
«Le tabou et la honte commencent dès les premières règles. » Cette observation de Vanessa Vencatachellum, fondatrice et présidente de l’association Living with Endometriosis (LWE), pointe du doigt un problème persistant qui accompagne de nombreuses femmes tout au long de leur vie. Dans notre société, les discussions sur la santé menstruelle restent souvent empreintes de malaise, un silence particulièrement nuisible aux femmes atteintes d’endométriose, une maladie chronique qui touche des millions de personnes mais demeure sous-estimée.
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Atteinte elle-même d’endométriose, Vanessa Vencatachellum œuvre, à travers son association, pour briser ce tabou et améliorer la prise en charge des femmes concernées. « Un de nos objectifs est d’éduquer les jeunes filles, car l’endométriose peut apparaître dès l’adolescence. Trop souvent, nous avons tendance à normaliser les douleurs menstruelles. Même les parents et les enseignants ne sont pas toujours informés sur cette maladie », précise-t-elle.
L’endométriose ne se limite pas aux douleurs menstruelles. Elle affecte le quotidien, freine la scolarité et la carrière des femmes concernées. « Cette maladie entraîne des douleurs chroniques, des troubles digestifs et urinaires, ainsi qu’un impact psychologique majeur », explique Vanessa Vencatachellum. Pourtant, regrette-t-elle, « beaucoup de femmes hésitent à parler de leurs douleurs en raison de la honte ou du tabou autour des règles ».
Pour elle, l’éducation est une priorité : « La santé menstruelle devrait être enseignée dès le Grade 7 (Form 1), avec un module dédié à l’endométriose. Depuis la création de notre ONG, nous avons rencontré les ministères concernés à ce sujet. »
L’implication des parents est essentielle. L’association LWE organise des sessions de sensibilisation dans les collèges, visant à informer élèves et enseignants. « À l’avenir, il faudrait envisager de collaborer avec les PTA pour organiser des sessions avec les parents. Le ministère devrait également mettre en place un plan visant à former un responsable dédié dans chaque collège. »
Pour normaliser la discussion autour de l’endométriose, elle plaide pour une sensibilisation accrue impliquant médecins et psychologues. « En parler, c’est briser le tabou. Plus la maladie sera connue, moins les femmes se sentiront jugées », insiste-t-elle.
Au-delà de la santé, l’endométriose est aussi une question de droits des femmes, notamment dans le monde professionnel. « Beaucoup de femmes doivent interrompre leur carrière en raison d’absences répétées. La peur d’être stigmatisées les pousse parfois à cacher leur maladie, voire à démissionner », regrette Vanessa Vencatachellum.
Pour remédier à cette situation, elle s’inspire du programme britannique « Endometriosis Friendly Employer » et du « Livre blanc : Endométriose et emploi » publié en France. « Depuis 2018, nous organisons des sessions de sensibilisation dans les entreprises et les hôtels. Ces trois dernières années, nous avons constaté un intérêt croissant des employeurs pour sensibiliser leurs salariés à l’endométriose. Nous recevons de plus en plus de demandes, ce qui est encourageant et montre leur engagement envers le bien-être de leurs employées. »
Accorder plus de flexibilité au travail, notamment en facilitant le télétravail, serait bénéfique, selon elle. « Les douleurs chroniques entraînent une baisse de concentration et de productivité. Même se lever le matin pour aller travailler est un défi en raison des douleurs, de la fatigue chronique et des effets secondaires des médicaments. »
L’importance d’un réseau de soutien
LWE organise également des groupes de soutien, essentiels pour briser l’isolement des patientes. « Se savoir comprise allège le poids de la maladie », confie Vanessa Vencatachellum, reconnaissante du soutien de son époux et de sa famille. Mais toutes n’ont pas cette chance : « Certaines femmes se heurtent à l’incompréhension de leur entourage, ce qui aggrave leur souffrance. »
L’association travaille avec la Junior Minister de l’Égalité des genres pour soutenir ces femmes qui ressentent souvent « un profond sentiment de culpabilité, pensant qu’elles déçoivent leur conjoint et leur belle-famille ».
Vanessa Vencatachellum plaide pour une campagne nationale sur l’endométriose, impliquant les ministères de la Santé, du Travail, de l’Éducation et de l’Égalité des genres. « Il est urgent d’agir. Nous avons fait des propositions, mais rien n’a encore été mis en place », déplore-t-elle.
Elle appelle aussi à un meilleur accès aux soins : « Il faut renforcer la prise en charge hospitalière, former les professionnels de santé et créer un centre spécialisé. Certains traitements coûtent cher et devraient être pris en charge par l’État. » Elle insiste également sur la nécessité d’avoir un psychologue dédié dans ces centres.
Si elle reconnaît qu’« il n’existe pas de traitement permettant de guérir l’endométriose, des solutions existent pour soulager les symptômes et améliorer la qualité de vie ». Vanessa Vencatachellum porte un message d’espoir et de détermination : « L’endométriose n’est pas une fatalité. Il faut apprendre à vivre avec cette maladie et ne pas se laisser définir par elle. »
Raise Brave Girls plaide pour le congé menstruel
Depuis 2019, l’association Raise Brave Girls milite activement pour l’instauration d’un congé menstruel, plaidant en faveur du bien-être et de la dignité des femmes. Afin de sensibiliser le public et les décideurs, elle a également lancé une pétition en ligne, qui a déjà recueilli plus de 10 000 signatures, et reste ouverte pour recueillir davantage de soutien.
Raise Brave Girls insiste sur la reconnaissance de maladies comme l’endométriose, qui touche de nombreuses femmes et entraîne des douleurs invalidantes. « L’inclusion d’un congé menstruel et la sensibilisation à ces pathologies sont des étapes essentielles vers une société plus solidaire et empathique », selon Prisheela Mottee, la présidente de l’organisation.
Cette proposition sera de nouveau présentée lors du prochain exercice budgétaire.

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