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Harcèlement et violence à l’école : les cicatrices invisibles des anciennes victimes

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Ces derniers jours, un énième cas de harcèlement et de violence en milieu scolaire a défrayé la chronique. Il s’est passé dans un centre du MITD. Ce fléau, qui ne date pas d’hier, continue à sévir dans nos écoles. Confidences d’adultes qui en ont été victimes dans le passé. 

Plus d’une dizaine d’années après, les cicatrices du passé sont toujours présentes. « J’ai été victime de harcèlement verbal à l’école primaire, puis de harcèlement verbal et physique au collège », confie Ludovic Lebon. Il explique que du Grade 7 au Grade 9, il était assez fébrile et réservé. « Mais j’étais dans un collège où même l’administration faisait partie des oppresseurs », avance le jeune homme de 25 ans. 

Pendant des années, il subit humiliations et coups. « On se moquait de moi quand j’allais rapporter mes problèmes. On se moquait de ma façon de marcher, de m’habiller et même de ma sexualité que je n’avais pas encore découverte à l’époque », poursuit Ludovic Lebon. 

Aujourd’hui, il s’est frayé un chemin et travaille comme Community Manager et Merchandiser chez Fashion House. Il a dû quitter le système éducatif traditionnel alors qu’il était en Grade 11 (SC). Le harcèlement dont il faisait l’objet est l’une des raisons principales de cette décision. « Cela a eu un impact sur ma vie d’adulte. J’ai pris plus de temps à atteindre mes objectifs professionnels. J’ai quitté le milieu scolaire et cela m’a pris énormément de temps pour m’adapter et réaliser que j’étais dans un environnement sain lorsque j’ai finalement décidé de reprendre mes études », révèle-t-il. 

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Ludovic Lebon.

Après une décennie, Ludovic Lebon dit se porter mieux. Cela lui a pris des années pour se reconstruire et bâtir sa vie. « Je garde encore des souvenirs de ces années traumatiques. Mais je me dis que quitter l’école a été la meilleure décision que j’aie prise. Je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt », déclare-t-il.  

Diksh Potter, photographe de 36 ans, a également été victime de harcèlement pendant ses années de collège. Aujourd’hui marié et père de famille, il affirme que ces moments douloureux lui ont permis de forger sa personnalité. 

Élève au Mahatma Gandhi Institute de Moka, il a été harcelé alors qu’il était en Lower VI. « Le harcèlement existait déjà lorsque j’ai intégré le collège. J’avais 17 ans quand j’en ai été victime. Il y avait plusieurs groupes. Un en particulier aimait semer la zizanie et consommer de l’alcool, entre autres. Si vous ne faisiez pas partie de ce groupe, vous étiez marginalisé et deveniez une cible. J’étais ‘enn ti bitor’ mais pas au point de m’associer à ces élèves », se souvient-il. 

Ses agresseurs agissaient souvent selon leurs envies. « Quand ils voulaient vous cogner, ils ne se privaient pas. Parfois c’était juste une envie. Ils vous appelaient et vous donnaient deux gifles. Cela m’est arrivé plusieurs fois. Cela se passait surtout pendant les ‘breaks’ », se remémore Diksh Potter. 

Un jour, alors qu’il était en Upper VI, il a riposté. « Comme d’habitude, j’avais été battu pour rien. Ce jour-là, je n’étais pas de bonne humeur et j’ai bousculé mon agresseur. Son groupe s’en est pris à moi. On m’a jeté par terre et tous m’ont roué de coups. Par la suite, c’est devenu une habitude pour eux », témoigne le trentenaire. 

Après avoir subi ce harcèlement, il s’est juré de ne plus jamais se laisser faire. D’ailleurs, s’il voit des personnes être harcelées dans la rue, il n’est plus de ceux qui se taisent, et n’hésite pas à leur venir en aide. 

Diksh Potter a terminé ses études secondaires en 2006. Il y a deux ans, il est tombé nez à nez avec un de ses agresseurs après presque 15 ans. « Il s’est excusé pour ce qu’il m’a fait subir. Il m’a dit qu’il savait que ce n’était pas bien mais qu’il agissait sous la pression des autres. Quand je vois ces vidéos qui circulent, cela me rend furieux. Cela me rappelle ce que j’ai vécu », lance-t-il. 

