Depuis quelques semaines, les prix des produits de consommation connaissent une hausse continue. Cette tendance se poursuivra-t-elle d’ici la fin de l’année ? Comment aider les consommateurs à faire face à cette flambée des prix ? Le point.
Si vous avez récemment fait vos courses dans les grandes surfaces, vous avez probablement remarqué que le coût de votre caddie a décuplé. En effet, de nombreux prix ont été révisés à la hausse en raison de l'augmentation des frais de transport. Cette flambée des prix concerne une gamme variée de produits, allant des denrées alimentaires de base aux articles non essentiels. Elle a évidemment un impact significatif sur le budget des familles.
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Bien que le gouvernement fournisse déjà des allocations aux ménages pour faire face au coût de la vie, ainsi que des subventions sur certains produits alimentaires, plusieurs observateurs estiment que ce n’est pas suffisant. L’économiste Kugan Parapen affirme que toute mesure visant à soulager la population est forcément bien accueillie. « Les allocations atténuent certes la cherté de la vie, mais on sait déjà que cela ne sera pas suffisant dans quelques mois. On dirait que le ministre des Finances déshabille Paul pour habiller Pierre, sauf que ces derniers habitent la même maison », explique-t-il. Pour sa part, l’économiste Bhavish Jugurnath indique qu'il faut reconnaître que des progrès significatifs ont été réalisés dans les récents budgets concernant les augmentations du salaire minimum, les allocations de la CSG, les pensions, les subventions alimentaires et les contrôles des prix. Il confie : « Le dernier budget inclut encore plus de mesures sociales ciblées à différents segments de la population. Bien que celles-ci puissent être abordables à court terme, le fardeau croissant sur l'État-providence est une grande préoccupation ». Il ajoute qu’au cours des dix prochaines années, près de 170 000 habitants devraient atteindre l'âge de la retraite, ce qui représente plus de 30 % de la population.
Claude Canabady, secrétaire de la Consumers' Eye Association, avance que les aides financières du gouvernement aident, certes, les plus démunis à acheter au moins ce qui est essentiel. « Malheureusement, ce n’est pas toujours suffisant, certains prix continuent de monter en flèche », dit-il. Même son de cloche du côté de l’Association pour la Protection des Consommateurs et de l’Environnement (APEC). Son président, Suttyhudeo Tengur, estime que les allocations sociales accordées lors de la présentation du dernier budget par Renganaden Padayachy ne sont que des « bouche-trous » qui ont soulagé les consommateurs pendant quelques semaines seulement. « Il faut se rendre à l’évidence et voir la réalité en face. La toute dernière augmentation a été celle des prix du lait, en particulier pour les nourrissons », déplore-t-il.
Vigilance renforcée : Les contrôles quotidiens du ministère du Commerce
Au ministère du Commerce, on explique que les officiers effectuent des inspections dans les commerces tous les jours, du lundi au vendredi. « Il s'agit d'un processus continu visant à garantir le respect des droits des consommateurs. En outre, des contraventions sont infligées aux commerçants qui ne respectent pas la législation en vigueur », précise-t-on. Cette vigilance, ajoute-t-on, est appliquée à travers toute l'île et concerne tous les types de commerces.
Évolution des prix dans les mois à venir
Bhavish Jugurnath avance que les coûts élevés du fret et la dépréciation continue de la roupie par rapport au dollar exercent une pression considérable sur les prix des produits de consommation importés à Maurice. « Bien que certains prix aient déjà augmenté, d'autres devraient suivre cette tendance dans les jours à venir. À mon avis, je pense que nous pouvons nous attendre à ce que cette tendance se poursuive dans les mois à venir », soutient-il. Un avis que partage Suttyhudeo Tengur. « Si l’on regarde ce qui se passe au niveau international avec la flambée du dollar, les risques pour un petit pays comme Maurice sont énormes. Ces augmentations perdureront aussi longtemps qu’il y aura des conflits géopolitiques », dit-il. Par ailleurs, il avance que même si ces guerres s’arrêtent, il sera difficile de mettre un frein à la dominance du dollar sur l’économie internationale. Claude Canabady ne dira pas le contraire. « Évidemment, la hausse des prix sera continue tant que la guerre au Moyen-Orient se poursuivra, ce qui aura un effet sur le coût de l’essence et du fret », soutient-il. Malheureusement, le consommateur, qui est au bout de la chaîne des produits, paiera les pots cassés.
Cependant Kugan Parapen est d’avis que le rythme des majorations devrait ralentir dans les mois à venir. « Il est très probable que l’économie mondiale s’affaiblisse dans un avenir proche. On voit déjà des signes de cette tendance dans les grandes économies mondiales comme les États-Unis, la Chine ou même en Europe », fait-il ressortir. Cette baisse dans la demande globale, ajoute-t-il, devrait avoir un effet négatif sur l’inflation. Par ailleurs, il avance qu’au niveau local, une analyse de la roupie démontre qu’elle a tendance à se stabiliser dans la deuxième partie de l’année. « Cela devrait aussi aider les prix à se maintenir à leurs niveaux actuels », affirme-t-il.
