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Extended Programme : une refonte nécessaire pour offrir une réelle seconde chance aux élèves 

Des élèves du New Eton College dans le projet « Grow your own vegetables ».

Six ans après l’introduction de l’Extended Programme dans le système éducatif, la nécessité d’une révision se fait de plus en plus pressante. Alors que les élèves du programme sont en période d’examens en ce moment, des pédagogues estiment qu’une refonte est indispensable pour offrir une réelle seconde chance aux élèves ayant échoué au Primary School Achievement Certificate. 

« Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous devons travailler de tout notre cœur et faire preuve de créativité… » Déclaration faite par le cardinal Maurice Piat à l’égard de l’Extended Programme, alors qu’il intervenait le 17 septembre dernier lors la demi-journée de réflexion en hommage à Dev Virahsawmy. L’événement a été organisé au collège St Joseph, à Curepipe par le Service diocésain de l’Éducation Catholique (SeDEC) dans le cadre de la Journée mondiale de l’alphabétisation. 

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Lancé en 2018 dans le cadre de la réforme de la Nine-Year Continuous Basic Education, l’Extended Programme avait pour ambition d’offrir une seconde chance aux élèves n’ayant pas atteint le niveau requis au Primary School Achievement Certificate (PSAC) après six années passées dans le cycle primaire. Ce cursus de quatre ans prépare les élèves à passer le National Certificate of Education (NCE). 

Toutefois, les résultats de ce programme laissent à désirer, comme en témoignent les faibles taux de réussite aux examens : 3,6 % en 2022 et 8,9 % en 2023. Face à ces performances, les autorités ont décidé de revoir la méthode d’évaluation dès cette année. Une nouveauté a été introduite pour certaines matières : le School-Based Assessment (SBA). Il s’agit d’une approche d’évaluation mixte : 40 % des notes seront attribuées sur la base de compétences évaluées par les enseignants, tandis que 60 % relèveront des examens écrits. 

 Grow your own vegetables

Le Mauritius Examinations Syndicate (MES) supervisera l’organisation de ces évaluations. Ceux qui obtiendront le NCE-EP auront deux options : la promotion en Grade 10 ou suivre une formation professionnelle via le Bright-Up Programme. 

Au niveau des évaluations, les éducateurs utilisent les critères fournis par le MES. Les critères sont appliqués pour évaluer les réalisations d’apprentissage des élèves dans le cadre d’activités d’apprentissage, qui incluent notamment les éléments suivants : le travail en binôme ou en groupe sur des scénarios de problèmes ; des études de cas ou de courtes histoires ; des discussions en classe ; ou encore des débats. 

Innovation pédagogique 

Le Service Diocésain de l’Éducation Catholique (SeDEC) s’engage à assurer la réussite de tous ses élèves, tant sur le plan académique que dans la vie quotidienne. Conscient des défis que pose l’Extended Programme, le Dr Jimmy Harmon, responsable du secondaire au SeDEC, estime qu’une révision profonde du système est indispensable, surtout à la lueur des résultats actuels.

Le SeDEC a ainsi sollicité l’aide de Caritas pour organiser une formation spécifique à l’intention des enseignants de l’Extended Programme. Celle-ci est centrée sur la méthode d’alphabétisation fonctionnelle afin de les doter d’outils concrets pour mieux encadrer des élèves qui entrent en Grade 7 avec une maîtrise limitée, voire inexistante, de la lecture et de l’écriture.

Le Dr Harmon met en exergue l'importance d'innover pour susciter l’intérêt des élèves : « Il ne faut pas se voiler la face. Ils ne sont pas attirés par la lecture et l’écriture. Chaque établissement doit donc concevoir un programme qui suscite leur intérêt. » 

Il prône une approche pédagogique plus dynamique, notamment par l’organisation d’activités en dehors des salles de classe et par une gestion plus interactive. « Il est crucial d’adapter le curriculum aux profils de ces élèves pour les motiver et les amener vers la réussite », conclut-il.

Forces et faiblesses

Arvind Bhojun, le président de l’Union of Private Secondary Education Employee (UPSEE), est d’avis que la réforme éducative est une bonne chose. Mais il est sceptique quant au programme d’étude qui concerne les élèves qui ont échoué leur scolarité, après six années au primaire.

