Le président de la United Deputy Rectors and Rectors Union (UDRRU) Harrish Reedoy, livre ses réflexions sur le secteur éducatif à Maurice. Il parle des défis actuels et propose des solutions pour améliorer le système. Avec un nouveau ministre à la tête de l’Éducation, il espère que les choses vont s’améliorer.
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Quels sont les principaux facteurs qui ont conduit à l’échec de la réforme de la Nine-Year Continuous Basic Education à Maurice ?
La réforme de la Nine-Year Continuous Basic Education avait pour objectif de moderniser et d’améliorer l’accès à une éducation de qualité pour tous les élèves à Maurice. Malheureusement, malgré des intentions louables, la réforme a échoué en raison de plusieurs facteurs. D’abord, la mise en œuvre a été insuffisante. Il y a eu des lacunes dans l’innovation et un manque d’adaptation aux besoins réels des élèves. L’absence de ressources adéquates dans les écoles, les problèmes d’infrastructures et la faible formation des enseignants ont été des obstacles majeurs. De plus, la réforme n’a pas su anticiper l’évolution rapide des attentes de la société et des défis auxquels sont confrontés les élèves aujourd’hui. Le système éducatif devait se réformer de manière systématique, mais malheureusement, il a été davantage traité de manière ponctuelle et avec des solutions improvisées.
Quels sont les défis principaux auxquels l’éducation primaire est confrontée et pourquoi est-il crucial de moderniser les infrastructures des écoles publiques ?
L’éducation primaire à Maurice fait face à plusieurs défis. Un des plus grands problèmes est le manque d’infrastructures modernes dans la plupart des écoles publiques. De nombreuses écoles fonctionnent avec des bâtiments vétustes et des équipements obsolètes, ce qui nuit à l’environnement d’apprentissage. Des recherches menées par l’UNESCO ont montré que des salles de classe bien équipées peuvent améliorer l’engagement des élèves et leurs résultats jusqu’à 25 %. Cependant, de nombreuses écoles publiques n’ont pas accès à des ressources modernes. En revanche, les écoles privées bénéficient de technologies avancées, telles que des salles de classe numériques et des espaces d’apprentissage spécialisés. Il est essentiel que nous modernisions les infrastructures de nos écoles primaires publiques pour offrir un environnement propice à l’apprentissage.
Quels changements pourraient être apportés au système éducatif pour renforcer l’enseignement des compétences orales en anglais et en français ?
Les compétences orales en anglais et en français, sont fondamentales dans un pays bilingue comme Maurice. Elles sont essentielles à un jeune âge, pour le succès académique. Dans des pays comme la Finlande, 30 % des évaluations en éducation primaire portent sur les compétences orales. Cependant, à Maurice, l’enseignement de l’anglais et du français à l’oral est insuffisant dans les écoles publiques. Cela empêche nos élèves de développer la maîtrise linguistique nécessaire. Je propose donc que des évaluations orales en anglais et en français soient intégrées au Primary School Achievement Certificate (PSAC), afin de mieux préparer nos élèves à la maîtrise du bilinguisme.
Quels sont les impacts de la promotion automatique des élèves échouant au PSAC sur leur parcours scolaire ?
La promotion automatique des élèves échouant le Primary School Achievement Certificate (PSAC) est une pratique qui crée des lacunes d’apprentissage importantes. Ces élèves se retrouvent en difficulté au secondaire, car ils n’ont pas acquis les bases nécessaires pour suivre le programme scolaire. Cela conduit souvent à un taux élevé d’abandon scolaire. Pour résoudre ce problème, il faut permettre aux élèves échouant au PSAC de redoubler, afin qu’ils puissent combler leurs lacunes avant de passer à l’étape suivante. De plus, ceux qui échouent deux fois au PSAC devraient être orientés vers un programme de Technical and Vocational Education and Training (TVET), qui combine l’apprentissage académique avec des compétences techniques pratiques. Ce modèle a été salué dans des pays comme l’Allemagne, où une large majorité des élèves dans les filières professionnelles trouvent un emploi rapidement après leur formation.
Quels sont les principaux défis rencontrés par l’Extended Programme et comment mieux répondre aux besoins des élèves qui y sont inscrits ?
