- Le ministère de l’Éducation élabore un plan d’action national
Humiliations, agressions verbales ou physiques, menaces, cyberharcèlement… Le bullying, ou harcèlement scolaire, prend des formes diverses. Quant à ses raisons, elles sont aussi multiples que complexes. De nombreux enfants en sont malheureusement victimes et cela peut avoir des conséquences dramatiques sur leur vie future. Des cas mis en évidence cette semaine démontrent que le bullying demeure un fléau tenace. C’est toute la communauté, des parents aux autorités en passant par les enseignants et éducateurs, entre autres, qui est concernée par cette problématique. Un vaste plan d’action est d’ailleurs en cours d’élaboration au ministère de l’Éducation. Il devrait être mis en œuvre à la prochaine rentrée scolaire.
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« Li ti pe zour mo mama. Monn amerde. Monn pran enn sez monn pil lor li », raconte Mathieu (prénom modifié). Âgé de 16 ans, il avoue que sous la provocation, il a commis cet acte de violence envers sa camarade de classe. Amélie et Nathalie (prénoms modifiés) fréquentent une école dans le Nord. Elles sont voisines. Dans l’autobus qui les ramène vers chez elles, les deux élèves ont eu une altercation. Lors des vifs échanges, elles se sont tiré les cheveux et les vêtements tout en s’injuriant mutuellement. Ce sans se soucier de la présence des autres passagers. Si certains d’entre eux ont essayé de les calmer, elles n’ont pas manqué de les insulter, dans leur colère. La raison de cette bagarre ? « Une n’a pas apprécié que l’autre critique sa façon de s’habiller. En surface, cela semble futile mais il y a des choses plus profondes », répond la travailleuse sociale qui est chargée de leur accompagnement scolaire après les heures de classe. Elle affirme que le bullying est malheureusement une réalité pour de nombreux enfants, à Maurice comme dans le monde entier.
Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette problématique, poursuit notre interlocutrice. Toutefois, selon elle, le principal facteur est l’environnement familial. « Souvan, papa ek mama lager ou zot paran dan lalkol ou ladrog. Toulezour, ena violans dan lakaz. Pou zot, violans li normal », souligne la travailleuse sociale. Elle explique qu’à l’origine du bullying, il y a aussi un enfant qui domine celui qui est plus tranquille. « Ena osi bann seki fer granwar pou ekzers pouvwar lor bann pli feb. Pli feb la si li pa expoze ek violans dan so lakaz, li pou sibir ek res trankil. » Quant aux autres facteurs familiaux, elle cite, entre autres, la pauvreté, la malnutrition ou encore la négligence parentale.
En ce qui concerne les enfants issus de milieux défavorisés, la travailleuse sociale indique qu’ils peuvent être victimes de discrimination et d'exclusion sociale en raison de leur statut socioéconomique. Ils peuvent être aussi moqués pour leur apparence, leurs vêtements, leur lieu de résidence ou leur accent, ce qui les place dans une situation de vulnérabilité face aux brimades de leurs pairs. De plus, ces enfants peuvent avoir des difficultés à s'intégrer dans les groupes sociaux de l'école. Et cela peut les conduire à être plus isolés et à subir des comportements de harcèlement. « D’où l’importance de créer des environnements scolaires inclusifs et de fournir des ressources et des services de soutien pour aider à prévenir et à résoudre les comportements de harcèlement », conclut-elle.
Un plan d’action en préparation pour la prochaine rentrée scolaire
Nous apprenons de sources autorisées qu’un plan d’action est actuellement en cours d’élaboration au niveau du ministère de l’Éducation. Des mesures seront mises en place, dès la prochaine rentrée scolaire, pour éviter tout acte de violence au sein des établissements primaires et secondaires. C’est ainsi qu’un comité a été mis sur pied. Le personnel du département de Health and Wellness du ministère, des médecins, des psychologues et des travailleurs sociaux sont à l’œuvre pour développer certaines stratégies au sein des écoles et hors de ces établissements.
