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Emploi - travailleurs étrangers : un mal nécessaire, mais…

Le processus pour le recrutement des travailleurs étrangers sera assoupli.

Il y a une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs d’activités. Afin de faciliter le recrutement de travailleurs étrangers, le ministre des Finances, dans le budget 2024-2025, a annoncé des mesures pour accélérer son processus. Cette mesure est bien accueillie par certains acteurs économiques,  alors que d’autres avancent qu’il faut être prudent. 

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Pour Jay Soopayah Narrain, Chief Executive Officer de RockFin Tax, la pénurie de main-d’œuvre est un défi majeur que le gouvernement doit relever. « Pour y remédier, le gouvernement facilite le processus de recrutement de travailleurs étrangers, assurant que les industries clés ont accès à la main-d’œuvre nécessaire pour stimuler la croissance », explique-t-il. 

Ignace Lam affirme que les mesures pour assouplir le recrutement des travailleurs étrangers sont « très bien accueillies » par le milieu des affaires. « Plusieurs secteurs connaissent des problèmes de manque de main-d’œuvre. Nous ne mettons pas suffisamment de jeunes sur le marché. Certains ne sont pas intéressés.

Le manque se fait sentir pour faire tourner l’économie. Le gouvernement facilite le recrutement des étrangers, ce qui est une bonne chose. Il devrait classifier les secteurs qui peuvent importer de la main-d’œuvre », estime le CEO d’Intermart. 

D’ailleurs, Intermart a déjà recours à la main-d’œuvre étrangère. Ignace Lam évoque  que certains syndicalistes s’y opposent. « Tous les grands pays développés ont recours à la main-d’œuvre étrangère : Dubaï, les pays européens, etc. Nous avons déjà commencé à faire venir de la main-d’œuvre pour remplir les étagères.

Après, nous sommes passés à la seconde étape et j’ai rencontré beaucoup de problèmes pour recruter des caissières. Maintenant, des travailleurs étrangers sont à la caisse. » Il importe de la main-d’œuvre du Bangladesh et du Népal. 

Selon lui, il y a deux facteurs importants à prendre en compte. Le premier : les Mauriciens ne veulent pas faire ce travail à cause des horaires exigeants (ouverts tous les jours de la semaine). Le second : il n’y a pas assez de main-d’œuvre locale sur le marché. « La population vieillissante signifie qu’il y a moins de jeunes sur le marché du travail. »

Salil Roy, président de la Planters Reform Association, explique que depuis plus de trois ans, il se bat pour l’assouplissement de la procédure de recrutement des étrangers. « La situation avance rapidement lorsqu’il y a des élections. Il est grand temps d’agir. Nous constatons que les terres abandonnées sont utilisées de manière anarchique pour les légumes et la canne. Souvent, on met la charrue devant les bœufs. Sans main-d’œuvre, il ne peut y avoir de progrès. La situation devient difficile. On nous dit que les procédures sont assouplies, mais dans la pratique, il y a des problèmes », fait-il ressortir. 

Il poursuit qu’il est facile d’énoncer des mesures, mais il faut aussi les mettre en pratique. « Les petits planteurs ou ceux qui possèdent dix à quinze arpents ne peuvent pas recruter de la main-d’œuvre, ils n’ont pas les moyens de le faire. Il faut examiner combien cette mesure coûte aux planteurs. On offre des facilités, mais elles ne bénéficient pas forcément aux planteurs. Je pense qu’une mesure plus intéressante pour l’agriculture serait de mettre la main-d’œuvre à disposition par établissement pendant la saison de coupe. Si les planteurs s’occupent de la canne, ils ne rencontreront pas de problèmes. Les cannes se dessèchent dans les champs. »

Pour Salil Roy, les problèmes doivent être résolus. « Pourquoi les planteurs ne seraient-ils pas intéressés à reprendre leur activité ? Le problème majeur de la main-d’œuvre doit être résolu, mais il ne suffit pas d’ouvrir les portes en grand. Certains planteurs ne peuvent pas importer de la main-d’œuvre, car cela coûte trop cher. J’espère que cela sera mis en fast track. La coupe commence et nous faisons face à un manque de main-d’œuvre », avance notre interlocuteur. 

Deepak Benydin, syndicaliste : «que les Mauriciens ne soient pas marginalisés» 

« Il ne faut pas que les Mauriciens soient marginalisés et sacrifiés. La priorité est de placer tout le monde sur un pied d’égalité. Il faut donner leur chance aux Mauriciens, car le pays est pourvu d’un bon nombre de talents », soutient Deepak Benydin.

