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Inondations : les zones à risque face au défi de la transparence

Plusieurs régions du pays pourraient devenir inhabitables à l’avenir.

Les inondations du 15 janvier et du 21 avril 2024 nous ont démontré à quel point la nature peut être imprévisible, impitoyable et incontrôlable. L’heure n’est cependant plus au constat, mais à l’action, avec des mesures urgentes pour éviter d’autres drames.

Il existe quelque 200 zones sensibles, selon Sunil Dowarkasing, ancien stratège de Greenpeace et consultant en développement durable. Vassen Kauppaymuthoo considère, pour sa part, qu’il y a 62 régions à haut risque. Ce nombre pourrait atteindre une centaine à l’avenir, prévient l’océanographe et ingénieur en environnement.

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Sunil Dowarkasing

Le fait est que, malgré les risques accrus d’inondations, surtout avec l’impact et l’imprévisibilité du changement climatique, les différents rapports sur les zones inondables, constructibles ou non, n’ont pas été rendus publics, regrette Sunil Dowarkasing. Et dans le même temps, des permis sont accordés à tort et à travers pour la construction de maisons ou de bâtiments sur des zones sensibles, ce qui met en danger ceux qui occupent les lieux et la population en général, prévient-il. 

« En rendant publics ces rapports, cela protégera aussi bien les investisseurs, les acheteurs que la population. Mais à Maurice, il y a trop de pressions, ce qui fait qu’il y a un manque de transparence dans les dossiers », fait-il remarquer. 

Il est important, insiste Vassen Kauppaymuthoo, de connaître les contraintes et les dangers dans une région afin de pouvoir réagir plutôt que de fermer les yeux sur la réalité : « Le gouvernement a tout intérêt à rendre publiques ces zones inondables pour que chacun puisse savoir quelles sont les dispositions à prendre. »

D’autant que l’heure n’est plus aux tergiversations ni à l’opacité. Le pays connaît de plus en plus souvent des périodes pluvieuses engendrant plus de 100 mm de pluviométrie en moins de 24 heures dans diverses localités. Et après les régions du nord, il y a quelques années, le sud, le sud-est et l’est, désormais ce sont les régions de Port-Louis et d’Albion qui semblent de plus en plus menacées, prévient Vassen Kauppaymuthoo. 

Comme en janvier dernier, suivant le passage du cyclone Belal, les dégâts ont été importants lors des inondations du 21 avril dernier, que ce soit dans les maisons, les commerces ou les infrastructures routières. Une situation prévisible, mais rien n’a été fait pour apporter des mesures concrètes pour les atténuer, regrette Vassen Kauppaymuthoo. 

Pourtant, les autorités se targuent d’avoir pris des mesures pour faire face aux inondations avec des projets de drains dans diverses localités. Mais cela n’a été que des mesures effectuées de manière parcimonieuse, selon Sunil Dowarkasing.

Ces mesures, ajoute Vassen Kauppaymuthoo, pourraient même s’avérer inefficaces. Il prévient : les averses seront plus conséquentes et certaines régions, à l’instar de Port-Louis, seront inhabitables. « À Maurice, il y a des régions qui seront invivables. Il faudra relocaliser des personnes », affirme l’ingénieur en environnement. Pour lui, Port-Louis est un grand exemple de ce qui peut arriver à l’avenir.

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Vassen Kauppaymuthoo

Afin de minimiser les risques, une approche holistique est nécessaire, font comprendre Sunil Dowarkasing et Vassen Kauppaymuthoo. Ils rappellent qu’outre Port-Louis, il y a d’autres régions qui peuvent subir des inondations, parce qu’elles sont coincées entre la mer et les montagnes. Ce qui fait qu’elles subissent l’eau déferlant des montagnes d’un côté, et l’eau de la mer, particulièrement lors des marées montantes, de l’autre. De ce fait, de simples projets de drains ne seront pas suffisants, indique Sunil Dowarkasing.

