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Expropriation des terres : l’équité pour réparer les injustices

Me Manoj Appado, avoué, a travaillé à la Land Research and Monitoring Unit du ministère du Logement et des Terres.

Il est grand temps de repenser en profondeur l’expropriation des terres, un domaine au sein duquel de nombreuses réformes sont indispensables. Me Manoj Appado, avoué, qui a travaillé à la Land Research and Monitoring Unit du ministère du Logement et des Terres, aborde les lacunes du cadre législatif local et les réformes nécessaires pour y remédier.

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Héritage colonial
« Le pays est passé par des épreuves comme l’esclavage, l’immigration sous contrat et la Révolution française et ses répercussions. Les séquelles de la colonisation se font encore sentir dans notre société », avance Me Manoj Appado.

Propriété foncière
Depuis l’arrivée des colons français, des concessions de terres ont été faites dans l’optique de favoriser la croissance. Cependant, au fil des siècles, les héritiers des bénéficiaires de ces concessions furent souvent victimes de pratiques injustes. La question de la propriété foncière, véritable épine dorsale des conflits humains, a toujours été sensible. Le Mahâbhârata en est une illustration, avec sa guerre pour la terre et le pouvoir. L’histoire moderne semble répéter ce scénario, hélas !

Généalogie
Trois siècles après, retracer la généalogie des familles expropriées est à la fois une tâche complexe et primordiale. Beaucoup d’entre elles manquent de documents complets sur leurs lignées, en raison des injustices passées et du manque de transmission de savoirs historiques. 

Pour Me Manoj Appado, la reconstitution des arbres généalogiques est essentielle pour recouvrer les droits fonciers ancestraux. Ce processus devrait impliquer des généalogistes spécialisés, travaillant aux côtés de juristes et d’historiens, pour garantir l’exactitude des revendications. Il plaide également pour une collaboration avec l’état civil et d’autres archives, afin de faciliter l’accès aux documents nécessaires.

Impact émotionnel et culturel
L’expropriation des terres, constate Me Manoj Appado, ne cause pas seulement des pertes matérielles, mais engendre aussi un profond traumatisme émotionnel et une rupture culturelle. Le déracinement des populations de leurs terres a été un choc psychologique. Et il a aussi engendré une fracture identitaire et culturelle.

Commission vérité et justice
La commission vérité et justice a formulé plusieurs recommandations importantes. Ce qui représente déjà un premier pas vers la résolution du problème. Me Manoj Appado estime que les victimes d’expropriation des terres qui n’ont pas pu déposer leur dossier devant cette commission devraient avoir une nouvelle chance de le faire.

Besoin de progrès
Malgré les progrès réalisés, Me Manoj Appado insiste sur le fait qu’il reste encore beaucoup à faire pour une solution globale et juste à cette problématique. Le chemin vers une véritable réconciliation et réparation est encore semé d’embûches.

Tribunal foncier
Sous l’occupation française, il existait une « Land Division » qui a été démantelée par la suite, et dont les attributions ont été absorbées par la Cour suprême. Pour Me Manoj Appado, il est impératif de recréer un tribunal foncier dédié exclusivement aux cas d’expropriation. Ce tribunal devrait rendre des verdicts dans des délais raisonnables. Et les opérations d’arpentage foncier devraient être mises à disposition des plaignants gratuitement. Il plaide également pour une plus grande flexibilité dans l’accès aux documents d’arpentage, qui ne constituent pas, en soi, une preuve de propriété, tout comme un code PIN.

Prescription en droit
Le légiste souligne que l’île Maurice a des réalités juridiques uniques. Il cite en exemple l’œuvre du Professeur Pierre Garon sous le gouvernement de Sir Seewoosagur Ramgoolam, qui a largement contribué à la reconnaissance des droits du conjoint survivant. Pour lui, il est nécessaire de modifier la législation sur la prescription foncière. Il est impératif que des experts interviennent pour réviser cette législation, afin qu’elle soit mieux adaptée aux défis actuels.

Restructuration
Me Manoj Appado propose une restructuration en profondeur de la gestion foncière. Cette réorganisation devrait impliquer la collaboration de généalogistes, avocats, consultants fonciers et historiens. Il estime de plus que des amendements législatifs sont indispensables pour garantir que les tribunaux fonciers fonctionnent dans le cadre de procédures simplifiées, axées sur l’équité, afin de rectifier certaines erreurs du passé. Il cite l’exemple historique des Métis qui n’étaient pas reconnus par leur père d’origine blanche. Et il plaide pour des mesures correctives dans un monde dans lequel la diversité est de plus en plus revendiquée.

Land Division
Bien que la Land Division s’efforce de traiter les affaires avec diligence, elle doit travailler dans un cadre bien défini. Ce qui peut entraîner des retards. Me Manoj Appado recommande aux plaignants de réunir tous les documents nécessaires avant de soumettre leurs demandes, afin d’éviter des retards inutiles. Il suggère également qu’un mécanisme de vérification des dossiers, semblable à la procédure d’obtention d’un permis de construire, soit instauré avant toute nouvelle demande devant la Land Division.

Renforcer les institutions
« Les institutions doivent être bien équipées, mais ce sont avant tout les hommes et les femmes qui les animent. Il est essentiel de placer les bonnes personnes aux bons postes. Ce qui garantira une justice rapide et équitable. Faisons observer que “justice delayed is justice denied”. Il n’est pas utile de tout déconstruire, mais il faut repenser nos actions pour une République plus juste », conclut Me Manoj Appado.

La réorganisation du système foncier est un défi complexe, mais crucial. Elle vise à restaurer les droits des personnes qui ont été expropriées. Elle garantit une justice plus accessible et plus équitable pour tous.

Les cas juridiques

Me Manoj Appado évoque le jugement interlocutoire de Kisnorbo, qui constitue une référence incontournable dans les affaires d’expropriation des terres. Cependant, il souligne une problématique majeure. Bien que « l’action en revendication ne soit pas prescriptive », la prescription acquisitive peut rendre le titre de propriété caduque. Pour lui, cette situation représente un véritable obstacle.

Dans ce contexte, il insiste sur la nécessité de réfléchir collectivement pour trouver un équilibre équitable. « Les amendements de 2018 sur la prescription ne suffiront pas à corriger les injustices existantes. Certes, l’industrie sucrière a joué un rôle primordial dans notre économie, mais celui-ci ne doit pas justifier toutes les dérives. »

Il cite également une déclaration du vice-président du tribunal de l’Environnement dans l’affaire Georges Ah Yan, qui illustre la prudence à observer dans les choix économiques. « It is not because an atomic plant can absorb all the unemployment issues that we are bound to go for it. We want economic sustainable progress. »

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