Vishal Baujeet, président de la GTU : «Nous encourageons les élèves à mener une réflexion»
Au niveau des écoles primaires, Vishal Baujeet, président de la Government Teachers’ Union (GTU), assure que la problématique du bullying est mieux cernée et contrôlée aujourd’hui. Pour ce faire, l’accent est mis sur la conscientisation à travers l’enseignement des valeurs humaines. « Nous avons appris des incidents du passé. Ainsi, nous conscientisons et misons sur un avenir plus serein. Dans le sens où les enfants sont bel et bien au courant des séquelles et de l’effet du harcèlement scolaire à travers les faits que les enseignants tentent de mettre en avant. En tant qu’enseignants, nous prêchons des valeurs afin de faire comprendre la gravité de ce genre de comportement en d’encourager les élèves à mener une réflexion. »
Il explique l’écart de cas enregistrés entre le primaire et le secondaire par le fait que les élèves du primaire sont moins exposés au monde extérieur. « À cet âge, les élèves sont accompagnés à l’école par leurs parents. Ils sont moins exposés au public. Certes, nous avons des cas, mais ils sont moins graves et gérables. Tandis qu’au niveau secondaire, c’est la phase où les jeunes se découvrent et ont accès à plus de liberté. Cette liberté amène certains adolescents à agir comme des adultes et cela peut causer certaines dérives. »
Toutefois, il concède que certains élèves du primaire adoptent un comportement violent dû à plusieurs facteurs externes. « L’écart d'âge entre deux enfants du même foyer, soit un en bas âge et l’autre en période d’adolescence, peut expliquer ce genre de comportement chez le plus petit qui essaye d’imiter son frère ou sa sœur. Idem pour ceux qui sont exposés aux contenus violents sur Internet. »
La GTU reconnaît le travail de sensibilisation entamé par la Brigade pour la protection de la famille et des ONG qui mènent régulièrement des campagnes sur les graves conséquences du harcèlement sur les performances de l'enfant à l'école. « Toutefois, il est également de la responsabilité des parents et de la société d’accompagner les enfants dans leur bon développement. Plus de sensibilisation de toutes parts permettrait d’apaiser la situation de violence chez les citoyens de demain. Idem pour les autorités concernées, plus d’initiatives de leur part serait souhaitable », souligne-t-il.
Une collégienne victime d’agression
Son père témoigne de sa détresse
Ruben Mootoo, 36 ans, un habitant de Floréal, raconte que le jeudi 2 mars dernier, sa fille âgée de 14 ans a été agressée par un groupe d’élèves dans l’enceinte du collège privé qu’elle fréquente. L’incident s’est produit sous les yeux d’un enseignant, mais sans qu’il n’intervienne, selon sa fille. Ce sont d’autres élèves qui sont intervenues pour la protéger.
Comme ni la direction du collège, ni le ministère de l’Éducation (à qui Ruben a adressé une lettre) n’ont pris d’action, selon lui, il a été forcé de transférer sa fille vers un autre établissement (de zone 4).
Ruben déclare avoir rapporté le cas à la Child Development Unit, la Brigade pour la protection de la famille, la police régulière, la Private Secondary Education Authority. Bref, il a frappé à toutes les portes. Sa fille, explique-t-il, a reçu des coups aux côtes et à la tête. Elle a été affectée psychologiquement, affirme le papa. À tel point qu’un drame irréversible aurait pu se produire. « Le collège a téléphoné à ma femme pour dire que notre fille avait été physiquement agressée et que cela l’avait tellement perturbée qu’elle avait voulu se jeter du troisième étage du bâtiment », relate-t-il.
Deux semaines après l’incident, poursuit Ruben, le manager du collège l’a contacté pour lui demander s’il pouvait venir voir sa fille. Le père a refusé parce que dans un premier temps, celui-ci n’avait pas accepté de le recevoir. Il ajoute que plus tard, lorsqu’il s’est rendu au collège pour obtenir les documents du transfert, le groupe d’élèves qui avait agressé sa fille lui a fait un doigt d’honneur.
