C’est une roulette russe : réussite ou flop. L’appel lancé au niveau national, à travers une campagne médiatique assidue par la Plateforme pour la Liberté d’Expression, va-t-il être entendu ? Les organisateurs, dont Rajen Narsinghen, disent attendre pas moins de 3 000 véhicules, motos exclues, pour noircir les rues de la capitale lors du rallye de ce samedi après-midi. Ce, malgré les contorsions que l’ONG a dû faire.
Rajen Narsinghen est confiant que les Mauriciens viendront en nombre important au rallye de l’ONG, même si le gouvernement a tenté de jouer au plus malin en appelant l’Assemblée nationale vendredi dernier, jour initial du rassemblement. « Il y a eu un premier renvoi le 3 décembre, du fait que la veille la police n’a pas objecté à la tenue de notre rallye suite au jugement de la Cour suprême la veille, soit le 2 décembre. Puis, nous avons décidé de repousser le rallye pour le vendredi 10 décembre. Mais, comme le gouvernement a peur de la société civile, d’une opposition de tous bords réunie et des ONG, il a décidé d’appeler le Parlement ce jour-là, ce qui nous a poussés à renvoyer de nouveau le rallye pour le samedi 11 », dit-il.
L’universitaire et juriste ajoute que le Commissaire de Police aurait dû « utiliser ses prérogatives, comme le stipule la loi, pour permettre le rallye le vendredi 3 décembre, même si le Parlement siégeait, mais en changeant l’itinéraire initial, mais il ne l’a pas fait. Nous sommes confiants que les Mauriciens répondront présents en masse samedi, que ce soit en voitures, en vans et surtout à motos ».
Mesquinerie ou pain béni ?
La décision du gouvernement de convoquer le Parlement le vendredi 10 décembre et repousser le renvoi du rallye d’un jour s’apparente-t-elle à de la mesquinerie ou est-ce du pain béni pour la Plateforme ?
The writings are yet on the walls.
À cette question, Rama Valayden répond : « Lorsque l’Assemblée nationale a été convoquée pour le vendredi 10 décembre, l’agenda du jour ne comportait aucune urgence. Le fait est que la mesquinerie du Premier ministre est dans le sens large du terme. Si le rallye s’était tenu le vendredi, les employés qui sont basés à Port-Louis auraient pu y participer, car ils sont nombreux à y être entassés. Toutefois, le samedi permet également à ceux qui n’ont pu se libérer en jour de semaine de descendre dans la rue. C’est pour cela que je dis que la mauvaise foi du Premier ministre et de ses pairs se retournera contre eux. Qui cherche trouve, dit-on ».
Rajen Narsinghen revient sur ce renvoi du rallye qu’il juge injustifié. Pire : le Speaker risque un « contempt of Court », affirme-t-il. Comment ? L’universitaire s’explique : « Tout simplement parce que la Cour suprême a statué en faveur de la Plateforme pour que le rallye ait lieu, forçant les Casernes centrales à ‘abide by what the judge decided’. Mais, le Speaker est passé outre la décision de la justice et a autorisé que le Parlement siège le vendredi 10 décembre, nous obligeant à renvoyer de nouveau le rallye »
« Ce gouvernement croyait nous casser les reins en utilisant toutes les stratégies mesquines, mais il va en prendre plein la gueule samedi, car il a tout fait pour nous saper le moral et celui du public. Port-Louis sera noir de véhicules », souligne le juriste.
Apprendre de Modi
Bruneau Laurette avance pour sa part que le PM devrait apprendre de la sagesse de son homologue de la Grande-Péninsule : « Avec la pression de la rue des fermiers, Narendra Modi a fini par céder à leur appel pour révoquer une loi contraignante pour les artisans. Pravind Jugnauth devrait prendre bonne note à partir de notre rallye et faire amende honorable et jeter à la poubelle les amendements à l’IBA Act qui sont liberticides ».
Dev Sunnasy et Bruneau Laurette rappellent que les actions de la Plateforme ne sont pas que du vent et que, contre vents et marées, elles aboutissent à du concret et que le gouvernement devrait en prendre bonne note, “as the writings are yet on the walls”, disent-ils
Toujours est-il que le rallye de ce samedi pourrait s’avérer être le flop de l’année. Mais, Rajen Narsinghen, Rama Valayden, Neena Ramdenee, Dev Sunnasy et Bruneau Laurette y jettent toutes les forces pour que cela n’arrive pas.
Leur message essentiel est simple mais piquant : « Que les citoyens aient encore une once de patriotisme, un zeste d’amour pour la liberté et se réveiller et ‘kas pares’. Les faux semblants devraient repasser ou revoir leur copie. Ou kapav bat bis, me fer osi enn ti zefor pou ou mem’ », conclut Rajen Narsinghen.
