Festival d’art dramatique : les seniors brûlent les planches

L’édition 2019 du concours d’art dramatique destinée aux seniors a tenu toutes ses promesses mercredi 15 mai au Serge Constantin Theatre, Vacoas. Devant une salle archibondée, les trois équipes finalistes, chacune dans la section créole et celle sur bhojpuri ont présenté leurs pièces aux thèmes liés aux problèmes des seniors.

Première grande activité organisée par le Senior Citizen Council (SCC) en 2019, avec le soutien du ministère de la Sécurité sociale et celui de la Jeunesse et des Sports, de nombreuses personnes ont déboulé à Vacoas, mercredi, prenant de court le personnel qui avait pourtant conseillé aux finalistes et invités à venir en nombre restreint. Rien n’y fit. En surnombre, ces invités ont été contraints de rester debout sur les marches, les chaises étant interdites.

Pourtant, à l’accueil des participants, vers 9h, jusqu’à 9h30, rien n’indiquait un tel débordement. À 10h, la salle a commencé à se remplir, au grand désarroi des organisateurs. En fait, les vans transportant les invités étaient pris dans les embouteillages. Ce qui en rien a réduit l’ardeur des finalistes.

Sur la scène du théâtre, petite mais dédiée aux représentations, - seuls le théâtre de Port-Louis et le Plaza possèdent une acoustique et des jeux de lumière potables. Les groupes se donnèrent à fond sur les thématiques choisies.

Conflit générationnel

Les trois pièces finalistes dans la section bhojpuri, ont donné le ton aux autres, résolument ancrées dans les problématiques auxquelles sont confrontés les seniors : conflits générationnels et modernité. « Les années précédentes, le Council avait proposé les thèmes, explique Mme Seebaluck, haut cadre du SCC, cette fois, le choix était laissé aux associations de choisir les sujets, qui devaient être liés à la situation des seniors... »

Sujet majeur de préoccupation : la drogue, au centre de la pièce ‘La vie minée’, dans la section créole, servie d'un survolté Louis José Mézières, à la fois auteur, directeur et principal personnage de la pièce. Il campe le rôle d’un drogué prêt à tout pour obtenir sa dose quotidienne. Du côté bhojpuri, la pièce ‘Boorhape Ki Ghanti’ a, sans surprise, volé la vedette avec un Benypersadsingh Dewnarain, investi dans son sujet et démontrant une étonnante versatilité.

Comme les précédents concours, celui de 2019 a montré la capacité des seniors à se pencher sur leur réalité – sur les zones d’ombre et les instants de bonheur – dans un pays qui, n’est pas épargné par l’exclusion des seniors et une forme d’individualisme teinté de matérialisme. Face à ce sombre tableau, les seniors veulent croire en des jours meilleurs.

Meilleure actrice- créole - Iday Vifquain : « À un moment, on a eu des doutes… »

En 2018, Iday Vifquain s’était contentée de préparer les membres de son association qui ont pris part au concours. Cette année, elle a décidé de s’investir dans le rôle de cette grand-mère qui souhaite réunir sa petite famille pour ses 75 ans. Elle convoque donc son fils, sa belle-fille et ses deux filles qui, hélas, répondent qu’ils ont chacun leurs priorités. Que faire pour avoir leur présence ? 

Iday Vifquain est une ancienne salariée du Centre de Pêche d’Albion, elle ne connait pas l’angoisse de la solitude. Veuve depuis l’âge de 25 ans - son mari est mort dans des circonstances tragiques -, elle s’était remariée à un Français, des années après. Elle est membre de la Gaulette Senior Citizen Association qui multiplie les activités à l’intention des membres. La semaine dernière, Iday Vifquain a participé à un bal populaire à Pointe-aux-Sables. Elle dit apprécier l’apéro, la musique rétro et les rencontres qui apportent du bonheur dans sa vie. Jeudi, au lendemain du concours, l’association a fêté l’événement. L’association réfléchit aussi au meilleur usage à faire des Rs 3 000 décrochées par Iday. « Chacun recevra sa part, même infime, car nous sommes 94 membres », confie cette vénérable femme qui ignore la solitude. « À côté de mon domicile, mon petit-fils a monté une salle de zumba. Trois fois la semaine, ma fille, mes petits-enfants et moi mangeons ensemble », dit-elle. Pensait-elle rafler ce premier prix ? « Pas du tout, réplique-t-elle. À un moment donné, nous avons été pris de doute en voyant que le jury dans la section créole prenait plus de temps pour délibérer ». Comme Premila Dhuny, elle attend aussi le prochain concours pour remonter sur les planches et décrocher encore le premier prix.

Meilleure  actrice-bhojpuri : Premila Dhuny, sur les planches à 65 ans

Depuis qu’elle est montée sur les planches à l’âge de 19 ans, Premila Dhuny, aujourd’hui 65 ans, n’avait plus joué la comédie. Cette ex-enseignante d’hindi, originaire de Barlow, a décroché le prix de la meilleure actrice pour son personnage de belle-fille dans la pièce ‘Boorhape Ki Ghanti’, écrite et dirigée par Mahesh Ramjeeawon. Membre de la Trilock Senior Citizens Association incarne une belle-fille éduquée, recherchant un emploi, mais contrainte de s’occuper de son beau-père cloué sur un fauteuil roulant, rôle joué par Benyparsadsingh Dewnarain. Un jour, elle décroche un job et se voit obligée d’abandonner ce dernier, ce qui ne fait qu’empirer son état. La situation va se compliquer lorsqu’un malheureux et fatal incident survient…

« Je n’ai eu aucun mal à me mettre dans la peau de cette bru moderne et ambitieuse, à l’image d’un mari qui, comme moi, convoite l’héritage familial », dit-elle. Les répétitions au centre social de sa localité, soutenues par des cadres du ministre de la Jeunesse et des Sports, lui ont permis de maîtriser son personnage. Membre de l’association Seva Shivir, Premila Dhuny est engagée dans l’action sociale. Avec son prix, elle s’achètera un objet en souvenir de sa prestation.

Hausse de la pension : Ce sera en décembre, assure Sinatambou

Il fut le premier à annoncer aux seniors que la pension universelle sera revue à la hausse. Jeudi, au Théâtre Serge Constantin, Étienne Sinatambou, ministre de la Sécurité sociale a réitéré la bonne nouvelle, en précisant la date : ce sera en décembre, en même temps que la hausse de la compensation. Devant une salle gonflée à bloc de seniors - en pareille circonstance - le ministre est allé de son petit discours politique. Il a réussi à provoquer un brin de pathos chez les ‘seniors’ lorsqu’il a confié avoir pris à sa charge les funérailles d’un proche, et que malgré son agenda chargé , il a tenu à être présent au milieu des seniors.