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Impact socio-économique : combien coûte la violence domestique au pays

Un fléau constituant un sérieux problème.

La recrudescence des cas de violence domestique démontre à quel point ce fléau constitue un sérieux problème pour la société. Car, la violence au sein des couples a un coût. Selon une étude menée en 2017, celle-ci coûte Rs 2 milliards au pays par an, soit environ 0,6 % du produit intérieur brut (PIB).

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Bien que les épisodes de violence domestique se déroulent généralement entre les quatre murs d’une maison, leurs effets sont néanmoins ressentis bien au-delà du toit conjugal. 

Selon le Dr Riad Sultan, chargé de cours en économie et statistiques à l’université de Maurice, la violence domestique a une répercussion directe sur la croissance économique. Il est d’avis que le pays est arrivé à un « stade extrême » surtout après les derniers cas enregistrés. En 2017, le Dr Sultan a mené une étude axée sur l’impact économique de la violence domestique et des conséquences « graves » que Maurice pourrait en subir.

Dans son rapport, le Senior Lecturer énumère les différents coûts associés à la violence entre partenaires. Ceux-ci ont trait aux : dépenses familiales, coûts d’opération des ONG, frais des travailleurs sociaux et dépenses liées à une assistance médicale. « La baisse de productivité au travail et l’absentéisme sont tout aussi des coûts liés à la violence conjugale », note le Dr Riad Sultan dans son rapport. À titre d’exemple, SOS Femmes dépense environ Rs 1,6 million par an pour venir en aide aux femmes victimes de violence conjugale, le ministère de l’Egalité des genres débourse environ Rs 4 millions et les différentes ONG ont un portefeuille de Rs 3,2 millions pour soutenir les victimes.

Frais médicaux

Les coûts directs que les victimes doivent elles-mêmes assurer inclus les frais des cliniques privées, les honoraires des médecins privés et les dépenses liées à l’achat des médicaments. Les frais médicaux s’élèvent à environ Rs 300 millions par an.  Le rapport démontre aussi qu’un grand pourcentage des femmes s’acquitte de dépenses importantes afin d’obtenir des soins de santé. Les pharmacies (56 %) constituent la principale source d’assistance médicale pour les femmes. Environ Rs 148,3 millions ont été dépensées pour l’achat des produits pharmaceutiques.  

Productivité et absentéisme 

Avec la hausse des cas de violence domestique, le Dr Riad Sultan estime qu’il faudra s’attendre à une baisse significative de la productivité au travail et une hausse du taux d’absentéisme. Dans son rapport, il avance que la baisse de productivité liée à la violence conjugale représente une perte de Rs 546 million pour une période de 12 mois. Un autre coût indirect, selon le chargé de cours, est la hausse du taux d’absentéisme qui résulte souvent en perte d’emplois. « Lorsque les congés payés alloués aux victimes ne sont plus prolongés, toute absence supplémentaire entraîne une réduction de salaire. Cela représente ainsi une perte pour les victimes. Pour ce qui est des congés payés, cela représente une perte pour les entreprises, car ce sont des coûts pour lesquels il n’y a aucun retour », dit-il. 

Selon l’étude, entre 23% et 54% des victimes ont confié de s’être absentées du travail à cause de la violence subie, et entre 4% et 6% d'entre elles ont signalé que cela se produisait fréquemment. En chiffres, pour les congés payés, la perte s’élève à approximativement Rs 242 M tandis que pour les congés non payés, elle est estimée à Rs 215 M.

Dépenses médicales  Coûts 
Hôpital  Rs 64 M
Clinique privée  Rs 34, 4 M
Médecin privé Rs 51, 8 M
Pharmacie  Rs 148, 3 M

Sanjay Matadeen : «Les ressources dépensées représentent un coût d’opportunité important» 

L’économiste Sanjay Matadeen souligne que les coûts directs de la violence domestique comprennent le coût des services médicaux, des soins de santé mentale, des dommages matériels et des pertes ainsi que des coûts des services sociaux et juridiques.

