Un sujet « complexe » et sur lequel le public ne devrait pas avoir de grandes ambitions. C’est ce que pense Jean Claude de l’Estrac d’une loi garantissant le droit à l’information. Il intervenait par visioconférence dans l’émission Au Cœur de l’Info, présentée par Ashna Nuckcheddy-Rabot et Jugdish Joypaul sur Radio Plus, hier.
Deux raisons ont été avancées par le journaliste et observateur pour justifier son scepticisme sur l’avènement d’une telle loi. « Il n’y a pas de grande volonté politique, sinon la loi aurait été votée depuis longtemps déjà », dit-il. Et quand bien même un gouvernement viendrait avec une telle loi, l’ancien ministre indique que le résultat final n’est pas toujours probant. Au point qu’il demande au public de ne pas avoir de grandes ambitions sur l’efficacité d’une telle législation. « Cette loi existe depuis longtemps dans le monde, mais elle n’a pas toujours eu l’effet escompté, à l’exception de certains pays (…) », avance-t-il.
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Qui plus est, poursuit-il, plusieurs études ont été faites pour évaluer l’impact d’une telle loi dans les pays où elle a été adoptée. « Dans certains cas, la Freedom of Information Act existe uniquement sur papier, car son implémentation est tellement compliquée que son impact est quasi zéro », affirme-t-il.
Pour pouvoir avoir accès à des informations, Jean Claude de l’Estrac estime que les documents doivent avant tout être bien classés et archivés. Or, dans certains pays, il indique que la Freedom of Information Act a eu un effet « pervers ». « Il a été constaté que des fonctionnaires n’inscrivaient plus toutes les informations dans les dossiers. S’il y a des informations sensibles qu’ils ne souhaitent pas se retrouver demain sur la place publique, ils censurent ces informations. Donc, au final, il y a un effet contraire de l’objectif initial, car certains ont peur que des informations ne soient divulguées », soutient-il.
Le journaliste et observateur est d’avis qu’il s’agit d’un sujet « très complexe » qui mérite d’être débattu. Il recommande d’ailleurs la circulation d’un « white paper » en ce sens. « Il faut un large débat ouvert à toute la société afin d’analyser en profondeur l’impact qu’une telle loi pourrait avoir et quels sont les objectifs principaux que nous allons lui donner. Car dans certains pays, les multiples objectifs ne peuvent être atteints, car l’environnement n’est pas propice. S’il y a bien des dossiers, ceux-ci sont vides ou ne disent pas grand-chose, car il y a eu rétention de l’information », lâche-t-il.
Il se désole qu’une proposition d’une Freedom of Information Act provienne généralement des partis de l’opposition. « Lorsqu’ils sont dans l’opposition, ils sont en faveur. Mais une fois au gouvernement et qu’ils commencent eux-mêmes à avoir des secrets, ils ne sont plus en faveur. C’est classique », lance-t-il.
Une requête citoyenne
Selon Jean Claude de l’Estrac, le pouvoir aurait tendance à croire, à tort, qu’une loi sur le droit à l’information est avant tout une requête des médias afin que ceux-ci puissent mieux faire leur travail. « C’est une requête des citoyens, pour les citoyens, afin qu’ils puissent accéder à des informations les concernant », souligne-t-il. L’ancien ministre fait ressortir que les fonctionnaires et les ministres travaillent au nom du public. « Et le public a le droit de savoir ce qu’ils font ainsi que le pourquoi et le comment d’une décision », explique-t-il.
Une Freedom of Information Act viserait au moins deux objectifs, selon Jean Claude de l’Estrac, citant notamment la transparence et l’ « accountability ». « Si un gouvernement adopte une politique de transparence et que les fonctionnaires sont ‘accountable’, nous nous retrouvons alors avec un gouvernement plus efficace où l’argent des contribuables est mieux dépensé », considère-t-il.
Présent sur le plateau, Dev Sunnasy de Linion Pep Morisien et dont le parti a présenté une ébauche d’une Freedom of Information Act cette semaine, est d’avis que l’avènement d’une telle loi permettra de consolider le système démocratique du pays. « Cela apportera plus de confiance dans le public à travers notamment plus de transparence. Sans compter que cela aura l’avantage de relancer l’économie, car les investisseurs également feront davantage confiance au pays », espère-t-il, précisant qu’environ 125 pays l’auraient déjà adoptée.
Un avis que partage également Abdallah Goolamallee, chargé de cours en communication. « En facilitant l’accès à l’information pour les membres du public, il y a aura plus de transparence et de confiance. La nouvelle génération, particulièrement, pourra bâtir une nouvelle confiance dans les institutions. Une confiance qui ne cesse malheureusement de baisser au fil des années à travers les gouvernements successifs (…). Nous ne pouvons continuellement débattre de la question. Il faut une bonne volonté et la culture existante [dans les institutions] changera à partir de là », est-il d’avis.
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