Comme quoi, pour la Plateforme pour la Liberté d’Expression, le samedi 11 décembre, Port-Louis serait comme un tapis vert ou une roulette au casino : quitte ou double. Rouge ou vert. Succès ou flop. Les jeux sont ouverts.
Citoyens, reprenez le flambeau !
Est-ce à dire que les citoyens de ce pays délaisseront, le temps d’un rallye, leur douillet confort pour le rallye ou se diront-ils que ce genre de rassemblement ne mène finalement à rien parce que passager ? Rajen Narsinghen et Rama Vallayden sont assez secs dans leur analyse. Le premier explique : « Au sein de la Plateforme, on a déjà démontré que nous ne sommes pas là pour la galerie et faire du ‘bla, bla, bla’. Mais, à son tour, le peuple devrait ne pas agir en égoïste et rester scotché à son ordi. Il faut se retrousser également les manches et se mouiller. Ce sera une démarche citoyenne, sans plus. Est-ce trop vous demander ? »
Appel politique : mitigé ou confirmé ?
Rama Valayden a mis les pieds dans le plat. Il a osé faire un appel spécial : « Vous les leaders politiques, surtout Paul Bérenger et Navin Rangoolam qui ont été Premiers ministres de ce pays, faites un geste, marquez de votre présence le rallye pour dire à ce gouvernement que son heure a sonné. À Xavier-Luc Duval, Nando Bodha, Roshi Badhain et les autres, venez au rallye, sinon ‘li pa pou korek’ ».
Il en va de même pour Rajen Narsinghen qui demande aux leaders du mainstream de motiver leurs partisans comme ils le font pour les meetings du 1er-Mai.
À cet appel, Ajay Gunness du MMM a répondu : « Je vous réserve la surprise (ndlr : pour la présence du leader du MMM au rallye). Quant à Olivier Barbe, président de l’aile jeune du PMSD et conseiller du parti aux Villes-Sœurs, il dit ne pas pouvoir confirmer la présence de Xavier-Luc Duval, mais qu’il lui en parlerait. Au PTr, Patrick Assirvaden affirme que les rouges mobilisent leurs partisans pour le rassemblement mais « Navin Ramgoolam ne pourra venir étant en convalescence ». Les autres leaders politiques n’avaient pas confirmé leur présence.
Et si c’est un flop ?
Des obstacles, les membres de la Plateforme en ont franchis. Mais se dresse devant elle un immense challenge : rassembler, rassembler, rassembler.
Et si les Mauriciens préfèreraient leur divan, leur ordi, le jardinage ou le ‘relax at home’ ?
Neena Ramdenee du Muvman Patriotic est optimiste. Cette pharmacienne avance que les citoyens, grâce aux radios privées et aux medias savent que le pays passe par des moments difficiles, pas uniquement à cause de la Covid -19 : « Je suis confiante que les citoyens sauront quoi faire samedi. Ils seront nombreux à déferler dans les rues de la capitale », assure-t-elle.
Plus nuancé et pragmatique et un habitué des manifs, Percy Yip Tong de Nu Ti Zil se dit plutôt réaliste : « Si notre appel n’est pas entendu, cela ne m’étonnera guère. Je serais déçu mais pas surpris. Tout est une question de mentalité. »
Un croc-en-jambe nommé boni
Ce qu’il considère comme un piège était attendu et prévu. Dev Sunnasy avait senti refermer sur la Plateforme un traquenard de la part du gouvernement : forcer le renvoi ou l’annulation du rallye.
Prémonition ou fin stratège, puisque le rassemblement aura bien lieu, Dev Sunnasy sourit et dit que « depuis mardi dernier, jour du Parlement, j’ai dit au DCP Beekun qu’au niveau de la Plateforme nous nous attendons à des coups bas et que pour éviter de foirer le rallye, nous avons préparé un Plan B en demandant au CP d’utiliser ses prérogatives pour maintenir le rallye le vendredi 10 décembre, quitte à le faire hors de la capitale. »
Bruneau Laurette va plus loin dans ses réflexions : « Ce rallye dérange au plus haut point ces messieurs. Est-ce innocent que le gouvernement se cache derrière la Covid pour payer les fonctionnaires leur salaire de Noël et le boni de fin d’année un 10 décembre ? Sachant que les fonctionnaires iront faire des courses, affluer les Malls et que le cadet de leurs soucis serait de participer au rallye. C’est une tentative désespérée de plomber le rallye. Mais, le Premier ministre se trompe, il aura le choc de sa vie. »
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