Les mesures du ministre des Finances

Pour accélérer le recrutement des travailleurs étrangers :

  • L’Agricultural Workers (Job Contractors) Regulations sera modifié afin d’offrir une plus grande flexibilité pour le recrutement dans le secteur agricole 
  • Les quotas de main-d’œuvre étrangère seront supprimés dans les secteurs de l’industrie manufacturière, de la joaillerie, du port franc et des TIC/BPO
  • Le délai maximum pour avoir ou renouveler un Work Permit sera de trois semaines
  • La période maximale de renouvellement pour le secteur manufacturier passe à dix ans
  • Les non-citoyens à la retraite, titulaires d’un Residence Permit, seront autorisés à travailler sans Work Permit ou Occupation Permit supplémentaire

Voici un tableau représentant les travailleurs étrangers en fonction de leur nationalité selon les chiffres du ministère du Travail :

Nationalité    Nombre de travailleurs
Inde                 16 300
Bangladesh    11 360
Népal               7 200
Madagascar   5 760


Faizal Ally Beegun, syndicaliste et défenseur des droits des travailleurs étrangers : «il ne faut pas qu’il y ait des abus» 

Faizal Ally Beegun explique que le Fonds monétaire international dit que Maurice doit recourir à la main-d’œuvre étrangère à cause du vieillissement de la population. « Nous parlons de la main-d’œuvre sans examiner les conditions de vie. Certains étrangers se font exploiter. Certains employeurs pensent qu’ils importent une machine ou un robot pour travailler », fait-il observer. 

Selon le syndicaliste, quand le gouvernement dit qu’il faut recruter pour l’économie du pays. « Il est de notre rôle, en tant que syndicalistes, journalistes, ministres et Premier ministre de dire aux Mauriciens que ces travailleurs étrangers ne viennent pas voler leur travail. C’est un mensonge. Il y a certains travaux que les Mauriciens ne veulent pas faire. » 

Faizal Ally Beegun dit qu’il faut être franc. « Dans la zone franche, les travailleurs se sentent comme en prison. De 7 h 20 à 17 h 15, ils sont enfermés dans l’usine entourée de clôtures. Ils doivent souvent faire des heures supplémentaires jusqu’à 21 heures, voire 22 heures. Le samedi, ils travaillent de 7 h 30 à 15 heures ou 17 heures. Les Mauriciens ne veulent plus faire ces travaux. Nous devons donc faire appel à la main-d’œuvre étrangère pour la zone franche et d’autres secteurs comme la boulangerie, la pâtisserie et la pharmacie », avance Faizal Ally Beegun. 

Même des compagnies d’autobus demandent à recruter des travailleurs étrangers comme chauffeurs. « Beaucoup de Mauriciens partent au Canada, en Angleterre, en Italie et en Nouvelle-Zélande. Il est surprenant que le gouvernement mauricien n’ait pas encore compris pourquoi tant de jeunes quittent le pays. Le gouvernement doit déterminer les raisons de ces départs. » 

Il poursuit que Maurice doit paradoxalement faire appel à la main-d’œuvre étrangère. « Certains Mauriciens qui ne suivent pas l’actualité pensent facilement que ces travailleurs viennent pour leur prendre leur travail. Ces travailleurs étrangers, depuis trente ans, contribuent beaucoup à l’économie du pays. Le gouvernement fait appel à eux pour  les postes vacants dans le textile, le secteur des fruits de mer, les plantations, l’hôtellerie, le transport et la pâtisserie. »

Le syndicaliste préconise que le recrutement prenne en compte les conditions de vie. « Les dortoirs laissent souvent à désirer. L’exploitation doit cesser, ainsi que le trafic humain. On dit aux travailleurs qu’ils gagneront Rs 30 000 ou plus, mais des fois ils ne touchent pas le salaire garanti qui est maintenant de Rs 20 000.

»Est-ce que les travailleurs étrangers sont plus faciles à exploiter ou plus disponibles ? Selon lui, il faut éviter les abus. « Oui, nous avons besoin de travailleurs étrangers, mais ils ne doivent pas être exploités. Certains ne perçoivent même pas le salaire minimum, et s’ils protestent, ils sont déportés. À cause de cela, certains fuient avant d’être déportés. » Pour lui, la déportation « inhumaine » doit cesser. 

 

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