« Après avoir échoué le PSAC, il est difficile de faire croire aux élèves qu’ils vont réussir le National Certificate in Education (NCE) après quatre ans ! L’Extended Programme est une mauvaise décision. La majorité de ces élèves ne se retrouvent pas dans ce système. »

Selon lui, ces élèves ont besoin d’un programme d’étude différent des autres.

« Le Prevocationnel a fait son temps. Il aurait fallu l’améliorer pour répondre aux besoins des élèves dans la même situation. Actuellement, les élèves de l’Extended Programme sont de plus en plus difficiles à gérer. Ils ne sont pas fautifs et les décideurs doivent trouver des solutions à leur problème. Puisque la plupart d’entre eux ont des problèmes familiaux et font face à la pauvreté. Beaucoup n’ont pas l’encadrement voulu et ont tendance à être désobéissants. La solution réside dans une révision totale du programme, pour le bien de chacun d’entre eux. »

L’enseignant Brian Pitchen est catégorie. « L’Extended Programme n’est pas un bon pour les élèves. Il n’a pas fait ses preuves quand nous voyons le nombre d’échecs. »

Pour lui, c’est un programme trop académique qui à la fin est sanctionné par un examen très compétitif. « Ce système n’est pas approprié pour ce type d’élèves. Nous avons toujours souhaité qu’il y ait un système bilingue, pour rendre meilleur leur apprentissage au niveau des collèges. »

Commentant les résultats obtenus par les deux dernières cuvées, il souligne que les élèves n’ont pas le niveau pour réussir, parce qu’ils ont des lacunes au niveau de la littéracie et de la numéracie. « L’Extended Programme aurait dû évaluer les compétences des élèves au lieu des connaissances. »

L’enseignant ajoute que la plupart de ces élèves connaissent leur compétence, mais le système mis en place ne leur donne pas la possibilité de se développer. Selon lui, il manque une dose de connaissance technique vocationnelle dans le programme.

« Le Prevokbek avait un système bilingue et la langue maternelle de l’enfant était privilégiée. C’est la langue qu’il connait déjà, qu’il entend et qu'il comprend. De plus, les évaluations se faisaient à l’écrit, à l’oral et à travers un projet. »

Brian Pitchen va encore plus loin. Selon lui, il aurait fallu offrir aux élèves de l’Extended Programme, ayant réussi le NCE, le même type de programme lorsqu’ils passent en Grades 10 et 11. Selon lui, ces derniers ont du mal à poursuivre leurs études.

« Il faut un autre parcours académique pour les élèves qui échouent le PSAC. Il doit commencer en Grade 7 avec des matières travaillées spécifiquement pour eux dans lesquelles ils peuvent à la fois s’exprimer et travailler. »

Témoignage - Varmasingh Heera : « Il faut se réinventer… »

Varmasingh Heera est un enseignant de langue anglaise et de Life skills au New Eton College à Rose Hill. Il est d’avis que les élèves qui échouent le Primary School Achievement Certificate (PSAC) ont besoin d’un nouveau programme d’étude pour poursuivre leur scolarité. « Lorsque les élèves viennent au collège et passent en Extended Programme, je constate que beaucoup d’entre eux ont des difficultés fondamentales. Ils ont des lacunes en ce qui concerne les syllabes et ils ne savent pas écrire leur nom. »

Ces élèves doivent se préparer pour un examen national après quatre ans d’étude. Et c'est un grand défi. « Les comportements en classe sont variés. Certains élèves ont du mal à gérer leurs impulsions. Il faut des méthodes d’enseignement adaptées. Avec le temps, nous parvenons à les enseigner à écrire au moins une phrase. Mais certains élèves sont encore loin de la moyenne. Un score de 35 à 40 % pourrait sembler faible, mais c'est un grand progrès après un retard de six ans. »

Selon lui, il est crucial de leur offrir un curriculum basé sur l’apprentissage par l’activité. 

« J’enseigne également le Life Skills, ce qui renforce les liens avec les élèves. J’ai lancé le projet “ Grow your own vegetables ” au sein du collège. Il permet aux élèves d'acquérir diverses compétences. Ils commencent par la préparation de la terre. Et ils termineront par la récolte des légumes. Il faut se réinventer pour attirer leur attention. Grâce à ce programme, les élèves ont pu développer plusieurs compétences comme la communication, l’entrepreneuriat, le leadership et la collaboration. Ils ont plusieurs aptitudes et il faut par tous les moyens les aider à les découvrir et à les développer. »
 

 

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