’unité antiterroriste
Le gouvernement a mis en place une cellule de lutte contre le terrorisme au sein du bureau du Premier ministre. Son objectif principal est de collecter, regrouper et analyser les renseignements liés au terrorisme, ainsi que de diffuser aux autorités d’enquête les renseignements concernant toute personne ou activité suspecte liée au terrorisme, indique Me Yousuf Azaree.
Elle a aussi pour rôle de transmettre les informations liées au terrorisme au commissaire de police, et de sensibiliser le public à la lutte contre le terrorisme. Le directeur de cette unité peut également demander des informations à toute institution susceptible de fournir des éléments utiles relatifs à des activités terroristes. Celles-ci doivent le faire dans les plus brefs délais.
Pouvoirs d’enquête spéciale
Par ailleurs, Me Yousuf Azaree avance que le commissaire de police peut demander à un juge d’accorder à un officier de police, d’au moins le grade de surintendant, l’autorisation d’utiliser des dispositifs électroniques et techniques pour recueillir des renseignements ou effectuer une surveillance, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’un délit sous la loi anti-terroriste a été commis, est en cours ou est susceptible de l’être. Si le juge est convaincu que les soupçons du commissaire sont raisonnables, il peut accorder cette autorisation.
De plus, le ministre de la Sécurité intérieure, soit le Premier ministre, peut demander aux services postaux ainsi qu’aux opérateurs téléphoniques de conserver les données de certains utilisateurs pour prévenir ou enquêter sur des délits liés au terrorisme.
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