Interview

Habeas Corpus - Me Ravi Rutnah: «Un outil fondamental pour sauvegarder les droits d’un individu»

La liberté de l’individu est un droit fondamental garanti par la Constitution. C’est d’ailleurs pourquoi la police ne peut pas arrêter et détenir une personne pour une durée indéterminée. Au cas où cela se produirait, la cour peut intervenir en émettant une ordonnance d’habeas corpus. Explications avec Me h, avocat parlementaire.

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Que signifie le terme « Habeas Corpus » et quelle est son origine ? L’Habeas Corpus est une directive émise contre une personne ou une entité quelconque qui oblige cette dernière de présenter un détenu à une cour de justice. Celle-ci doit alors déterminer si la personne ou l’entité en question a le pouvoir légal de détenir un individu. Le célèbre légiste britannique Albert Von Dicey a écrit que la « British Habeas Corpus Act » ne définit pas un principe ou un droit en particulier, mais son application est, pour des raisons pratiques, l’équivalent d’une centaine d’articles constitutionnels pouvant garantir la liberté de l’individu. C’est pour vous dire que l’Habeas Corpus est en lui-même un outil fondamental dans la sauvegarde des droits d’un individu, balayant ainsi toute tentative d’oppression de la part de ceux qui exercent l’autorité civile. Il puise son origine dans la cour d’assises de Clarendon au Royaume-Uni.
[blockquote]« Le principe fondamental d’une démocratie est que tous les citoyens sont égaux devant la loi et que la liberté de l’individu est sacro-sainte. Un individu ne peut être sujet à une arrestation arbitraire et illégale »[/blockquote]

Selon William Blackstone, éminent légiste britannique qui est, aujourd’hui, considéré comme une autorité, l’Habeas Corpus a été évoqué pour la première fois en 1305, sous le règne du roi Edward 1er. Il a aussi écrit que le roi « a le droit de savoir pourquoi et quand la liberté de ses sujets est menacée ». Quelle est la raison de l’Habeas Corpus dans une démocratie ? Le principe fondamental d’une démocratie est que tous les citoyens sont égaux devant la loi et que la liberté de l’individu est sacro-sainte. Cela implique qu’un individu ne peut être sujet à une arrestation arbitraire et illégale. On retrouve d’ailleurs ces principes dans les articles 3 et 5 de la Constitution de la République de Maurice. L’Habeas Corpus est en quelque sorte le socle de notre démocratie. Que doit montrer un détenu pour qu’il obtienne un ordre d’Habeas Corpus en sa faveur ? C’est un représentant du détenu qui fait une demande d’Habeas Corpus en son nom. Le représentant doit alors convaincre la cour que la détention de la personne concernée est illégale. Si l’ordre d’Habeas Corpus est émis, alors celui qui détient cette personne doit immédiatement la présenter devant une cour de justice ou devant un juge ou devant un magistrat. Que se passe-t-il après que la cour a émis un ordre d’Habeas Corpus ? Comme je l’ai déjà dit, la personne doit être présentée immédiatement à une autorité judiciaire compétente pour que celle-ci détermine si sa détention est justifiée. Si toutefois l’ordre n’est pas respecté, la personne ou l’autorité concernée commet un outrage à la cour. Et je peux vous dire que l’outrage à la cour est un délit très grave, surtout qu’on parle, ici, de la liberté d’un individu qui, je vous le rappelle, est un droit fondamental garanti par la Constitution de la République de Maurice. Mais il est possible qu’une personne sous le coup imminent d’une arrestation demande un ordre d’Habeas Corpus pour retarder ou empêcher son arrestation et nuire à une enquête policière en cours ? Je vous réponds catégoriquement non. L’ordonnance d’Habeas Corpus s’applique uniquement à une situation où un individu est détenu de façon illégale, arbitraire et oppressive. Aucun individu ne peut réclamer un ordre d’Habeas Corpus avant son arrestation ou sa détention. Par contre, tous ceux qui entraveraient le bon déroulement d’une enquête policière risquent des poursuites au pénal. Comment expliquer alors une décision de la cour d’interdire à la police d’arrêter une personne qui fait l’objet d’une enquête criminelle ? Je sais de quelle affaire vous faites allusion. Comme elle est toujours en cours, je ne vais pas me prononcer là dessus. Mais je tiens juste à préciser qu’il n’y a aucun citoyen qui soit « plus égal » que son prochain. Maurice est un État de droit et tous doivent être traités équitablement.

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