L’Extended Programme (EP) a été conçu comme une solution pour les élèves qui ne satisfont pas les exigences du PSAC et qui ont besoin d’un soutien supplémentaire avant de poursuivre dans le secondaire classique. Cependant, ce programme a rencontré de nombreuses difficultés. Le taux de réussite au National Certificate of Education (NCE) pour les élèves en EP est extrêmement bas, seulement 2,15 % en 2023 et 8,9 % en 2024. Même avec un délai prolongé (quatre ans au lieu de trois pour terminer le NCE), ces élèves peinent à répondre aux exigences du programme. Il y a un décalage entre les compétences fondamentales nécessaires et celles exigées pour passer à l’étape suivante, notamment pour le NCE et le School Certificate (SC). Cela démontre que le programme et le système d’évaluation du NCE ne sont pas adaptés aux besoins des élèves en EP.
Selon vous, quelles sont les solutions ?
Pour améliorer cette situation, nous devons repenser le parcours de ces élèves. Au lieu de continuer à les faire suivre un programme qui n’est pas aligné à leurs besoins, il faut les orienter vers un programme de Technical and Vocational Education and Training (TVET), qui combine l’acquisition de compétences académiques et pratiques. Cela leur offrirait des perspectives de carrière tangibles tout en leur permettant de continuer leur parcours scolaire. En intégrant des matières techniques telles que la menuiserie, la plomberie, l’électronique et les technologies de l’information, ce programme offrirait aux élèves les compétences recherchées sur le marché du travail, tout en réduisant le taux de décrochage scolaire.
Pourquoi l’interdiction des téléphones portables en classe est-elle considérée comme bénéfique pour l’éducation ?
Les téléphones portables sont devenus une source majeure de distraction dans les salles de classe. Ils perturbent l’apprentissage, favorisent le cyberharcèlement, encouragent la tricherie et exposent les élèves à des contenus inappropriés. Ces problèmes nuisent gravement à la qualité de l’éducation. Plusieurs pays, notamment la France, l’Italie, la Finlande, la Grèce et la Chine, ont mis en place des interdictions de téléphones en classe, et les résultats sont probants. L’interdiction de téléphones permet aux élèves de se concentrer sur leur apprentissage, de réduire les conflits et de créer un environnement plus propice à l’éducation. À Maurice, il est grand temps que le ministère de l’Éducation prenne des mesures concrètes pour interdire l’utilisation de téléphones portables dans les écoles.
Quelles mesures peuvent être prises pour lutter efficacement contre le bullying, le tabagisme et les grossesses chez les adolescentes dans les écoles ?
Le bullying, le tabagisme et les grossesses chez les adolescentes sont des problèmes majeurs dans nos écoles. Pour le bullying, il est impératif de mettre en place des politiques de tolérance zéro et de former le personnel éducatif pour qu’il puisse identifier et traiter ces situations rapidement. En ce qui concerne le tabagisme, une coopération avec les autorités pour organiser des campagnes de sensibilisation et des programmes de sevrage serait bénéfique. Pour les grossesses chez les adolescentes, il est essentiel de proposer des programmes d’éducation sexuelle complète, afin de donner aux jeunes les informations et les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées.
Comment la segmentation entre les académies et les collèges régionaux impacte-t-elle les élèves ?
La création des académies a entraîné une segmentation du système éducatif, où les académies accueillent des élèves performants, tandis que les collèges régionaux accueillent principalement des élèves avec des performances académiques plus faibles. Cela crée des stigmates, démoralisant les élèves et les enseignants dans les collèges régionaux. Il est nécessaire de réexaminer cette approche et d’implémenter un système plus inclusif. Le système mixte devrait commencer dès la Grade 7 dans tous les collèges régionaux, comme cela se fait au primaire. Cela permettra d’égaliser les chances pour tous les élèves, quel que soit leur parcours.
Quelles sont les principales raisons pour lesquelles l’enseignement en ligne n’a pas répondu aux attentes ?
L’enseignement en ligne n’a pas répondu aux attentes, principalement à cause du manque de dispositifs adéquats et de la faible connectivité à l’internet.