R.B, un entrepreneur âgé d’une quarantaine d’années, souligne que le harcèlement est un problème qui traverse les générations. Ancien élève d’un collège d’État à Curepipe, il raconte que sa vie estudiantine n’a pas été de tout repos. « Le harcèlement existait dans les années 90. Nous n’étions tout simplement pas au courant des cas. Aujourd’hui, à l’ère de la technologie, il est possible de filmer la scène et la vidéo devient virale. Les gens sont donc davantage conscients de ce fléau », estime-t-il. 

R.B, lui, a été victime de harcèlement moral. « À l’époque, j’étais très maigre. On se moquait de moi et on me traitait de tous les noms : sac lezo, gandhi… cela m’affectait mais je ne pouvais pas riposter car ceux qui prenaient du plaisir à harceler les autres étaient forts physiquement. Je préférais donc subir en silence tout en trouvant du courage pour affronter la situation. » 

Quand il regarde en arrière, R.B est conscient que ce n’était pas « fun ». « C’étaient surtout les élèves issus de familles aisées qui prenaient pour cibles ceux qui étaient pauvres ou qui venaient de villages comme moi. On se moquait de notre accent, entre autres. C’était une culture innée chez eux. Il y a aussi des élèves des collèges d’élite qui montraient leur supériorité et nous dénigraient si par exemple on sortait avec une fille fréquentant un établissement d’élite », met-il en avant.

Marie (prénom d’emprunt) souffre d’un problème à l’œil depuis la naissance. À l’école, elle a été victime de harcèlement à cause de cela. Ses parents ont toujours veillé à ce qu’elle ne se sente pas complexée par cette différence et ont suivi les recommandations du médecin en la traitant comme une enfant normale. « C’est à l’école primaire que j’ai été la risée des autres. Heureusement, mes amis ont agi comme une barrière de protection et ont riposté verbalement, sans violence. J’ai eu la chance d’avoir deux de mes amies avec moi au collège. Elles ont continué à me protéger du harcèlement. » 

Aujourd’hui mariée et maman, Marie est bien plus forte qu’avant et peut très bien se défendre elle-même. « Ce n’est plus un handicap pour moi. C’est plutôt une force. Je suis chanceuse d’avoir eu des amis qui m’ont protégée. Sans eux, le harcèlement que je subissais aurait pu m’affecter à vie », soutient-elle. 

Un plan d’action en préparation

Au niveau du ministère de l’Éducation, il nous revient de source sûre qu’un plan d’action est en préparation. Des mesures seront mises en place dès la prochaine rentrée scolaire pour éviter tout acte de violence au sein des établissements primaires et secondaires. Un comité comprenant médecins, psychologues, officiels du ministère et travailleurs sociaux a été créé afin de proposer des stratégies efficaces pour contrer ce fléau. 

Dr Karuna Rajiah, psychologue : «Les victimes peuvent développer un sentiment de honte et de colère» 

karunaLa vidéo montrant un élève d’un centre de formation du Mauritius Institute of Training and Development être roué de coups par d’autres camarades de classe en a choqué plus d’un. La victime a été hospitalisée, alors que ses assaillants ont été suspendus avec effet immédiat. Cet énième cas de violence en milieu scolaire n’est pas sans conséquence. 

« Quand un élève est victime de ‘bullying’ et de violence, cela engendrera des questions dans sa tête, lesquelles peuvent le mener à ressentir de la déprime, du chagrin et un mal-être », explique le Dr Karuna Rajiah, psychologue et chargée de cours. 

Elle ajoute que cela a aussi un impact sur sa confiance et son estime de soi. « Certaines victimes peuvent développer un sentiment de honte qui, à son tour, génère de la colère », ajoute la chargée de cours. Elles commencent à développer une sorte d’agressivité envers leurs parents, leurs frères, leurs sœurs et leurs proches amis. 

« L’enfant peut également intérioriser le mal et se renfermer sur lui-même. Il sera alors sur ses gardes sans vraiment pouvoir se défendre s’il est encore victime. Ce qui engendre d’autres complications socio-émotionnelles », indique-t-elle. 

Le Dr Karuna Rajiah avance que l’enfant victime peut devenir « tranquille » et développer une forme de haine envers les gens autour de lui. Elle évoque aussi la possibilité qu’il commence à s’agripper à des personnes qui le font se sentir en sécurité. 

« L’enfant ne voudra plus se rendre à l’école. Il faudra que les parents, qui représentent l’autorité, l’y accompagnent. Il espérera que le recteur, qui fait aussi figure d’autorité, agisse. Malgré la peur, l’enfant se sentira mieux. La victime ressentira le besoin d’être défendu par une autorité supérieure », précise-t-elle. 