Elvissen Adaken, attaché de presse au ministère de l’Éducation, a déclaré à la journaliste Priscilla Sadien, lundi dans l’émission Explik ou Ka sur Radio Plus, qu’aussitôt après avoir été informé du cas de la fille de Ruben, il a fait le nécessaire pour savoir où en était le dossier. « Effectivement, le ministère a pris connaissance de la lettre de M. Ruben Mootoo et une copie a été envoyée à la CDU et à d’autres institutions pour demander un rapport de la zone en question. Cela afin de savoir s’il y a eu un comité disciplinaire, si des actions ont été prises et aussi pour connaître la situation qui prévalait », a-t-il indiqué.
« Il est bon que M. Ruben Mootoo sache qu’au niveau du ministère de l’Éducation, nous avons notre ‘counselling service’. Ce que nous avons appris au sujet de sa fille est inacceptable. Nous ne serons jamais d’accord qu’une élève opte pour une telle solution. Elle bénéficiera des services proposés par le ministère. Elle n’est pas fautive dans ce qui lui arrive, elle est une victime dans cette histoire. Nous allons tout faire pour la remettre en confiance, pour qu’elle reprenne confiance en elle », a-t-il ajouté.
Le ministère de l’Éducation avait prévu, avec la permission du papa, que la responsable du counselling du ministère prenne contact avec l’adolescente le jour même de son intervention à la radio, soit le lundi 3 avril.
Leela Devi Dookun-Luchoomun : « Ce genre de comportement est inacceptable et ne sera pas toléré »
« Ce genre de comportement est inacceptable et ne sera pas toléré. » C’est ce qu’a déclaré la vice-Première ministre et ministre de l'Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, le mercredi 5 avril. Elle réagissait à l’agression d’un élève du Mauritius Institute of Training and Development (MITD). Après avoir visionné la vidéo montrant cette agression, elle soutient : « C'est choquant. Comment des enfants peuvent-ils se permettre d'être aussi violents ? » Et d’ajouter : « Des sanctions seront prises à l'encontre des élèves en cas de tels incidents. » Elle précise être satisfaite des mesures prises par le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, pour suspendre les quatre élèves incriminés (le MITD relève de la responsabilité du ministère du Travail).
Pour la ministre, il est de la responsabilité des parents, des enseignants, des chefs d'établissement, voire de la communauté dans son ensemble, de veiller à ce que les jeunes soient imprégnés des bonnes valeurs. Leela Devi Dookun-Luchoomun souligne que plusieurs campagnes sont déjà menées dans les écoles pour prévenir toute forme de violence.
L’urgence de lutter contre le bullying
En début de semaine, la réaction du Mauritius Institute of Training and Development (MITD) n’a pas tardé après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo montrant l’agression d’un élève. Les auteurs de cette violence ont été suspendus de l’établissement.
Cependant, ce cas n’est qu’un autre cas qui s’ajoute à ceux de la violence en milieu scolaire. Le bullying, ou harcèlement scolaire, est un sujet qui préoccupe désormais de nombreux parents, éducateurs et travailleurs sociaux. Que ce soit à l'école primaire, au collège ou à l’université, le bullying peut toucher tout le monde sans exception. Et lorsqu'un enfant ou adolescent est victime de bullying, il ne se sent plus en sécurité dans son environnement scolaire. Il peut alors souffrir de stress, de dépression et avoir des pensées suicidaires. Les conséquences du bullying sont donc très graves pour les victimes, qui peuvent avoir du mal à se faire des amis et à s'épanouir dans leur vie sociale en général. En outre, si des élèves ne se sentent pas en sécurité et ne se sentent pas acceptés, il leur est difficile d’être motivés pour apprendre et réussir dans leurs études. Cela aura également un impact sur les résultats de l'établissement, ce qui est préjudiciable pour tout le monde.
