
Les municipales du 4 mai pourraient être historiques, non par ferveur démocratique, mais par une abstention record. Un désintérêt citoyen qui, paradoxalement, pourrait largement favoriser le gouvernement du Changement au pouvoir.
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Les élections municipales du 4 mai pourraient bien entrer dans l’histoire du pays. Non pas pour leur intensité démocratique, mais pour un phénomène inquiétant : un possible taux d’abstention record. Si les électeurs se détournent massivement des urnes, c’est le parti au pouvoir qui pourrait en sortir grand gagnant.
C’est une petite phrase qui en dit long. « Le grand ennemi qui se présente devant nous, c’est l’abstention », a lâché le Premier ministre, dimanche, en marge de la présentation des 120 candidats de l’alliance gouvernementale à l’hôtel Hennessy Park, à Ébène. Une déclaration presque anodine, mais symptomatique. Même ceux qui tiennent les rênes de l’État semblent s’inquiéter du désintérêt citoyen à ce scrutin. « C’est une déclaration qui peut se lire à plusieurs niveaux », analyse l’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low. Mais cela ne signifie pas, poursuit-il, que « le gouvernement du Changement est en passe de perdre les municipales ». Bien au contraire. Autre déclaration du Premier ministre, Navin Ramgoolam, dimanche. « Aucune élection n’est gagnée d’avance », même si, selon lui, « il est vrai que nous n’avons pas d’adversaire ».
« Il est clair que le gouvernement va remporter les municipales. Mais la déclaration du Premier ministre laisse entrevoir une victoire en demi-teinte. » Pour Jocelyn Chan Low, l’appel du chef du gouvernement à contrer l’abstention n’est pas anodin. « Il fait référence à une participation faible, et donc à une légitimité en creux. Une victoire pâle, en somme », souligne l’intervenant.
Jocelyn Chan Low insiste sur le fait que depuis plusieurs décennies, les municipales n’embrasent plus les foules. « Depuis 1990, il n’y a plus d’enjeu réel. Les électeurs ne s’y intéressent plus. « Aucune réforme sérieuse des collectivités locales n’a été engagée. Le pouvoir central a vidé les conseils municipaux de toute substance. Le gouvernement régional a été purement et simplement émasculé », rappelle-t-il. L’observateur déplore également la qualité des conseillers municipaux qui aurait nettement baissé. « On ne parle plus ici de figures locales fortes ou de militants engagés, mais de candidatures parachutées, sans vision ni enracinement », fait ressortir Jocelyn Chan Low.
Engouement à mi-mandat
L’observateur Yvan Martial insiste, lui, sur le fait que « les municipales devraient idéalement se tenir à mi-mandat d’un mandat législatif ». « Les organiser juste après des législatives, surtout après une victoire écrasante comme ce 60-0, c’est tout simplement tricher. Cette pratique bien ancrée dans le paysage politique mauricien offre un avantage considérable au pouvoir en place », a-t-il souligné à maintes reprises.
Faizal Jeerooburkhan abonde dans le même sens. L’abstention, dit-il, a toujours existé. « Si les municipales avaient eu lieu à mi-mandat, cela aurait pu redonner un peu d’oxygène démocratique aux villes. Mais programmées à peine quelques mois après le raz-de-marée du 60-0, elles ressemblent davantage à une formalité qu’à un vrai scrutin de terrain. L’opposition est sonnée, les électeurs lassés. Quand le vent souffle dans sa direction, le pouvoir en place en profite. Pourquoi aller voter quand tout semble déjà joué ? » s’interroge Faizal Jeerooburkhan.
Selon lui, l’enjeu des municipales est faible, « C’est pourquoi la dynamique est absente », ajoute-t-il.
Kugan Parapen : « L’abstention est le véritable adversaire du scrutin »
Le Junior Minister de la Sécurité sociale et de l’Intégration sociale, Kugan Parapen, tire la sonnette d’alarme : le véritable danger, selon lui, ce n’est ni le MSM ni le PMSD. « C’est l’abstention », a-t-il lancé samedi, lors du dépôt des candidatures (Nomination Day). Il en a profité pour dénoncer une « décennie de confiscation démocratique ». « Depuis dix ans, les citadins sont privés de leur droit de vote », rappelle-t-il, appelant à une mobilisation citoyenne massive.
À ses yeux, une forte abstention risque de saper la légitimité du processus électoral. « Si elle atteint un niveau trop élevé, ce ne sera pas un bon signe pour notre démocratie », avertit-il. Dans sa ligne de mire : le MSM, qu’il accuse d’avoir « déserté » l’arène municipale, entretenant ainsi le flou autour de la stratégie du pouvoir en place. Le PMSD n’échappe pas non plus à ses critiques, dans un contexte où les alliances se cherchent et où l’opposition peine à convaincre.

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