Des conséquences sur le long terme peuvent également surgir, selon elle. La victime continuera à se sentir mal si l’agresseur reste impuni ou s’il demande seulement des excuses. « Elle ressentira un sentiment d’injustice. Elle prendra du temps pour redorer son image, surtout s’il y avait des témoins de la scène », explique la psychologue. 

Elle avance que dans bien des cas, les témoins n’agissent pas, sans doute par peur d’être eux aussi victimes. « Les introvertis se sentiront mal, alors que les extrovertis y trouveront du plaisir et diront que l’agresseur aurait dû faire cela ou cela à la victime. Chaque personne est différente avec sa personnalité. Chacun a sa façon de penser. Certains s’associent à la victime et d’autres à l’agresseur. » 

La psychologue évoque le fait que souvent, les agresseurs ont eux aussi été victimes d’agressions dans le passé, que ce soit verbales, morales ou psychologiques. « Comme je l’expliquais plus haut, c’est là que se développe le sentiment de ‘shame and anger’. Cette colère pousse la victime à devenir l’agresseur. En agressant les plus faibles, elle se sent plus forte et libérée de la pensée qu’elle a elle-même été victime dans le passé. Elle se cache derrière la colère et la violence », dit-elle. 

Le Dr Karuna Rajiah met, d’autre part, en exergue que les jeunes sont aujourd’hui exposés à des jeux vidéo qui sont violents. « C’est de là qu’ils apprennent des choses comme la violence qui n’est pas acceptable dans la société. D’où l’importance d’utiliser la technologie avec modération. Les parents sont occupés, mais ils doivent se rendre à l’évidence que cela déclenche de mauvais comportements », conclut-elle.  

Jacques Malié : « Il faut être sévère et punir »

jacquesAncien recteur du collège du St-Esprit, Jacques Malié estime que la prévention peut aider à diminuer ce type de comportement violent. Néanmoins, souligne le pédagogue, des sanctions disciplinaires doivent être appliquées pour avoir un effet dissuasif. « Cela se passe dans plusieurs institutions. La prévention à elle seule ne décourage pas. Certains élèves n’ont pas peur, sachant qu’il n’y aura pas de retombées, hormis une petite réprimande », explique-t-il. 

Raison pour laquelle il estime qu’il est temps d’envoyer un signal fort pour en finir avec les cas de harcèlement et de violence en milieu scolaire. « Les enfants n’ont peur de rien. Il faut être sévère et punir. Il n’y a pas d’autre issue. Il faut même en renvoyer certains si nécessaire. Je regrette d’avoir à dire cela. Mais le fait de savoir qu’ils peuvent être mis à la porte poussera les autres à bien réfléchir avant d’agir », affirme Jacques Malié. 
L’on ne peut pas continuer à tolérer ceux qui gâchent l’environnement scolaire, martèle le pédagogue. Il regrette d’ailleurs que les retenues après les heures de classe et les « Saturday arrests » aient été « banalisés », voire carrément jetés aux oubliettes au sein de plusieurs établissements, faute de ressources et à cause de contraintes administratives. 


Dr Julien Quenette, expert en psychologie du développement : «Il faut comprendre le terme trouble mental pour stopper la stigmatisation»

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Crédit Photo : Simon Fuller

Pour des boîtes de lait vides qu’il récupère auprès des habitants, un jeune homme de 27 ans a été agressé à Triolet, le mardi 21 mars 2023. À la suite de ce cas, le président de la Société des professionnels en psychologie (SPP), responsable du pôle adulte et famille de l’APEIM et spécialisé en psychologie du développement, sensibilise sur la question du handicap intellectuel et de l’autisme. 

Quand utilise-t-on le terme trouble mental ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un trouble mental est caractérisé par une altération majeure, sur le plan clinique, de l’état cognitif, de la régulation des émotions ou du comportement d’un individu. Il se manifeste généralement par un sentiment de détresse ou des déficiences fonctionnelles dans des domaines importants de la vie quotidienne, tels que l’éducation, le travail et les relations sociales. En d’autres termes, un trouble mental est une condition qui affecte la capacité d’une personne à fonctionner normalement dans sa vie quotidienne et à interagir efficacement avec son environnement 

Cependant, cela ne se résume pas à cela. Parfois, il arrive qu’une partie de nous parvienne à montrer aux autres que tout est normal et que nous arrivons à fonctionner. Cependant, il peut également exister une ou plusieurs autres parties de nous qui souffrent, bien souvent en silence et à l’abri des regards. Il est donc important de bien faire comprendre ce terme aux gens, car c’est lorsque nous ne comprenons pas quelque chose que cela peut générer des sentiments tels que la peur ou la colère.