De nombreux élèves, notamment ceux issus de milieux vulnérables, n’ont pas pu accéder aux ressources nécessaires pour suivre les cours. Le gouvernement doit garantir l’accès à des tablettes pour les élèves et des ordinateurs portables pour les enseignants, accompagnés d’une connexion Internet fiable. De plus, une formation renforcée pour les enseignants est essentielle pour améliorer l’efficacité de cette méthode d’apprentissage.
Quelle est la principale cause du décalage entre le National Certificate of Education et le School Certificate ?
Il y a un décalage important entre le programme du National Certificate of Education (NCE) et celui du School Certificate (SC). Le programme du NCE ne comble pas suffisamment le fossé entre l’éducation fondamentale et la rigueur académique requise pour le SC. De nombreux élèves qui réussissent le NCE continuent de rencontrer des difficultés et échouent en Grade 10, car le programme du NCE ne les prépare pas adéquatement aux attentes académiques du SC. Pour remédier à cela, il est essentiel de réviser en profondeur le programme du NCE afin qu’il soit davantage aligné sur les exigences cognitives et académiques du SC. .
Pourquoi la politique de promotion automatique entre les grades 7 et 9 présente-t-elle des inconvénients ?
La politique de promotion automatique entre les grades 7 et 9, telle qu’elle existe sous la réforme NYCBE, présente plusieurs inconvénients. Elle permet aux élèves de progresser d’année en année sans maîtriser les compétences fondamentales, ce qui crée des lacunes d’apprentissage importantes. Ces lacunes empêchent les élèves de réussir pendant les années suivantes, ce qui conduit à des taux de redoublement et d’abandon d’élèves. De plus, cette approche démotive les enseignants, car elle réduit l’incitation à encourager l’excellence et à traiter les défis dès le départ. Elle dilue également la valeur de l’éducation en priorisant la progression au détriment de la compétence, ce qui impacte négativement les standards éducatifs globaux. Il faut arrêter cette pratique et favoriser une approche plus rigoureuse où la progression est conditionnée par la maîtrise des compétences fondamentales.
Comment le manque de personnel administratif dans les collèges publics affecte-t-il la gestion des établissements et la qualité de l’enseignement ?
Le manque de personnel administratif dans les collèges publics est un problème majeur qui affecte directement la gestion des établissements. Les recteurs se retrouvent à assumer des tâches administratives en plus de leurs responsabilités pédagogiques, ce qui réduit leur capacité à se concentrer sur la direction académique et l’encadrement des élèves. Cela a un impact négatif sur la qualité de l’enseignement et sur les résultats des élèves. Le ministère de l’Éducation doit accélérer le processus de recrutement afin de soutenir les opérations scolaires. Il est également important d’engager du personnel temporaire en attendant le recrutement permanent pour alléger la pression immédiate sur les chefs d’établissement.
Quelles sont les conséquences des subventions insuffisantes pour les écoles sur les conditions d’apprentissage et les infrastructures scolaires ?
Les fonds alloués aux écoles sont largement insuffisants pour répondre même aux besoins de base en matière de maintenance. De nombreux meubles scolaires, comme les bureaux des élèves et des enseignants, n’ont pas été renouvelés depuis plus de cinq ans. Ces équipements sont dans un état déplorable, ce qui perturbe l’environnement d’apprentissage. Même lorsque des recteurs prennent l’initiative de réparer des meubles avec les fonds de l’Association des Parents d’Élèves (PTA), ils ne sont pas remboursés par le ministère.
Pourquoi l’autonomie des recteurs dans la gestion des collèges est-elle considérée comme essentielle ?
L’autonomie des recteurs dans la gestion des collèges est un problème majeur. Actuellement, l’approche top-down adoptée par le ministère limite considérablement la flexibilité des recteurs à adapter les stratégies éducatives aux réalités spécifiques de leurs écoles. Les recteurs sont souvent contraints par des règlements stricts et des directives imposées, ce qui réduit leur capacité à innover et à répondre efficacement aux besoins de leurs élèves. Une autonomie plus grande permettrait aux recteurs de personnaliser les méthodes d’enseignement, d’allouer les ressources de manière plus efficace et de créer un environnement propice à l’innovation et à l’amélioration des résultats scolaires.
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