Soomaroo Teelockchund est un habitant de Grand-Gaube. Ce doyen de Tagore Lane est né et a grandi dans ce village côtier du Nord de l’île. Le dimanche 23 février, il a célébré ses 103 ans. Rencontre avec ce centenaire qui respire la joie de vivre.
Soomaroo Teelockchund, plus connu comme Maniah, est le petit-fils d’un immigré indien qui a quitté la Grande péninsule pour des jours meilleurs à Maurice.
Ses parents étaient pauvres, nous confie-t-il. Il a dû abandonner l’école en Standard Two pour les aider. Malgré cela, « il avait déjà pu apprendre à lire », nous dit-il. Pour le prouver, il nous récite rapidement les douze mois de l’année en anglais, français et hindi.
Il a toujours fière allure, même à 103 ans. D’ailleurs, en nous voyant arriver avec la caméra, notre hôte se dépêche de vérifier s’il est convenablement vêtu. Il nous demande de lui accorder quelques minutes, car il voulait se changer.
Et là, apparaît Maniah, paré de sa chemise bleue, l’une de ses préférées, il a même sorti le chapeau pour l’occasion.
Sa tenue vestimentaire et son apparence ont toujours été importantes pour notre centenaire, qui a exercé comme coiffeur pendant de très longues années. Il a aussi été marchand ambulant pour arrondir ses fins de mois. « Il vendait des vêtements », partage Preeta, sa belle-fille.
C’est elle qui s’occupe du vieil homme tous les jours. Soomaroo vit avec cette dernière et son petit-fils, son fils Suresh étant décédé l’année dernière à l’âge de 66 ans.
Un chagrin que ce patriarche garde dans son coeur. Il ne peut laisser échapper des larmes en pensant à son fils et ses deux autres enfants décédés.
Apprêté, Maniah Teelockchund se met à l’aise sur son sofa et la caméra tourne. Il nous ouvre brièvement quelques pages de sa vie.
« La kot mo ete, lor sa later la, la mem monn finn pran naissanss », partage-t-il, avec un sourire aux lèvres en se remémorant son enfance pauvre mais heureuse. Il était le benjamin de sa fratrie. À cette époque-là, il n’y avait pas d’hôpital. C’était une sage-femme qui l’a mis au monde.
Il grandira dans ce village de la côte qu’il connaît comme sa poche. Il connaît les gens, il a vu grandir et mourir des habitants mais lui est toujours là. « Zot tou kone mwa byen ici, sak foi zot deman mo nouvel, zot rode benediksyon ar mwa », concède-t-il.
Il nous raconte comment il a rencontré son épouse Kosila. Une femme qu’il a beaucoup aimée, déclare le centenaire. « Elle avait 16 ans quand on s’est marié. Elle habitait à Quartier-Militaire ». Maniah était de cinq ans l’aîné de sa dulcinée.
C’est sans pouvoir retenir ses larmes et dans une voix cassée qu’il nous partage une des plus grandes épreuves de sa vie. « Un an après notre mariage, ma femme et moi accueillions notre premier fils. Hélas, après douze jours, il est décédé. » Le couple a ensuite une fille mais cette enfant meurt à l’âge de deux ans. « Linn al zwer deor, linn gagn enn move zer, pakone linn mort. »
Quelques années plus tard, la vie est plus clémente avec eux, il est l’heureux père de quatre autres enfants. Trois filles et un fils. Sa fille aînée est aujourd’hui âgée de 70 ans. Il a plusieurs petits-enfants et il est très fier d’eux.
Malheureusement, après plusieurs décennies de vie commune, Kosila est portée manquante. Elle n'a jamais été retrouvée. Véritable tragédie pour celui qui n’a jamais cessé d’aimer sa femme.
Son voyage en train
« Monn voyage dan train, al Curepipe tousala, selma metro pli bon pli zoli », lance-t-il avec un sourire. « De fwa monn rentre dan Metro. Monn byen kontan ». Une expérience qu’il aurait aimé revivre.
Ayant connu « letan lontan » à Maurice, Maniah ne peut s’empêcher de dire plusieurs fois combien il trouve que Maurice a changé. « Avan ti ena bwa partou, boukou touf ek pie, mem dan bann lavil pa ti zoli ditu, aster partou byen dvelope byen zoli ».
Maniah partage qu’à l’époque, il n’y avait pas de technologies comme les téléphones portables.
« Tou inn byen develope », assure celui qui était très actif au sein de son village. Il était notamment le président d’une coopérative de petits planteurs.
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