Il estime que le ministre vient d’annoncer des bracelets électroniques pour les auteurs de violences domestiques, ce qui entraînera non seulement des coûts d'acquisition, mais également des coûts de surveillance et de maintenance. « Les ressources dépensées dans la violence domestique représentent un coût d'opportunité important dans la mesure où elles auraient pu être utilisées de manière plus efficace pour améliorer les soins de santé ou l'éducation », dit-il.

Selon notre interlocuteur, la violence domestique a un effet externe négatif sur l'économie en termes de perte de productivité et de jours de travail. « Les victimes s’absentent souvent au travail et suite à des troubles psychologiques négatifs, elles deviennent moins productives », relate-t-il. 

Avec environ 1400 cas signalés à Maurice, Sanjay Matadeen prévient que c’est certes coûteux à la société. Il estime que si les chiffres continuent à augmenter, la situation deviendra plus alarmante sur un point de vue économique. Pour le moment, la violence domestique reste un problème social dangereux qui doit être traité de manière urgente, recommande l’économiste.


Karuna Rajiah : «L’impact de la violence sur la société et la famille est inquiétant»

Il est important de souligner que la violence domestique entraîne de nombreux coûts indirects et intangibles directs liés à la douleur émotionnelle, à la souffrance et aux blessures des victimes, tandis que les coûts intangibles indirects incluent la souffrance des enfants. La psychologue Karuna Rajiah démystifie le fait que la violence domestique est commune seulement dans des familles pauvres et la classe moyenne. « La violence domestique ne cible aucune classe particulière de la société. Elle est présente à tous les niveaux. Parmi la classe moyenne et la classe inférieure, comme on peut l'appeler, la violence domestique est plus visible et plus évidente », dit-elle. 

Indépendamment de la classe, la violence domestique a un impact psychologique et émotionnel sur les femmes, les hommes et les enfants. « Elles sont vulnérables. Elles commencent d'abord à se sentir anxieuses et perdues. Elles ont aussi tendance à pardonner et à oublier, mais la récurrence de la violence à la maison les rend plus anxieuses et impuissantes. Le niveau d'anxiété augmente et conduit progressivement à la dépression. Certaines femmes peuvent même faire preuve de courage et agir de manière inappropriée. Elles peuvent commettre un crime sur le moment et le regretter plus tard. Mais très souvent, les femmes ont tendance à chercher refuge plutôt que de se défendre », explique la psychologue. 

De leur côté, les hommes, s’ils commettent l'acte de violence, ont le sentiment d'avoir le pouvoir sur le sexe faible et certains ont tendance à agir comme des chauvinistes afin de maintenir leur autorité, estime Karuna Rajiah. Mais ce sont les enfants qui sont au cœur de la tourmente. « Les enfants sont d'abord traumatisés par les événements, puis ils commencent à développer un stress avec lequel ils vivent lors de leur croissance. Leur comportement est fortement influencé par l'environnement dans lequel ils grandissent. Ils peuvent difficilement faire la différence entre le bien et le mal. Les mêmes personnes qui sont censées leur enseigner cette différence sont celles-là mêmes qui les induisent en erreur. Cela crée une certaine confusion dans leur esprit et ils ne savent plus où ils sont ni comment réagir face aux autres », souligne-t-elle. 

D’autre part, la psychologue précise que l’impact de la violence sur la société et la famille est inquiétant. « L’impact n'a pas seulement une incidence sur la famille mais aussi sur la société dans son ensemble. Les membres d'une famille sont perturbés par ce qui se passe à la maison. Cela influence alors leur façon de faire face aux problèmes. Les enfants souffrent le plus. Ils ne se sentent pas en sécurité et cela peut impacter sur leurs performances scolaires, leur socialisation et leur développement émotionnel », ajoute Karuna Rajiah.

 

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