C’est lorsque nous ne comprenons pas quelque chose que cela peut générer des sentiments tels que la peur ou la colère»

À Maurice, le terme « trouble mental » est souvent associé à l’hôpital Brown Sequard. Pourquoi ?
Le Brown Sequard Hospital (BSH) est le seul hôpital psychiatrique à Maurice. Lorsqu’on parle de santé mentale, les gens ont souvent tendance à faire immédiatement le lien avec la maladie mentale. Il n’y a pas si longtemps, j’ai entendu quelqu’un se référer à la trisomie 21 en utilisant le terme offensant de « Mongol ». 

Malgré l’accès à la technologie et à l’ère numérique, nous avons tendance à rester fermement attachés à nos croyances. Il incombe à l’État d’informer et de sensibiliser la population pour permettre une meilleure compréhension de ces questions. Cette éducation devrait commencer dès le plus jeune âge, y compris à l’école.

Après le cas d’agression sur un jeune homme de 27 ans à Triolet, vous prenez position par rapport à la sensibilisation sur le trouble mental. 
Cet article m’a touché. Nous avons reçu un appel de détresse de la mère de ce jeune adulte qui avait bénéficié de nos services à l’APEIM (Association de parents d’enfants inadaptés de l’île Maurice) en 2020 et avait été référé pour participer à nos ateliers professionnels. Cependant, le centre se trouve à une distance qui nécessite un moyen de transport, et il n’y a pas de service de transport pour le conduire de Triolet au centre. Il n’est pas autonome dans ses déplacements et a besoin d’être encadré. Il a été agressé alors qu’il ramassait des boîtes de lait. On ne peut qu’imaginer ce qui pourrait arriver s’il prenait le bus seul.

Lorsqu’on parle de santé mentale, les gens ont souvent tendance à faire immédiatement le lien avec la maladie mentale»

Que représente cette boîte de lait pour lui ?
Cet adulte présente des traits associés au Trouble du Spectre Autistique (TSA). Ce trouble fait partie des troubles neurodéveloppementaux, tels que définis par l’OMS. Il est caractérisé par des limitations dans les domaines de la socialisation et de la communication, associées à des intérêts restreints et/ou des comportements stéréotypés. 

Le jeune homme en question est particulièrement intéressé par la collecte de boîtes de lait, qui fait partie de ses compulsions et qu’il affectionne particulièrement. Cependant, il ne peut contrôler ces comportements sans l’aide d’un apprentissage spécifique et de l’accompagnement adéquat d’un éducateur/trice spécialisé(e) ou d’un(e) auxiliaire de vie (special needs carer).

L’année dernière, il y a eu le cas d’un autre jeune qui lui adore les bus. Il s’est retrouvé à la gare du Nord à prendre des photos des bus. Un receveur est descendu et cela a dégénéré. On l’a traité de fou. Malheureusement, à Maurice, dès qu’on évoque les troubles mentaux, on dit que les personnes sont folles. On les stigmatise. On a tendance à toutes les mettre dans le même panier. Il y a une méconnaissance sur ce que sont les troubles mentaux et donc de l’autisme.

Quel est l’impact de cette agression sur ce jeune adulte ?
La personne peut être affectée à différents niveaux, dépendant de la violence de cette agression. La violence peut causer un traumatisme et des symptômes post-traumatiques incluant des reviviscences des événements, des troubles du sommeil, des symptômes de dépression, des comportements d’évitement, des difficultés à gérer ses émotions, etc. 

Et sur les parents ?
Les parents sont certainement très inquiets pour leur enfant. Cela déstabilise leur quotidien.

On parle d’inclusion, mais dans la réalité ce n’est pas le cas. On peine à mettre en place un système inclusif. Tout est basé sur la culture d’élitisme»

Au lieu de s’en prendre à lui, qu’est-ce que les gens auraient dû faire ?
Réagir avec violence n’est jamais acceptable. Il est important de communiquer de manière bienveillante et respectueuse envers les autres. Cette valeur peut sembler se perdre, mais elle peut être enseignée et cultivée dès le plus jeune âge.