Arvind Bhojun, président de l’UPSEE : « Le harcèlement scolaire s’intensifie de manière alarmante »
« De jour en jour, la violence se fait ressentir dans les institutions scolaires sous forme de harcèlement, que ce soit verbal ou physique. C’est alarmant car, en sus de la hausse des cas, elle s’intensifie surtout dans les collèges privés secondaires. Tant dans les collèges pour garçons que pour filles », explique Arvind Bhojun, président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE).
À titre de comparaison, il fait ressortir l’évolution de la nature de l’indiscipline dans les établissements scolaires au fil des années. « Certes, les problèmes d’indiscipline ont toujours existé dans les écoles. Toutefois, autrefois, ils ne faisaient pas trembler de peur. La gravité pouvait être mesurée. Aujourd’hui, c’est tout autre chose. Ça devient incontrôlable et ingérable pour le corps enseignant. Nous ne nous sommes pas préparés à faire face à une telle situation. De facto, trouver des solutions représente un réel défi. »
Il attribue ce genre de comportement principalement à la frustration éprouvée par certains élèves. Selon lui, les victimes de bullying font les frais du mépris de leurs camarades de classe pour plusieurs raisons. « Au niveau des collèges privés, ce genre de comportement est observé chez les élèves de l'Extended programme. Ils arrivent difficilement à suivre le rythme de leurs camarades de classe qui sont doués sur le plan académique. On compte parmi eux certains élèves qui ont grandi dans des milieux difficiles avec un manque d’encadrement. La violence devient alors une façon de s’exprimer. »
Arvind Bhojun attire l’attention sur les répercussions du harcèlement chez les victimes. « Certains sont gagnés par la peur et arrêtent l’école. Tandis que d’autres se résolvent à accepter leur sort, par peur de dénoncer leurs bourreaux et par conséquent d’être exclus du groupe. Et lorsque la situation devient hors de contrôle, ils cèdent et se brisent. »
Le président de l’UPSEE déplore le manque de cadre approprié avec l’expertise nécessaire, qui selon lui est responsable de ce « dérapage ». Il insiste sur la nécessité de la dispensation de formations à l’intention du corps enseignant ainsi que sur l’attribution des postes de gestion des établissements scolaires à davantage de personnes.
L’UPSEE accueille favorablement la présence de psychologues dans les établissements scolaires afin de surveiller de près les victimes. Mais encore, pour mieux comprendre la source de l’agressivité des harceleurs. « Avec l’accompagnement et l’expertise des psychologues, nous pourrons avoir une meilleure approche avec les élèves dans la tourmente et pourquoi pas trouver une solution qui pourrait atténuer la violence. Toutefois, cela doit se faire régulièrement afin de favoriser un suivi », conclut Arvind Bhojun.
Soondress Sawmynaden, pédagogue : « Nous avons failli »
Soondress Sawmynaden, pédagogue et ancien recteur, ne mâche pas ses mots : « Définitivement, nous avons failli quand on voit une telle violence parmi les élèves. Aujourd’hui, cette violence n’arrive pas seulement dans les écoles, elle est aussi visible à l’extérieur. »
Il estime qu’il faut agir vite pour éviter d’autres dérapages. Soondress Sawmynaden, qui est à la retraite depuis 2020, affirme que l’on doit intervenir en amont. « Il faut revoir le cursus scolaire, parce qu’il est trop compétitif. L’accent doit être mis sur les activités qui donnent aux élèves un développement holistique. Les enfants doivent apprendre à vivre ensemble. » Il fait ressortir que ce système existe déjà au sein des établissements privés payants.
