L’épidémie de fièvre aphteuse affectant le bétail à Maurice et à Rodrigues survient à un moment où les récentes mesures budgétaires ont redonné confiance aux opérateurs du secteur. Cette épidémie aura un impact considérable sur l’élevage, mais aussi sur la consommation de viande.
L’abattage des centaines des animaux atteints de la fièvre aphteuse aura des répercussions énormes sur le secteur de l’élevage. Cette maladie causera une perte énorme aux éleveurs et importateurs de bétail.
L’épidémie a commencé à Rodrigues où, jusqu’à dimanche dernier, environ 420 cas d’animaux infectés ont été reportés aux services vétérinaires. Il y avait déjà près de 60 cas de décès. À Rodrigues, la maladie touche les bœufs, boucs, moutons et porcs. Les autorités ont aussitôt pris les mesures nécessaires, il a aussi été décidé de commencer un exercice d’abattage. Entretemps, à Maurice, deux fermes ont présenté des cas suspects de la maladie, à Richelieu et à Vallée-des-Prêtres. Les animaux récemment importés sont mis sous quarantaine et le ministère de l’Agriculture est en train de surveiller les activités des fermes.
Il est temporairement interdit d’importer de la viande de bovine, caprine, porcine, et celle du mouton de Rodrigues. C’est à travers l’importation des animaux de Rodrigues que la maladie a atteint Maurice. Du coté des éleveurs de Rodrigues, largement affectés par cette épidémie, l’on s’attend a une compensation de la part du gouvernement. Aucun chiffre officiel n’est disponible, mais certaines sources parlent d’une somme de Rs 35 000 à Rs 40 000 par tête de bétail, ce qui reflète le prix de vente d’une bête sur patte. La situation se corse pour les importateurs de Maurice, surtout avec la prochaine fête de l’Eid-ul-Adha. Les importateurs ont déjà pris des dépôts des clients, et comme il est maintenant interdit d’importer du bétail de Rodrigues, ils devront rembourser. Les clients, qui ont déjà réservé un animal, devront maintenant voir ailleurs, par exemple chez les importateurs de bétail de l’Afrique du Sud.
La priorité du ministère de l’agriculture est de contenir la propagation de la maladie. Dans ce contexte, une cargaison de 10 000 doses de vaccins a été commande du Botswana, afin de protéger le cheptel restant et pas encore affecté jusqu’ici.
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Un travail 24/7
L’élevage est un métier 24/7. Dans le passé, c’était principalement les femmes qui s’occupaient des animaux. L’élevage était nécessaire pour l’approvisionnement en lait et en viande. La vente des bêtes rapportait aussi de l’argent à la famille, car le surplus de production était ensuite vendu dans le voisinage. Dans les régions rurales, presque chaque famille avait soit une vache soit une chèvre. À l’époque, la traite se faisait essentiellement à la main et les animaux se nourrissaient du fourrage comprenant principalement la tête de canne. Les aliments concentrés n’existaient pas. Ce n’est qu’en 1977 que la première usine d’aliments pour bétails commença ses opérations.
En 2015, la production de viande de bœuf à Maurice était de l’ordre de 2 013 tonnes contre 1 956 en 2014. La production de viande locale de bouc a atteint 42 tonnes en 2015. Par contre, le pays a importé de la viande et des produits à base de viande de l’ordre de Rs 2,3 milliards en 2014, contre Rs 2,1 milliards en 2013.