Maurice a signé la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées en septembre 2007. Cependant, il n’existe toujours pas de cadre légal pour protéger leurs droits. Un cadre légal permettrait d’informer la population, de sensibiliser au handicap et de mettre en place des limites pour les interventions.

Quels sont les signes qui aident à discerner une personne ayant une déficience intellectuelle ?
La déficience intellectuelle est une condition qui peut être associée au TSA, mais pas systématiquement. La déficience intellectuelle se caractérise par des limitations dans le fonctionnement cognitif, notamment dans les capacités de raisonnement, de prise de décision, de gestion des émotions, de contrôle de l’attention et de la mémoire de travail. 

Cela dépend également du degré de déficience. Il peut y avoir des déficiences légères, moyennes, sévères et profondes. Chez les enfants, on note un retard dans le développement et les signes peuvent être au niveau physique et moteur, avec un retard de la marche qui se fait autour d’un an, de même que pour l’acquisition du langage où les premiers mots apparaissent aussi autour d’un an. 

Dans le TSA, on observe une absence de contact visuel chez les enfants, un retard de langage et une tendance à jouer seul, par exemple.

Comment différencier le trouble mental de l’autisme ?
L’autisme fait partie de la catégorie des troubles mentaux, mais nous parlons plutôt de troubles neurodéveloppementaux. Il s’agit d’un dysfonctionnement dans les réseaux de neurones dans le cerveau qui fait qu’on ne perçoit pas ni ne ressent les choses comme tout le monde. La détection précoce et la prise en charge peuvent limiter l’impact sur la vie de la personne, son autonomie et aussi l’accès à l’éducation. Chaque individu a ce droit. Il y a malheureusement un manque de sensibilisation sur l’autisme.

Qu’en est-il des structures à Maurice pour la détection des cas ?
On parle beaucoup d’inclusion, mais dans la réalité ce n’est pas le cas. On peine clairement à mettre en place un système inclusif. Tout est basé sur la culture d’élitisme. 

Cela débute dès le primaire. On a aboli le CPE et on a introduit le PSAC mais la pression est toujours présente. Certains enfants autistes ont des déficiences intellectuelles qui nécessitent une prise en charge différente. Cette prise en charge se fait beaucoup trop tard. 

En principe, le diagnostic est posé entre deux ans – deux ans et demi. Il y a tellement d’enfants qui passent par le service de santé public mais il n’y a pas de détection précoce. À l’APEIM, nous recevons de nombreux enfants vers l’âge de 4-5 ans. Il y a donc un retard dans la prise en charge. Un enfant commence à parler autour d’un an, un an et demi. Passé ce délai, il est important de consulter un professionnel. Malheureusement, les services publics ne sont pas toujours efficaces. 

Force est de constater qu’après la Covid-19, les ONG manquent de ressources pour avoir du personnel formé, n’ayant pas les moyens financiers de payer des salaires décents aux professionnels : psychologues, orthophonistes, ergothérapeutes et autres. C’est aussi un fait qu’il y a un manque de professionnels dans des domaines tels que l’orthophonie. 

N’est-il pas temps de canaliser les jeunes vers ces secteurs au moment même où le chômage des jeunes est un réel problème ?
Il y a aussi l’enregistrement des professionnels auprès de l’Allied Health Professional Council en vue de réglementer les professions du domaine paramédical. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’il y aura des orthophonistes sur le marché. C’est pourquoi il faut être réactif. 

Or, c’est maintenant qu’on se réveille. Nous participons à des ateliers organisés par différents ministères dont celui de la Santé, et faisons régulièrement des recommandations mais nous ne constatons pas de progrès significatifs. Les ONG font ce qu’elles peuvent. 

Il y a eu le comité sur les droits de l’enfant à Genève en début d’année où l’État a répondu aux questions d’un comité d’experts mais sur le terrain, beaucoup de choses ne reflètent pas ce que dit le rapport. Nous attendons toujours des réponses concrètes. Nous sommes toujours dans l’attente du Disability Bill par exemple. Il y a une ébauche, semble-t-il, mais nous n’avons rien vu jusqu’ici. 

