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Intempéries : les raisons de la montée des eaux

Lundi, le niveau de l’eau est considérablement monté dans les canaux qui traversent la capitale.

Port-Louis et ses régions avoisinantes ont encore une fois été sous les eaux après les pluies torrentielles du lundi 6 mars. Cette situation est loin d’être inédite et risque de devenir récurrente et pire avec le changement climatique. Quelles sont les raisons de la montée des eaux ? Comment y remédier. Tour d’horizon. 

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L’océanographe et ingénieur en environnement, Vassen Kauppaymuthoo, tire la sonnette d’alarme. « Les effets du changement climatique nous emmènent désormais en territoire inconnu et très dangereux. Des phénomènes extrêmes, liés à la quantité importante de chaleur stockée dans l’atmosphère, peuvent affecter les populations et sont capables de paralyser les infrastructures et l’économie des pays (cyclones et sécheresses extrêmes, pluies torrentielles…). Par ailleurs, l’effet ‘wet bulb’ (fortes températures et saturation en humidité empêchant le corps humain de se refroidir) peut s’avérer mortel pour les personnes fragiles », explique-t-il.

Le géomorphologue, Prem Saddul, explique, lui, que Port-Louis et Les Guibies, Pailles, sont des amphithéâtres. D’un point de vue géomorphologique, c’est un cirque (armchair-like depression) creusé par les rivières dans un environnement montagneux avec des murs de haute montagne entourant la dépression.

« Un ensemble d’amphithéâtres a été creusé dans la chaîne de Port-Louis/Moka, vieille de huit millions d’années, surplombant le quartier de Port-Louis. Ce sont le Champ de Mars, Les Guibies, Vallée-Pitot et Vallée-des-Prêtres. Ces amphithéâtres représentent des géomorphologies et des unités hydrogéologiques aux conséquences non négligeables sur le comportement de leurs cours d’eau, surtout en période de fortes pluies », précise-t-il. 

Prem Saddul ajoute que les inondations sont aussi dues au fait que les eaux débordent des canaux naturels des rivières. Sauf que le sol n’arrive pas à les absorber. « Dans le sol aux Guibies et dans une grande partie de Port-Louis, on note la prédominance du Dark Magnesium Clay. Les sols argileux magnésiens sont de faible porosité, mal drainés, gorgés d’eau, mal aérés avec un indice de plasticité élevé (argiles plastiques) », soutient l’intervenant. 

L’urbaniste Zaheer Allam avance, lui, que les récentes inondations subites à Maurice mettent en évidence la nécessité urgente de prendre des mesures face aux impacts du changement climatique. « Le cyclone Freddy a apporté des vents violents, et maintenant nous subissons les effets de fortes pluies, qui ont provoqué des inondations. Il est important de reconnaître que Port-Louis été conçu il y a longtemps, avec des paramètres différents. Nous devons nous adapter et nous ajuster au changement climatique », dit-il. 

Il faut améliorer le système de drain, « mais cela ne représente qu’une partie de la solution ». Selon Zaheer Allam, les politiques publiques (guides, normes, etc.) doivent également être mises à jour pour mieux répondre au changement climatique. « Il est important de trouver un équilibre entre les mesures restrictives et celles qui puissent encourager un développement sain et durable. Les lignes directrices fournissent des objectifs globaux pour encourager la créativité, mais cela ne veut pas dire qu’on doit s’arrêter là. Les développeurs privés ont également la responsabilité de développer de manière responsable, et les résidents urbains et ruraux doivent également faire les bons choix, notamment concernant la gestion des déchets ou les constructions, entre autres », , lance Zaheer Allam. 

Pour l’urbaniste, en fin de compte, « nous devons travailler ensemble pour faire face aux impacts du changement climatique. Ce n’est pas seulement la responsabilité du gouvernement ou des développeurs privés, mais aussi celle des individus qui doivent faire des choix durables. En travaillant ensemble, nous pouvons construire des communautés résilientes capables de résister aux impacts du changement climatique ».