L’ancien recteur déplore qu’actuellement, les enseignants manquent de temps pour donner une attention individuelle à chaque élève. « Nous avons des classes bondées, un programme d’étude compétitif à terminer. Il est malheureux de dire qu’il y a des profs qui ne connaissent pas le nom de leurs élèves même après avoir passé trois mois avec eux. Des solutions doivent être trouvées pour le bien de nos enfants. »
L’accompagnement parental est aussi important, selon Soondress Sawmynaden. « Beaucoup d’enfants sont malheureusement sans guide, étant issus de familles brisées. Certains sont constamment sur leur portable et ont des mauvaises fréquentations. Vu que les parents ne sont pas toujours à côté d’eux, il serait souhaitable que chaque école ait un psychologue rattaché à l’établissement pour que les élèves bénéficient d’un soutien. L’école doit être un lieu où l’enseignant et l’élève se sentent bien… »
Questions à…Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, psychosociologue : « Un accompagnement social et légal est important pour que tout enfant victime soit protégé »
Comment définit-on le bullying ?
En 2021, les experts français Marie Quartier, Bernard Gardette et Jean-Pierre Bellon, qui travaillent depuis des années sur le harcèlement en milieu scolaire, soutiennent que trois composantes doivent être prises en compte pour qualifier un acte de bullying ou intimidation. La première composante est le contexte, soit la place et omniprésence du groupe ainsi que la disproportion des forces d’un groupe contre une seule personne. La deuxième composante, c’est la répétition des actes négatifs. La troisième, c’est la souffrance et l’incapacité de la personne victime de se défendre toute seule.
L’article 26 de la Children’s Act de 2020 concerne et condamne le bullying, le définissant ainsi : « ‘bully’ means any behaviour by whatever means, including information and communication technologies, which (a) is repetitive, persistent and intentionally harmful ; or (b) involves an imbalance of power between the victimiser and the child and causes feelings of distress, fear, loneliness or lack of confidence in the child, and which results in serious physical or psychological harm to the child, disability of the child or death of the child. »
Le nombre de cas de bullying en milieu scolaire est-il alarmant à Maurice ?
Très peu de cas de bullying et cyberbullying sont rapportés chaque année à Maurice, par rapport à la réalité, comme plusieurs situations de violence. L’underreporting est dû à la peur des représailles, à la honte, aux menaces, entre autres raisons.
Qu’est-ce qui cause le bullying ?
Aucune raison ne justifie jamais une situation d’intimidation. En 1982, René Girard a affirmé que « considérer que les victimes sont pour quelque chose dans le malheur qui les frappe est l’un des plus puissants stéréotypes de la persécution ». Les enfants victimes sont en souffrance et en insécurité. L’effet du groupe est important dans ces situations d’intimidation. Il est difficile de ne pas en faire partie, particulièrement à l’adolescence. Ce qu’observent Quartier, Gardette et Bellon, chez les enfants auteurs, c’est que l’intention de nuire n’est pas toujours avérée et que l’impact du groupe est très fort. Car les enfants s’allient aux auteurs par suivisme, conformisme, mimétisme pour ne pas être exclus et/ou éviter d’en devenir la cible. Une attitude différente est observée si l’auteur est seul. Puis, il y a la place de la peur. Plusieurs enfants auteurs sont effrayés par le poids du groupe et appréhendent que le groupe se retourne contre eux s’ils prennent leurs distances. À cela, s’ajoute la peur de se retrouver seul, de perdre sa popularité, son pouvoir et d’être à la merci d’un autre groupe, etc. Le désir de sortir de cette fonction est présent chez plusieurs auteurs qui vivent souvent un sentiment d’insécurité. Comme les enfants victimes, les enfants auteurs ne se sentent pas forcément non plus à l’aise au sein du collège. Un terme est souvent facilement mis au harcèlement dès qu’une issue honorable leur est suggérée.
Quelles sont les conséquences du bullying sur les enfants victimes ?
