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Goodlands : la route de tous les commerces

C’est la localité rurale la plus peuplée de commerces, avec Centre de Flacq. L’agglomération de Goodlands compte quelque 800 commerces de tous genres durant les mardis et vendredis,ses deux jours de foire. Aujourd’hui, la concurrence est devenue insoutenable pour les commerçants qui avaient connu des jours meilleurs vingt ans auparavant.

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15 h 30. Goodlands. Devant une banque à la Route Royale, des lycéens, filles et garçons, 15 ans en moyenne, sont assis sur la main courante, échangeant des plaisanteries et pas pressés de rentrer au bercail. Un petit groupe plutôt bon enfant. Aucun gros mot, ni de geste obscène. Nous sommes loin des gares routières de certaines villes. Comme dans certaines grosses localités rurales, Goodlands a  gardé intactes ses valeurs fondées sur le respect du voisin, du passant, des parents et des ainés.

Dans certains magasins, les vendeuses ont le regard perdu, et ne se donnent même pas la peine d’aider la cliente dans ses choix. On dirait qu’elles savent que c’est peine perdue. « Je sais d’avance si elle va acheter, ce sont des clientes qui vont faire le tour des autres magasins pour vérifier les prix. Mais à Goodlands, les prix sont les mêmes partout, elle va peut-être revenir », explique une vendeuse.

Centre des bonnes affaires

Il y a dix ans, ou un peu plus, Goodlands était connu comme le centre des bonnes affaires. Les femmes de l’ile Maurice accouraient de partout, sachant qu’elles y trouveraient ici des articles qu’elles cherchaient mais à des meiileurs prix que dans les villes. « C’était toujours le cas, explique Babita Ajageer, apparentée à une des plus grandes revendeuses de saris et autres accessoires masculins et féminins. Mais les affaires ont chuté avec l’érosion du pouvoir d’achat, l’endettement des ménages, leurs priorités dans les achats, dont l’alimentation, puis la santé et l’éducation. »

La concurrence, explique Babita Ajageer ne lui pose aucune problème, car depuis l’ouverture du magasin, elle a su fidéliser la clientèle, avec une communication qui ne se résume pas uniquement avec la relation client-vendeuse. « Je connais pratiquement toutes mes clients, lorsqu’elles franchissent la porte du magasin, je leur pose des questions sur leurs familles, leur santé, leurs enfants. Cela crée un réel lien affectif, même si elles n’achètent rien, ça ne me gêne pas et même si elles trouvent mieux ailleurs, ce n’est pas grave. Le soleil brille pour tout le monde ».

Quant aux foires, elle ne s’en soucie guère, car leurs articles sont de qualité inferieure aux siens et il leur manque la diversité. « De toute façon, il y a une clientèle pour la foire et une autre pour des commerces comme le nôtre. Et de manière générale, le client est devenu prudent dans ses dépenses et nous-mêmes, nous n’investissons pas au hasard. Nous suivons les tendances que renvoient les films de Bollywood. Mais comme la mode est éphémère, il faut faire attention aux approvisionnements en trop gros volume. Aujourd’hui, les gens n’attendent pas le Nouvel an pour s’acheter des vêtements neufs, ils le font pour les mariages et chaque famille veut s’habiller de manière différente. »

Plus loin, Zulfikar, dont la mère tient un commerce dans une impasse sur la Route Royale, a lui créer son business de prêt-à-porter, après avoir commencé dans la foire. « Cela fait plus de 25 ans depuis que j’ai ouvert mon magasin, la clientèle de la foire m’est restée fidèle.Durant ce temps les commerces ont plus que triplé à Goodlands. les affaires, elles, ont baissé, parce que la clientèle n’a pas augmenté dans la même proportion. »

Il fut un temps où la localité ressemblait à une mine d’or, car à travers l’ile, on avait fait passer le message que c’est dans cette localité qu’il y avait la diversité et les prix les plus bas. « Mais tout le monde s’est improvisé commerçant et on s’est mis à vendre les mêmes produits importés de l’Inde. à Maurice, on a l’art du mimétisme, si quelque chose marche, tout le monde va faire la même chose et c’est comme ça qu’on a atteint la saturation », explique Zulfikar.

Que ce soit dans son magasin ou celui de sa sœur, Benazir Fast Churidar, la famille qui est au four et au moulin. « Avec la précarité de nos affaires, nous n’avons pas les moyens d’employer des vendeuses. On se demande déjà combien de temps on va tenir », se demande Zulkikar.

L’ex-policier Ramsamy, reconverti dans la distribution générale à sa retraite, est lui resté dans la même boutique qui fait ‘vieillot’. Mais il tient à son espace exigu où l’on trouve presque de tout. Il s’explique : « Si votre magasin est trop luxueux, le client va penser que vos articles sont chers, il va hésiter avant d’entrer. Moi, j’attends, je le laisse chercher, ensuite je vais vers lui. Mes articles électroménagers, par exemple, sont beaucoup moins chers que chez un concurrent qui fait beaucoup de pub et qui a donc beaucoup de frais. Chez moi, le même article est moins cher, je n’ai pas de vendeuse et ma marge de profit est inférieure. Et je suis sûr que le client reviendra ».

Foodcourt à Grand-Baie

Selon lui, depuis ces dernières années, les temps sont devenus très incertains pour les commerçants de Goodlands. Il montre un espace en face de son commerce qui a changé 3 fois de raison sociale, avant de se lancer dans le textile. « Les habitants de Goodlands ne vont pas manger dans des restaurants de la localité, alors qu’il existe un immense foodcourt à Grand-Baie, où ils ont le sentiment de passer un bon moment dans un espace moderne, ou il y a une diversité d’offres culinaires et des zones wifi. Ce type d’espace correspond aux attentes des jeunes qui veulent joindre l’utile et l’agréable.» 

Chez la famille Ramsurrun, autre notable de la localité, qui tient un commerce à la Route Royale, depuis presque un demi-siècle, on a vécu toutes les mutations dans le commerce, depuis les balbutiements des premiers magasins qui sont devenus des enseignes prospères durant les années de ‘miracle économique’, jusqu’aux années 2015, qui marquent la fin des certitudes, en passant par le déclin amorcé dans les années 2000. Manisha Ramsurrun, propriétaire des lieux explique «Aujourd’hui, il faut absolument gérer les affaires avec rigueur et prudence ».

Une chose est sûre : Goodlands restera encore le rendez-vous des affaires fructueuses, mais il faudra y aller avec discernement, surtout si la foire commence à se hisser au niveau des commerces dument enregistrés, comme le laisse suggérer Zulfikar : « Aujourd’hui, à la foire, vous pouvez acheter un ensemble de mariage à Rs 12 000, cela veut dire que des forains ont les moyens de se payer ce type de vêtements en Inde, où moi-même je m’approvisionne. Mais moi, je dois revendre un tel ensemble plus cher pour couvrir mes frais », nuance-t-il.

 

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