L’hydrologue Farook Mowlabacus pense qu’une documentation s’impose avant de construire des drains à différents endroits avec différentes spécificités.  Il dénonce aussi les « carences administratives ». Selon lui, plusieurs régions de Port-Louis, notamment le port, qui se retrouvent sous les eaux. « Rien n’est fait. Il faut prendre au sérieux ce qui se passe. On a tendance à prendre trop de temps », dit-il. 

L’incivisme des citoyens  

À chaque grosses averses, Port-Louis est sous les eaux, comme plusieurs régions. Pourtant, selon Mahfouz Cadersaib, le nettoyage se fait sur une base régulière. « Avant la saison des pluies, nous commençons le nettoyage. C’est ‘on-going’. Nous n’attendons pas le mauvais temps pour cela. Nous nous occupons des drains, des rivières et canaux. alors que la Road Development Authority (RDA) s’assure du nettoyage pour ce qui est des ‘classified roads’ », indique le lord-maire. 

Même son de cloche du côté de l’Association of Urban Authorities of Mauritius et l’Association of District Councils. L’incivisme des citoyens, qui n’hésitent pas à balancer des déchets n’importe où, a été décrié. « Certains citoyens sont irresponsables. Les Collectivités locales et la RDA font de leur mieux, alors que ces gens ne se gênent pas à jeter leurs déchets ménagers, matelas et appareils endommagés dans les canaux, drains et rivières », s’indigne-t-on.

Un ‘Preparedness Plan’ pour la capitale en gestation 

Afin de mitiger les risques d’inondations à Port-Louis, un ‘Preparedness Plan’ est en cours d’élaboration. L’objectif est de pouvoir faire face au changement climatique. « Les services d’un consultant ont été retenus. Le plan est en préparation. Plusieurs aspects sont pris en compte : volume de pluie, les spécificités des drains et autres », dira le lord-maire, Mahfouz Cadersaib.

Plan d’évacuation 

Vassen Kauppaymuthoo indique qu’une bonne partie de la capitale a été comblée. Avec le changement climatique, « Port-Louis va devenir une ville fantôme, où il n’y aura plus beaucoup d’activités. La ville risque d’être sous l’eau en cas de pluies torrentielles. C’est une zone très vulnérable. De nombreuses modifications ont été faites et empêchent l’eau pluviale de s’évacuer naturellement. Il faut y remédier. Port-Louis risque de devenir une zone inhabitable dans le long terme », prévoit-il. 

Pour lui, il est impératif de venir de l’avant avec « un plan d’évacuation pour Maurice dans les plus brefs délais. Il doit être spécifique aux risques : cyclones, inondations et tsunamis. Tout le monde doit avoir une copie de ce plan pour savoir comment réagir ». « La planification de l’aménagement du territoire doit être revue, car certaines régions côtières vont devenir inhabitables. Il faut penser à relocaliser les gens dans les 10 à 20 prochaines années, avec l’érosion côtière, le rehaussement du niveau de la mer et les catastrophes naturelles qui vont devenir de plus en plus fréquentes ».

400 projets de drains complétés

Plusieurs milliards de roupies ont été injectées dans des projets de drains. Le ministre des Infrastructures nationales, Bobby Hurreeram affirme que chaque année, on enregistre des précipitations intenses et soudaines provoquant des inondations. « C’est une situation que nous avons anticipée lors de notre précédent mandat. C’est pour cela que le Premier ministre a mis sur pied la Land Drainage Authority (LDA) en 2018 qui depuis abat un gros travail », indique le ministre. 

Les zones à risque ont été identifiées. « Nous avons 300 endroits à risque, dont 70 à haut risque où il peut y avoir des pertes de vie. Nous sommes dans la mitigation. Nous devons être réalistes : le risque zéro n’existe pas », affirme Bobby Hurreeram. 

Le ministre rappelle que sous le National Flood Management Programme, un budget de Rs 11, 7 Md a été alloué pour trois ans. « À ce jour, nous avons 400 projets de drains complétés au coût de Rs 2,3 Md , 203 en construction pour la somme de Rs 3,6 Md, 101 projets totalisant Rs 5,6 Md débuteront bientôt. Sur 700 projets de drains identifiés, 40 % ont été complétés », dira-t-il.

 

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