La souffrance que vivent les personnes victimes est importante sur les plans physique, social et psychologique. La peur, l’anxiété, la solitude, le stress, l’adoption d’un comportement de retrait social et d’isolement peuvent être observés. Il y a aussi les difficultés scolaires tels que l’absentéisme, la baisse des résultats, l’abandon des études et la consommation de substances psychotropes, ainsi que l’impact dans les risques de comportements suicidaires et les risques d'adoption de comportements agressifs, etc. L’effet est aussi observé sur la confiance en soi, l’estime de soi et l’image de soi, ainsi que les bases des relations sociales, ce qui peut les rendre fragiles.
Très peu de cas de bullying sont rapportés chaque année à Maurice, par rapport à la réalité, en raison de la peur des représailles, de la honte, des menaces…»
Comment les aider ?
La priorité est de se centrer sur les enfants victimes, de stopper les actes d'intimidation, de protéger tout enfant et de créer un climat scolaire sûr et sain. En France, Jean-Pierre Bellon, Bertrand Gardette et Marie Quartier ont revu la Méthode de préoccupation partagée (MPP) développée par Pikas, méthode efficace et scientifiquement validée pour lutter contre l’intimidation en milieu scolaire. La MPP a comme priorité de repérer qui souffre et de se concentrer sur le bien-être des élèves en milieu scolaire. L’autre priorité est la sécurité de tous, victimes et auteurs. Cette méthode consiste en des entretiens avec les auteurs, témoins et victimes. Il n’y a pas de médiation envisagée et en aucun cas, il n’y aura de confrontation entre les auteurs et les victimes. La MPP est facile à mettre en place. Le point important pour l’application de cette méthode est une équipe formée. Au sein d’Action for Integral Human Development, plusieurs enseignants, psychologues et counsellors ont été formés en 2022 et 2023. La méthode est déjà appliquée dans des établissements scolaires et elle est efficace. Selon ces experts, vis-à-vis des enfants auteurs, la moralisation, les remontrances, les critiques, les reproches ou les appels à l’empathie ne sont pas efficaces pour lutter contre le bullying. Le but ultime est de faire cesser les actes d’intimidation. Car il y a une urgence de sécurité et bien-être de tous et toutes. La MPP est intéressante aussi pour que tous s’en sortent la tête haute, sans humiliation ou violence.
Comment approcher les familles des victimes de bullying pour les aider à mieux comprendre les symptômes et les besoins de leur enfant ?
Outre les campagnes de sensibilisation et formations, il est fondamental d’informer tous les citoyens sur les diverses formes de violence, sur le bullying et le cyberbullying : définitions, conséquences, alternatives pour les éviter, les lois qui existent et les recours possibles. Il importe aussi de parler des usages du numérique : de l’âge de l’utilisation des écrans pour les enfants aux risques des informations personnelles partagées, ainsi que des contacts avec des inconnus, des risques encourus quand une image est sur le web et des risques de cyberpornographie, tels que de l’envoi de « nudes », de « porno divulgation », de harcèlement et de chantage. Vu que les images sont sur le web et ne sont plus contrôlées, il y a les risques d’accès des prédateurs sexuels ainsi que les préjudices éventuels de l’affichage ou partage de photos avec des signes distinctifs. Tels que visage, piercing ou tatouage permettant d’identifier qui est sur la photo.
Comment prévenir les récidives de bullying ?
Un accompagnement thérapeutique de qualité est indispensable pour les victimes. Un accompagnement social et légal est aussi important pour que tout enfant victime soit protégé. Les individus, institutions et instances doivent se mobiliser pour réfléchir et agir ensemble pour éviter tout recours à toute forme de violence. Il faut plus de psychologues et counsellors compétents et accessibles. Plus de membres du personnel formés à la MPP, ainsi que davantage de formation de base et continue de toutes les personnes impliquées dans l’accompagnement des enfants sont des éléments importants. Des solutions existent et leur mise en application dépend, bien entendu, d'une volonté politique pour investir dans ces axes.
* Mélanie Vigier de Latour-Bérenger est consultante au sein d'Action for Integral Human Development et membre du Kolektif Drwa Imin ainsi que du Kolektif Drwa Zanfan Morisien.
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