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Femme SDF : 24 heures dans la vie du Lucie Caserne 

Vous êtes sans doute nombreux à avoir remarqué Lucie devant l’hôpital.

Cela fait quatre mois depuis que Lucie Caserne cherche une petite place devant l’hôpital Dr A.G Jeetoo mais depuis presque dix ans elle est sans abri. A la recherche d’une maison, elle désespère de pouvoir en trouver une avec sa maigre allocation sociale. Envie de crier au monde sa douleur, elle s’exprime à cœur ouvert pour parler de son quotidien dans la rue. 

Il est encore quatre heures lorsque Lucie Caserne, 47 ans, se réveille. Elle ne peut pas trouver le sommeil. Lasse, la veille, elle a fini par s’endormir et ce matin, elle tient à lever la main au ciel pour dire « Merci à la vie ». Elle attend avec impatience les premiers timides rayons de soleil, symbole d’une journée qui commence et d’une lumière qui veille sur elle. 

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Une heure plus tard, elle se rend dans les toilettes publiques de l’hôpital pour faire sa toilette et se changer. Elle reprend place par la suite sur son maigre mat (un tapis d’enfant). « Les gens qui passent m’offrent parfois quelque chose à manger. Parfois, je n’ai rien et je dois attendre l’équipe qui passe vers 1 heures du matin pour avoir de quoi manger ». Ses journées et ses nuits se ressemblent. Pour égayer ses journées, elle fait la conversation à qui le veut bien. 

Abri de fortune

Ce lieu où elle dort chaque nuit est un abri de fortune pour elle comme pour quelques autres sans abris. Elle est la seule femme à dormir ici. Quelques mois auparavant, elle dormait sur un arrêt d’autobus à Roches-Bois. Elle s’y est éloignée pour des questions de sécurité et parce qu’il n’y avait plus rien à manger. « Laba lor bistop la, mo ti lev boner avan dimoun leve, lerla mo marse, parfwa mo al dormi lor la Plaine Kaya. Me ti bien difisil pou gayn manze ek aswar mo pa ti tro an sekirite. Isi kot lopital mo pa per, ena dimoun ale vini nimport ki ler, ena sekirite ek lapolis, tou, pas la, personn pa kapav fer mwa nanie » explique-t-elle. 

En froid avec sa famille, elle préfère être à la rue plutôt que d’être un fardeau pour ses proches. Mère de deux enfants et grand-mère d’un gamin de quatre ans, elle refuse catégoriquement de les importuner avec ses ennuis. « Certes, ce n’est pas facile pour une femme de vivre dans la rue. Ceux qui ne vous connaissent pas diront que c’est une question de choix. ‘Zot pa kone ki zot dir. Ki sannla ou krwar swazir pou dormi lor sime, ki sannla pa ti pou kontan ena enn plas pou repoze, enn plas ki li apel so lakaz ? Mo pe rod lakaz me pa pe ganie. Mo oblize res la, mo pena swa » avance-t-elle. 

Franc-parler

Pour comprendre l’histoire de Lucie Caserne, il ne suffit de s’arrêter quelques minutes mais de lui accorder plusieurs heures, et sans préjugés. Ceux qui ont rencontré Lucie savent que les conversations avec cette femme sont riches, avec son franc-parler. C’est ainsi qu’elle accepte à visage découvert de nous conter son histoire, sans état d’âme. « Avek bann mo ki pou ki ou pa pou anvi tande me mo pa kapav fer nanie parski mo zistwar li koumsa ». 

Elle préfère être à la rue plutôt que d’être un fardeau pour ses proches."

Native de Baie du Tombeau et enfant difficile, elle devint mère à l’âge de 14 ans. « Mon beau-père ne supportait pas d’entendre pleurer le bébé et pour que ma fille puisse avoir un avenir meilleur, je l’ai confiée, sans regret, à une personne que je connaissais et qui pourrait bien s’occuper d’elle ».  C’était la meilleure chose à faire pour l’enfant, dit-elle. Seule, elle tombe dans l’enfer de la prostitution et de la drogue. « Ces deux mondes sont un peu liés car le premier vous permet d’obtenir de l’argent facilement pour être à l’aise dans le second ». Elle est cependant bouleversée régulièrement par le regard et les propos de sa mère. « Elle me disait souvent ‘Mo piti oh, ki ou pe fer ? Bondie inn donn ou enn lekor pa pou ki ou servi li mal.’ C’était une femme droite, une personne de principe, elle refusait de prendre l’argent que je gagnais de cette façon ou de manger un repas que j’avais acheté avec cet argent. ‘Li ti dir mwa ‘arete ek sa mo piti’. Mo trouv kouma pe ale, zame mo kone kouma mo pou trouv ou retourne’ ». 

Absence d’amour 

Cela fait maintenant quelques années, dit-elle, qu’elle ne se drogue plus. « Je n’ai plus d’argent de toute façon pour continuer. Je fume, je bois parfois ». Selon elle, si elle se retrouve ainsi c’est parce que dans sa vie, il lui a manqué de l’amour. « Toutes les personnes que j’ai connues sont des gens qui avaient besoin de quelque chose de moi. ‘Personn pann donn mwa lamour, personn pann kontan mwa, personn pann explik mwa ki ve dir lamour’ ». Elle explique que c’est ainsi qu’au fil des années, elle s’est endurcie. « Mo leker ros zordi. Si ou pena sa leker dir, ou pa kapav res dan lari. Seki pase deor enn leker sensib pa pou kapav andire. Ou gayn zoure, maltrete kouma lisien. Dimounn rod abiz ou, rod kokin ou, denigre ou ». Elle avance cependant que son cœur fond parfois devant son petit-fils qu’elle aime quand même de tout son cœur mais qu’elle voit très rarement. « Vous me voyez demander à ma fille d’emmener son fils me voir dans la rue ? » lance-t-elle triste. 

Pour Lucie, il est important de dire la vérité sur son vécu. Elle veut aussi crier haut et fort la misère, la pauvreté dans laquelle plusieurs personnes comme elles vivent et parler des femmes qui se retrouvent à la rue.  « Certes, je ne suis pas une sainte, je n’ai malheureusement pas fait de bonnes choses de la vie, cependant, je ne veux pas de la pitié, de la charité. Je veux juste pouvoir me reposer en paix. … Ne me jugez pas ! Aidez-moi, si vous le pouvez, à ne pas mourir, ici, seule, dans la rue… » 

A la recherche d’une maison 

Ayant comme seule revenue une aide sociale de Rs 1 800, Lucie avance qu’elle a des difficultés pour trouver une maison. « Je peux payer uniquement une somme de Rs 1 000 par mois. Je demande à toute personne qui peut m’aider de se manifester. J’ai besoin que d’une petite pièce ». 

Elle explique qu’elle a déjà habité dans un centre mais qu’elle n’arrive à s’y adapter. « Vous direz que je suis ingrate mais cela fait 10 ans que je suis dans la rue et que je n’ai pas l’habitude de vivre avec d’autres personnes, même dans la rue, j’essaie de trouver un endroit où je serai seule. Cela me permet de me retrouver, de réfléchir, de penser… » 
Si vous pensez pouvoir aider Lucie, envoyez-nous un message via SMS ou Whatsapp au 5 256 5154. 

 

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