Comment peut-on aider les personnes souffrant de troubles mentaux à gérer le traumatisme associé à leur handicap ?
Cela dépend du trouble. Dans le cas de la déficience intellectuelle légère et moyenne, les personnes ont les mêmes aspirations, envies et rêves que n’importe qui, mais l’accès à ces besoins est souvent compliqué. Elles ont droit à une éducation, au droit de tomber amoureux, de se marier et de travailler, etc. À l’APEIM, nous avons réussi à placer quelques jeunes dans un emploi, mais cela reste une minorité.

D’après les United Nations Sustainable Development Goals (UNSDGs), l’inclusion et l’accès à l’éducation, la formation et la promotion d’opportunités d’apprentissages sur le long terme doit pouvoir s’appliquer à notre société (SDG goal 4). 

Attention, il ne s’agit pas d’une maladie qui va disparaître en prenant un traitement. Il s’agit d’une condition à vie. Si les personnes sont prises en charge de manière précoce, il est possible de limiter l’impact sur leur vie quotidienne et leur autonomie. 

Dans le TAS, l’adaptation est nécessaire. Cela s’apprend avec l’aide des parents, de la famille, des professionnels paramédicaux tels que des ergothérapeutes, des orthophonistes et des psychologues, des éducateurs spécialisés, ainsi que des personnes formées à la prise en charge et l’accompagnement des personnes en situation de handicap intellectuel, autistes, et de leurs familles.

Quelles sont les répercussions psychologiques sur une personne stigmatisée ?
Cette personne peut se sentir seule et incomprise, et souvent n’a personne avec qui parler. Cela peut entraîner des troubles du sommeil et de l’alimentation. De plus, un dérèglement hormonal peut contribuer à cet état dépressif, car le cerveau peut sécréter des hormones nocives pour le corps en réponse à certaines situations. Si on ne parvient pas à sortir de ces situations, le cerveau peut bloquer ces hormones, ce qui peut être préjudiciable à la santé. Par conséquent, il est important de consulter un médecin, voire un psychiatre.

Comment peut-on aider ces personnes à se sentir soutenues ?
Il faut informer, sensibiliser et accompagner la personne mais aussi sa famille. Cela se fait par une équipe pluridisciplinaire normalement composée de médecins, psychiatres, infirmiers spécialisés, psychologues et autres thérapeutes tels que des ergothérapeutes, des physiothérapeutes et des orthophonistes.

Malheureusement à Maurice, nous manquons de ces professionnels médicaux, paramédicaux et d’équipes pluridisciplinaires qui peuvent accompagner et prodiguer des soins précieux dans tous les hôpitaux de l’île. Cela existe à l’hôpital Brown Sequard, mais une personne qui traverse un épisode dépressif et est à risque suicidaire peut être réticente à se faire hospitaliser au même endroit que des personnes atteintes de troubles plus sévères.

Le saviez-vous ?

  • Les troubles mentaux sont un terme utilisé pour qualifier les conditions psychologiques telles que l’anxiété, la dépression, le trouble bipolaire et la schizophrénie. Ce n’est pas la même chose que l’autisme. 
  • Les personnes autistes sont souvent mal comprises et stigmatisées. 
  • L’utilisation de termes tels que « folie, démence et psychose » lorsqu’on s’adresse aux personnes autistes est extrêmement offensante et nuisible. 
  • Les personnes atteintes du TSA sont souvent traitées de manière inégale et incomprises par la société en général. Par conséquent, il est important de comprendre que l’autisme n’est pas un trouble mental, mais plutôt une catégorie de développement neurologique différente.
  • Lorsque l’on parle à quelqu’un atteint d’autisme, il est important d’utiliser un langage positif, compassionné et respectueux. 
  • Les termes tels que « fou » ou « dément » peuvent être extrêmement offensants et contribuer à la stigmatisation et la honte de la personne autiste. Il est important de comprendre que chaque personne autiste est unique, avec des expériences et des points de vue différents. 

L’APEIM en bref

Après une évaluation par une équipe médicale et paramédicale composée de médecins, de psychologues, d’orthophonistes et d’ergothérapeutes, l’APEIM, fondée en 1970, accueille des enfants et leurs parents au sein de différents services. Ensuite, les enfants sont référés à un service de l’APEIM ou à une structure appropriée externe, telle qu’une école spécialisée, en fonction de leur handicap. L’association dispose également d’un service d’intervention précoce pour les enfants de 0 à 7 ans, de quatre ateliers vocationnels répartis sur l’île pour les adultes à partir de 18 ans, ainsi que d’un service de visite à domicile pour les enfants et adultes présentant un handicap sévère et profond. 

 

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