Les mesures proposées
Revoir la politique fiscale du gouvernement
Selon Kugan Parapen, pour soulager la population face à la vie chère, il est essentiel de revoir la politique fiscale du gouvernement. « Le régime fiscal en place est nettement en faveur des riches et des capitalistes. Dans le système actuel, c’est le petit peuple qui se retrouve à porter le gros du fardeau du budget national. Un rééquilibrage de ce fardeau est essentiel », propose-t-il. Ainsi, une grande partie de la population pourrait voir une amélioration instantanée de son pouvoir d’achat. Un avis que partage Bhavish Jugurnath. « Les politiques gouvernementales jouent un rôle crucial dans la protection des consommateurs contre les augmentations de prix », dit-il.
Contrôle des prix
Des contrôles des prix devraient également être introduits sur davantage de produits, estime Bhavish Jugurnath. Selon lui, le gouvernement peut imposer des prix minimums ou des prix plafonds sur les biens et services pour les rendre plus abordables pour les consommateurs. « En raison des coûts élevés de fret et des prix d'importation, des autorisations d'importation temporaires peuvent être utiles pour certains besoins essentiels », recommande-t-il. Claude Canabady estime qu'il faudrait élaborer un panier de 10 à 20 articles essentiels que les consommateurs les plus modestes achètent fréquemment et appliquer soit des subventions, soit un maximum de majoration.
Surveillance des entreprises et des commerçants
Kugan Parapen est d’avis que des mécanismes doivent être mis en place pour s’assurer que les entreprises ne profitent pas de la montée généralisée des prix pour augmenter leur marge. « Les profits records des entreprises mauriciennes sur les 12 derniers mois donnent une idée de la situation. Le gouvernement est resté muet face à cette situation », déplore-t-il. Un avis que partage Suttyhudeo Tengur. « Il faut mettre en place des moyens et un système pour surveiller les commerçants malhonnêtes et véreux. Il est nécessaire que le ministère responsable surveille les prix des articles de consommation courante dans leurs pays d’origine respectifs et les prix réclamés aux acheteurs », avance-t-il. Ainsi, les autorités pourraient identifier les anomalies et mettre en place des mesures pour que la majoration ne soit pas au détriment des consommateurs.
Sensibilisation des consommateurs
Un site web dédié pourrait être mis en place par le gouvernement pour sensibiliser les consommateurs sur la façon d'économiser de l'argent et pour acheter de manière judicieuse, suggère Bhavish Jugurnath. « Par exemple, en optant pour des produits alternatifs, les consommateurs peuvent éviter les prix élevés associés aux marques connues. Le site devrait également proposer des informations sur les prix recommandés des besoins essentiels », précise-t-il. De son côté, Claude Canabady propose d’inculquer le principe que chacun devrait avoir un petit potager, même ceux vivant dans un environnement restreint, en leur fournissant des semences à prix forfaitaire, des conseils et un suivi continu. « Ce sera toujours un commencement vers l’autosuffisance », dit-il.
Impact de la hausse des prix sur les ménages
Kugan Parapen affirme que l’impact constant des prix est un appauvrissement généralisé des ménages. « Pour la grande majorité des ménages, la consommation représente une part importante de leur budget. De ce fait, la flambée des prix se fait ressentir de plein fouet, surtout pour ceux au bas de l’échelle sociale », explique-t-il. Bhavish Jugurnath, quant à lui, ajoute que les ménages peuvent trouver plus difficile de se permettre la même quantité de biens et services qu’auparavant. « Par exemple, si le coût des courses augmente, les familles peuvent devoir ajuster leur budget ou réduire d'autres dépenses », dit-il. Par ailleurs, il estime que si la croissance des salaires ne suit pas la hausse des prix, les ménages subissent une diminution réelle de leur pouvoir d'achat. « Cela affecte leur capacité à maintenir leur niveau de vie. Les ménages à faibles revenus sont particulièrement vulnérables, car ils consacrent une plus grande partie de leur budget aux besoins essentiels », ajoute-t-il. Malheureusement, Suttyhudeo Tengur précise qu’il ne se passe pas un jour durant ces six derniers mois, et même avant, sans que les prix ne prennent l’ascenseur. « À tel point que les ménages éprouvent de graves difficultés à subvenir à leurs besoins élémentaires. À ce rythme, on observe un appauvrissement de la masse des travailleurs avec tous les risques que cela entraîne, dont vols et crimes liés », fait-il ressortir.
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