Éviter la propagation
Un éleveur local, qui est aussi membre de la Royal Association of British Dairy Farmers (RABDF), nous explique qu’il craint une propagation rapide de la maladie si des mesures efficaces ne sont pas prises. Il appelle plutôt à la collaboration du public pour éviter la contamination. « Le virus de la fièvre aphteuse peut se propager par le biais des vêtements ou chaussures contaminés portés par des personnes, et aussi par des véhicules contaminés. Avec l’approche de la fête Eid-ul-Adha, il est de coutume à Maurice pour des gens d’aller visiter des fermes en famille afin de choisir un animal. Bien souvent, des personnes peuvent visiter plusieurs fermes en une seule journée avant de faire leur choix. C’est bien cette pratique qui est dangereuse. Je lance un appel au public d’éviter de visiter les fermes en foule et éviter de faire un va et vient entre différentes fermes le même jour. Les éleveurs doivent contrôler l’accès à leurs fermes, qui ne sont pas des parcs de loisirs à faire visiter par tous. Les acheteurs de bétail doivent désinfecter leurs chaussures avant de visiter une ferme. » Notre éleveur explique qu’il sera bien évidemment difficile de contrôler les camions qui visitent diverses fermes pour embarquer des animaux, d’où l’appel aux camionneurs pour qu’ils agissent responsablement.
Adil Sohawon : « Il faut investir dans des laboratoires modernes »
Le secrétaire de la Cow Breeders Cooperative Society Ltd, basée à Nouvelle-Découverte, petit village non loin de St-Pierre, dit qu’il est temps que le gouvernement revoie le service vétérinaire et investisse dans des laboratoires modernes et sophistiqués. « Aujourd’hui,on veut développer l’agriculture et l’élevage et il est déplorable qu’en cas de maladie, il faut envoyer des échantillons d’analyses à l’étranger et ensuite attendre des jours, voire des semaines, pour avoir les résultats. Il faut que Maurice ait son propre laboratoire. Le service vétérinaire doit également être réorganisé. Nous avons déjà des bons techniciens. Il suffit de leur donner les équipements et ressources nécessaires, et aussi la formation, afin qu’ils puissent contribuer à la revalorisation du secteur de l’élevage à Maurice. Il y a plusieurs types de cette maladie et il faut identifier le type le plus récurrent à Maurice, afin de pouvoir contre attaquer efficacement. » Adil Sohawon ajoute que jusqu’ici, le cheptel local est épargné, et la maladie concerne que les bovins importés de Rodrigues. Néanmoins, il craint que la maladie ne se propage rapidement. « Je suis satisfait avec les mesures prises par le ministère de l’Agriculture, surtout l’achat des vaccins. Espérons que l’épidémie sera contenue, car les éleveurs locaux subiront des pertes énormes si la maladie gagne du terrain. Cela affectera aussi la production laitière », dit-il.
Une maladie très contagieuse
La fièvre aphteuse est une maladie virale animale généralement non mortelle, voire bénigne mais très contagieuse, qui affecte notamment les bovins et les porcs, les chèvres, les moutons et d’autres animaux. Très contagieuse, chez les bovins, la fièvre aphteuse se manifeste par une température élevée qui baisse rapidement après deux ou trois jours, des aphtes à l’intérieur de la bouche qui provoquent une production excessive de salive filandreuse ou écumeuse avec hyper sialorrhée, et des cloques sur les pieds qui peuvent s’ouvrir et faire boîter. Des animaux adultes peuvent perdre du poids et ne pas s’en remettre pendant plusieurs mois ; chez les vaches, la production de lait peut baisser de façon importante. Quoique la plupart des animaux guérissent finalement de la fièvre aphteuse, la maladie peut provoquer la myocardite (inflammation du muscle du cœur) et la mort, particulièrement chez des animaux nouveau-nés. Quelques animaux infectés restent asymptomatiques, mais ils sont des vecteurs de la fièvre aphteuse et peuvent la transmettre à d’autres. La fièvre aphteuse n’est pas transmissible à l’homme.
La fièvre aphteuse sévit dans de nombreux pays et infecte partiellement l’Europe, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud. Quelques pays, dont l’Australie, le Canada et les États-Unis en sont épargnés. Sa diffusion est rapide et représente pour le monde entier une grande préoccupation. En Grande-Bretagne, la grande épidémie de 2001 a contraint à abattre beaucoup d’animaux et à annuler de nombreux événements sportifs et loisirs.
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