« Il faut un social engineering pour le relogement des personnes habitant ces régions pour faire de la place au Land drainage management », explique le consultant en développement durable. Pour empêcher que l’eau n’arrive dans le centre-ville de Port-Louis, il faut un cut-off drain ou des puits d’absorption. « Il est grand temps de faire venir des ingénieurs compétents pour nous conseiller sur les mesures à prendre afin de sauver la capitale, sauver les entreprises et la vie des gens, car délocaliser la capitale n’est pas quelque chose qui peut se faire du jour au lendemain », fait ressortir Sunil Dowarkasing. Pour atténuer la situation, il estime qu’il faut éliminer les obstacles là où cela s’avère nécessaire, afin de permettre l’écoulement de l’eau pluviale, comme le prévoit le Code civil Napoléon de 1810. 

Dans la foulée, Vassen Kauppaymuthoo déplore le développement de morcellements un peu partout. Même les flancs de montagne et les zones marécageuses ne sont pas épargnés. « On ne devrait pas autoriser de morcellements sur le flanc d’une montagne, dans les zones humides et les bas-fonds », insiste-t-il. 

Vassen Kauppaymuthoo s’interroge également sur l’octroi des permis de construction où des travaux sont autorisés dans les zones à risque. « Au bord des rivières, il y a des réserves de 16 mètres qui doivent être respectées, mais ce n’est pas toujours le cas. Il faudrait donner des ordres de démolition pour ces types de construction », dit-il. 

Il se pose également des questions sur la manière dont les promoteurs ont obtenu leurs permis dans ces régions-là. D’ailleurs, pour lui, il y a de nombreux problèmes en ce qui concerne l’octroi des permis de construction, le Building and land use permit. Cela inclut qu’il n’est pas possible de construire sur les terres agricoles, au bord d’une rivière, à moins de 30 mètres du high water mark. Les fondations doivent, pour leur part, être suffisamment solides et adéquates par rapport aux structures, rappelle-t-il.

Mais il se trouve que de nos jours, des murs sont construits même aux bords des rivières, fait remarquer Sunil Dowarkasing. Il insiste sur le respect des réserves des berges des rivières, car lors des crues, il y a des débordements avant que l’eau ne retrouve son lit par la suite. De plus, avec le bétonnage, l’eau n’arrive plus à s’infiltrer dans la terre, et les routes notamment deviennent des rivières qui transportent l’eau d’un endroit à un autre. Or, avec le changement climatique qui fait que nous avons des précipitations bien plus importantes, tout peut arriver à n’importe quel moment, met en garde Sunil Dowarkasing.

Prise de conscience

Avec tous les événements survenus ces dernières années, Vassen Kauppaymuthoo est d’avis que certains commencent à prendre conscience des dangers qui nous guettent et que l’eau pluviale peut engendrer des inondations dans diverses régions. « Comme lorsqu’on apprend une mauvaise nouvelle, il y a une évolution psychologique : on est d’abord dans le déni, puis c’est la révolte ou la colère. S’ensuit l’acceptation », dit-il. Selon lui, les deux premières étapes ont déjà été franchies et la population comprend mieux la situation face à ceux qui ont perdu leurs effets personnels, voire leur maison ou leur commerce, et qui souffrent. 

Malgré cela, il ne voit pas les politiciens prendre les mesures qui s’imposent et courir le danger d’être impopulaires. Surtout pas en cette année électorale. Ce serait un suicide politique, selon lui.

Comme Sunil Dowarkasing, Vassen Kauppaymuthoo plaide pour un langage de vérité. C’est, dit-il, la meilleure attitude à adopter afin de pouvoir mieux faire face à la réalité et se préparer à affronter les éventuelles menaces : « Nous avons les informations scientifiques aujourd’hui, et comme je l’avais dit, les choses allaient s’aggraver, et c’est ce qui s’est passé. » 

 

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